L’erreur judiciaire

Selon le lexique des termes juridiques de Dalloz, l’erreur judiciaire se définit comme : « Erreur commise par ceux qui exercent la fonction juridictionnelle. »

I. L’erreur judiciaire, vue d’ensemble

Bien que l’erreur judiciaire soit assimilée le plus souvent aux affaires pénales, cette dernière n’est pas propre à cette matière puisqu’il s’agit d’une erreur d’appréciation des faits par une juridiction

Cependant, pour que l’on parle d’erreurs judiciaires, il faut que la décision soit rendue définitive. C’est-à-dire qu’elle ne peut plus faire l’objet d’appel. 

Dans l’hypothèse où une personne serait condamnée en 1ère instance et est relaxée en appel, on ne pourra pas parler, dans ce cas, d’une erreur judiciaire. 

Lorsqu’une personne veut faire constater une erreur judiciaire, elle doit former une requête en révision devant la cour de révision. Il s’agit de la chambre criminelle de la cour de Cassation qui siège en formation spéciale. 

En matière pénale, la révision est prévue par les articles 622 et suivants du Code de Procédure Pénale : « La révision d’une décision pénale définitive peut être demandée au bénéfice de toute personne reconnue coupable d’un crime ou d’un délit lorsque, après une condamnation, vient à se produire un fait nouveau ou à se révéler un élément inconnu de la juridiction au jour du procès de nature à établir l’innocence du condamné ou à faire naître un doute sur sa culpabilité. »

En matière civile, la révision est prévue par les articles 595 et suivants du Code de Procédure Civile : « Le recours en révision n’est ouvert que pour l’une des causes suivantes :

1. S’il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ;

2. Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d’une autre partie ;

3. S’il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement ;

4. S’il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.

Dans tous ces cas, le recours n’est recevable que si son auteur n’a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu’il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée.»

Dans le cas de ce développement, on s’intéressera principalement aux erreurs judiciaires en matière pénale. 

II. L’erreur judiciaire en matière pénale

Il existe plusieurs raisons qui amènent la justice à faire des erreurs lors du jugement, par exemple : 

  • L’erreur d’un expert ; 
  • Le faux aveu d’un innocent poussé à avouer un crime qu’il n’a pas commis notamment à la suite de pression de la part des policiers par exemple ; 
  • Un faux témoignage ;
  • La multiplication de petites erreurs lors de l’enquête… 

Les personnes qui ont la qualité pour demander la révision de la décision de justice sont limitées, en matière pénale on retrouve :

  • Le ministre de la justice ;
  • Le procureur général près la Cour de cassation ; 
  • Par le condamné ou, en cas d’incapacité, par son représentant légal ; 
  • Après la mort ou l’absence déclarée du condamné, par son conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, son concubin, ses enfants, ses parents, ses petits-enfants ou arrière-petits-enfants, ou ses légataires universels ou à titre universel. 
  • Par les procureurs généraux près les cours d’appel. 

Une erreur judiciaire entraîne des conséquences. En effet, une personne qui a été condamnée à tort a, bien souvent et notamment en matière pénale, subi d’importants préjudices pouvant aller jusqu’à détruire sa vie. 

Par exemple, une personne accusée à tort de meurtre sera certainement restée en détention une longue partie de sa vie, détruisant ainsi sa santé psychologique voire même physique. 

Une indemnité sera alors versée à la personne victime de cette erreur judiciaire. Cette indemnité de préjudice morale sera la plupart du temps à la charge de l’Etat et sera calculée sur mesure en fonction :

  • Du nombre de jours de détention si la victime d’erreur judiciaire en a fait, 
  • De la base du préjudice moral subi
  • De l’état de santé de la personne, 
  • De sa situation personnelle

Cette indemnité est calculée par le président de la cour d’appel qui peut faire l’objet d’un pourvoi devant la commission nationale de réparation de la Cour de cassation. 

Cependant, cette indemnisation souffre de certaines carences : 

  • En effet, en matière pénale, si nous sommes reconnus coupables mais que nous n’avons pas fait de détention, aucune indemnisation ne sera possible. 
  • De plus l’indemnité est souvent faible : en moyenne elle est entre 55 euros et 75 euros par jour d’emprisonnement. 
  • Enfin, puisque énormément de facteurs rentrent en compte pour le calcul de cette indemnité, il existe de très gros écarts d’indemnisation (notamment en raison de la connaissance par le public de l’affaire mais également si la personne est connue). 

Les erreurs judiciaires reconnues sont très rares. En effet, il faut tout d’abord répondre à tous les critères permettant de former une demande en révision. Mais un autre paramètre rentre en compte. 

Effectivement, reconnaître une erreur de justice revient à décrédibiliser la justice française et à remettre tout le processus allant de l’enquête de police, passant par la phase d’instruction et cela jusqu’au jugement. 

C’est pour cela que depuis 1945, seulement 12 erreurs judiciaires ont été reconnues par la justice française alors qu’on estime à 150 saisines par an de la cour de révision :

  • Jean Dehays, acquitté en 1955 ; 
  • Monique Case, acquittée en 1965 ; 
  • Jean-Marie Devaux, acquitté en 1969 ; 
  • Roland Agret, acquitté en 1985 ; 
  • Guy Mauvillain, acquitté en 1985 ; 
  • Rida Daalouche, acquitté en 1999 ; 
  • Patrick Dils, acquitté en 2002 ; 
  • Marc Machin, acquitté en 2004. 
  • André Kaas, acquitté en 2004
  • Loïc Sécher, acquitté en 2012 ;
  • Christian Lacono, acquitté en 2015
  • Farid El Hairy, acquitté en 2022

Le premier exemple retenu dans ce développement est celui de Roland Agret, condamné en 1970 pour le meurtre d’un garagiste, à 15 ans de réclusions criminelles. Il n’a cessé de clamer son innocence en employant de forts moyens tels que des grèves de la faim allant jusqu’à perdre 41 kilos, se couper deux doigts qu’il a envoyé au Garde des sceaux de l’époque… Il fut gracié en 1977 par le Président de la République mais toujours reconnu coupable aux yeux de la loi. C’est en 1985 qu’il obtient la révision et l’annulation de son procès. En 2005, il se tire une balle dans le pied pour obtenir une meilleure indemnisation. Victime d’une erreur judiciaire, il dévoua le reste de sa vie à la lutte contre les erreurs judiciaire en créant notamment l’association « Action justice » qui a pour mission première d’aider les victimes d’erreurs judiciaires.  

Le second exemple retenu est celui de Farid El Hairy acquitté en décembre 2022. A l’époque, c’est un jeune homme de 17 ans condamné en 2003 pour le viol d’une adolescente. Finalement, en 2017, la jeune femme avoue avoir menti sur ce qui s’est passé, accusant faussement Farid El Hairy. Pour l’instant, il a seulement obtenu l’annulation de sa condamnation et est en attente d’indemnisation par l’État. 

Marie LEMENOREL, Master 2 Justice procès et procédures

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *