La technique du coup d’accordéon

Le coup d’accordéon est une technique du droit des affaires permettant le refinancement de la  société. Il peut arriver dans la vie d’une société, que celle-ci souhaite injecter de l’argent frais  dans ses fonds. Cela peut se faire à l’occasion de difficultés financières ou à l’occasion de  l’entrée au capital d’un nouvel actionnaire. Cette technique permet d’apurer les dettes via l’augmentation de capital et de donner une image comptable saine de l’entreprise. 

Tel le mouvement d’un accordéon se contractant puis s’étirant pour produire le son voulu, la  société va procéder à une réduction de capital, pouvant aller jusqu’à zéro, avant de procéder à  un apurement des dettes puis à une augmentation de capital. 

La société va réduire la valeur de ses titres et donc diminuer son capital social puis elle va émettre de nouveaux titres afin de l’augmenter. 

Le son qui en résulte redonne une santé financière à la société, pour les associés en revanche,  le coup d’accordéon peut parfois produire une fausse note. 

Un exemple de coup d’accordéon Ex : Une société dispose d’un capital social de 100 000€ sous la forme de 100 000 titres d’une valeur unitaire de 1€. Les dix associés de la société possèdent chacun 10% des parts de la société soit 10 000 parts. La société a contracté des dettes pour un montant de           50 000€. Afin de relancer la société, les associés décident de faire entrer au capital de cette dernière un investisseur qui exige toutefois que la dette soit réglée avant de procéder à son apport. Lors de la réduction de capital, la valeur unitaire d’un titre est divisée par deux. Ils ne valent plus que 0,50€. Le capital est donc réduit à 50 000€ (la moitié). Chaque associé est, à ce stade, toujours propriétaire de 10% des parts soit 10 000 titres. La perte de valeur de la mise de départ des associés étant une conséquence directe de la participation aux pertes.  L’argent résultant de la réduction du capital va permettre d’épurer la dette.  La société va entrer dans la seconde phase du procédé, elle va émettre 200 000 nouvelles parts sociales. Ces parts sont vendues pour 100 000€ à l’investisseur.  Le capital social sera maintenant de 150 000€, les dettes sont apurées et l’investisseur  détiendra 67% des parts de la société tandis que les 10 autres associés auront été dilués, leurs  droits passant de 10% à 3,3%. 

I. La validité de la technique du coup d’accordéon comme méthode de refinancement

A. La réduction et l’augmentation du capital social

Le capital social d’une société doit faire l’objet d’une stipulation statutaire. Par principe on ne peut pas descendre le capital social en dessous du montant minimum légal. Toutefois, en cas de dettes contractées ou de manque de liquidités au sein de l’entreprise, le principe est la possibilité de réduire le capital en diminuant le nominal des actions si on l’augmente dans ses quantités initiales. Il s’agit de la technique du coup d’accordéon. 

Par exception, l’article L.224-2 du Code de commerce dispose toutefois que « le capital social  doit être de 37 000 € au moins. La réduction du capital social à un montant inférieur ne peut  être décidée que sous la condition suspensive d’une augmentation de capital destinée à amener  celui-ci à un montant au moins égal au montant prévu à l’alinéa précédent ». 

La loi pose ainsi une condition suspensive : si l’augmentation de capital qui découle directement de la première réduction porte le capital, au moins, au minimum légal, alors le coup d’accordéon est autorisé.  

B. L’entrée d’un nouvel actionnaire au sein de la société  

L’objectif de ce coup d’accordéon, n’est pas uniquement de liquider les dettes. Il permet aussi  l’entrée d’un nouvel actionnaire et avec lui l’apport d’une somme conséquente pour la société.  

Toutefois, les associés des sociétés par actions disposent selon les dispositions de l’article       L.225-132 du Code de commerce d’un « droit préférentiel de souscription aux augmentations de capital ». 

Cela signifie que les différents associés seront prioritaires sur les nouveaux actionnaires pour l’achat des nouvelles actions émises. Dans le cas du coup d’accordéon, les actionnaires déjà présents peuvent renoncer à leurs droits préférentiels de souscription. A vrai dire, il est même courant, puisque l’objectif est l’entrée d’un nouvel actionnaire, que l’assemblée extraordinaire décidant de l’opération du coup d’accordéon supprime les droits préférentiels de souscription des actionnaires sur les nouvelles actions émises.  

II. Le risque d’atteinte aux droits de l’associé dilué 

La dilution, c’est-à-dire la diminution des droits des associés dans la société, n’est pas une  atteinte prohibée à leurs droits. Elle ne constitue pour les associés que « l’aléa le plus  défavorable, inhérent à l’opération spéculative qu’est l’acquisition d’actions ». Des mesures  législatives et contractuelles sont mises en place pour réguler le coup d’accordéon. 

A. L’aléa défavorable pour les associés dilués 

Lors de la réduction du capital, la société va réduire le nombre de parts sociales ou d’actions des associés. Ces derniers vont donc être dilués, leurs droits vont diminuer proportionnellement à la  réduction. Dans un coup d’accordéon avec une réduction à zéro, l’ensemble des parts sociales seront liquidées. Tous les associés perdront donc l’intégralité de leurs droits dans la société. Il s’agit tout simplement de l’expression de « leur obligation de contribuer aux pertes sociales dans la limite de leurs apports ». 

Dans le cadre de l’arrêt Usinor, la chambre commerciale de la Cour de cassation avait dû se prononcer sur la validité d’une opération de coup d’accordéon réduisant le capital à zéro. Les parts sociales des associés avaient donc toutes été diluées, pour redevenir actionnaires de la société, les associés devaient donc « remettre au pot » et procéder à un nouvel apport. 

Les associés, entièrement dilués, de la société avaient formé un pourvoi au motif que la  réduction à zéro du capital était une exclusion déguisée et que l’obligation de souscrire à  l’augmentation du capital pour se maintenir dans la société leur imposait une augmentation de  leurs engagements financiers. L’article L.222-30 du Code de commerce dispose que « la  majorité ne peut en aucun cas obliger un associé à augmenter son engagement social. ». Cela  signifie donc que si l’opération effectuée par la société avait vraiment augmenté l’engagement  social des actionnaires, celle-ci aurait dû être décidée à l’unanimité. 

Pour la Cour de cassation, l’engagement pécuniaire des associés n’a pas été augmenté. Certes, le seul moyen de revenir dans la société était de refaire un apport, mais les associés étaient libres de le faire ou non. S’ils ne souhaitaient pas voir leurs engagements augmenter, ils n’avaient qu’à quitter la société ! 

De même, si l’associé n’est pas dilué entièrement mais souhaite garder une place centrale dans la vie politique de la société, il devra refaire un apport, mais personne ne peut l’y obliger.

B. Les voies de recours et garanties offertes aux associés dilués 

La première voie de recours offerte aux associés concerne l’action en annulation de la décision  d’assemblée pour abus de majorité. Cette voie est sûrement celle qui aurait le plus de mal à  aboutir. En effet comme vu supra, lorsque la situation financière de la société l’exige, le  législateur autorise le coup d’accordéon, s’il se fait dans le respect de la lettre du Code de  commerce (réduction avant augmentation, augmentation a minima au capital social légal, etc.) 

qui est, de fait, réalisé dans l’intérêt de la société.  

Une seconde voie, plus procédurière, consiste à contester la suppression du droit préférentiel de souscription, si ce dernier n’a pas été spécifiquement inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée  délibérant sur le procédé du coup d’accordéon. 

Également, les associés d’une société peuvent décider d’engagements plus confidentiels,  régissant leurs relations au sein de la société. Ces engagements prennent généralement la forme d’un pacte d’associés extrastatutaire. Ce pacte peut notamment prévoir un droit permanent au  maintien de la participation dans la société. Ainsi en cas d’une réduction du capital à zéro, les associés signataires peuvent voir leur responsabilité contractuelle être engagée. De même, la responsabilité des associés s’engageant au travers d’une clause de non-dilution, à maintenir un associé à un certain seuil minimum de détention du capital social pourrait être actionnée du fait d’un coup d’accordéon dilutif.  

Gabin CORVAISIER – M2 DAF 

Notes de bas de page : 

  1.  Art. L223-2 du Code de commerce 
  2. Revue des sociétés, notes Guyon, 1991, P.133
  3. Cass. Com., 18 juin 2002, L’Amy, n°99-11.999, publié au bulletin
  4.  Cass. com., 17 mai 1994, n°91-21364, Bulletin Joly, juillet 1994, note Daigre
  5. Au moment des faits de l’arrêt Usinor, l’article 153 de la loi n°66-537 sur les sociétés commerciales, alors en  vigueur, reprenait la même disposition que celle qu’aujourd’hui en vigueur, et dans les mêmes termes.
  6. En ce sens, Cass. com., 26 octobre 2010, n° 09-71404 
  7.  Cass. Com., 25 septembre 2012, n°11-17.256 
  8. CA Paris, P. 5 ch. 27 mars 2014, n° 13/06816

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