La réduction du prix comme sanction de la mauvaise exécution de l’obligation contractuelle

Le contrat est défini par le Code civil comme un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations (article 1101 du Code civil). De plus, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits (article 1103 du Code civil). Ainsi, le contrat légalement formé astreint les parties à exécuter les obligations qui en découlent, sous peine de sanction. 

Initialement, le Code de 1804 ne regroupait pas l’ensemble des sanctions possibles en cas d’inexécution d’une obligation, c’est désormais chose faite, en effet l’ordonnance du 10 février 2016 est venue consacrer l’article 1217 du Code civil, lequel prévoit les différentes sanctions possibles en cas d’exécution imparfaite ou d’inexécution de l’obligation comme la résolution du contrat, l’exécution forcée en nature ou encore la réduction du prix. L’objectif recherché est l’accessibilité du droit des obligations qui, me semble-t-il, est une matière qui concerne une grande majorité des sujets de droit. 

La modification de l’article 1223 du Code civil par l’ordonnance du 10 février 2016 a permis d’introniser la possibilité d’une réduction du prix de manière plus générale lorsque l’obligation n’a été qu’imparfaitement exécutée. Sous l’empire du Code de 1804, la réduction du prix n’était prévue que par certains textes spéciaux comme en matière de vente immobilière, lorsque la contenance est erronée ou lorsque les mesures sont erronées de plus d’un vingtième (article 1617 alinéa 2 Code civil). En outre, le droit de la consommation donne aussi la possibilité au consommateur d’utiliser ce mécanisme en cas de défaut de conformité du bien (article L 217-8 du Code de la consommation). 

La réfraction du prix se définit comme une « diminution du prix, c’est-à-dire un rabais, une réfraction du prix de vente » (Vocabulaire juridique Gérard Cornu). C’est une sanction mise en œuvre par le créancier d’une obligation imparfaitement exécutée, souhaitant maintenir le contrat en payant un prix inférieur à celui initialement convenu. Aussi, il est important de rappeler que la réfraction du prix est une sanction temporaire de la mauvaise exécution de l’obligation, l’objectif étant de ne pas résoudre le contrat mais d’accepter de recevoir moins que ce qui était prévu en échange d’un prix moindre. 

L’article 1223 du Code civil, dont la formulation a été modifiée par la loi de ratification du 20 avril 2018, prévoit qu’en cas d’exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, s’il n’a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier au débiteur sa décision d’en réduire de manière proportionnelle le prix dans les meilleurs délais.

Même si cela n’est pas expressément cité par le texte, la réduction du prix n’est possible que dans le cadre d’un contrat synallagmatique, c’est-à-dire un contrat dans lequel les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres (article 1106 du Code civil). S’il y a un prix, c’est qu’il y a bien une contrepartie et des obligations réciproques, la réduction sera alors possible mais dans le cas inverse, l’absence d’obligation réciproque rendra impossible la réduction du prix. Exemple : Le contrat unilatéral qui ne prévoit aucune obligation réciproque.

I/ Les conditions de la réduction du prix 

Trois conditions sont exigées de façon plus ou moins formelle pour faire application de la réduction du prix en cas d’exécution imparfaite de son obligation par le débiteur ; 

  • Le créancier de l’obligation doit avoir subi une exécution imparfaite de la prestation qu’il devait recevoir.

Une inexécution de l’obligation suppose le « non-accomplissement d’une obligation qui peut être total ou partiel, résulter d’une omission ou d’une initiative, être dû à une faute de la part du débiteur (inexécution fautive) ou à une cause étrangère » (vocabulaire Juridique Gérard Cornu). Si la prestation est exécutée totalement et conformément à ce qui est prévu dans le contrat, le créancier ne pourra pas se prévaloir de la réduction du prix. Mais si l’exécution par le débiteur de la prestation n’est pas totale, le créancier sera fondé à se prévaloir de cette sanction. 

Le Code ne prévoit pas de critère de gravité concernant le manquement, peu importe l’importance de l’inexécution, tant que la prestation n’est pas totalement exécutée, il sera possible de se prévaloir de la réduction du prix. De plus, l’article ne liste pas les cas précis dans lesquels l’exécution peut être considérée comme imparfaite, cependant ce caractère est largement apprécié en ce qu’un retard de livraison ou la fourniture d’une prestation non conforme aux stipulations contractuelles peuvent être caractérisés d’exécutions imparfaites. 

L’exemple le plus simple de l’exécution imparfaite d’une obligation est celui d’une entreprise de travaux chargée de réaliser des travaux mais qui, en réalité, n’accomplit que la moitié de la prestation ou qui réalise un travail de mauvaise qualité. 

  • L’acceptation par le créancier de l’exécution partielle 

Ce que le texte ne dit pas expressément, c’est qu’il est nécessaire que le créancier accepte l’exécution imparfaite de l’obligation. En acceptant de réduire le prix, il accepte indirectement la prestation imparfaitement exécutée. Si le créancier n’est pas satisfait de la mauvaise exécution du prix, il se tournera vers d’autres sanctions comme la résolution du contrat par exemple. Or dans le cas de la réduction du prix, le créancier se satisfait de l’exécution partielle, il souhaite seulement payer pour ce qu’il a réellement reçu. 

  • Une mise en demeure du débiteur de l’obligation par le créancier

La mise en demeure du débiteur est l’acte par lequel le créancier demande solennellement à son débiteur d’exécuter son obligation. Celle-ci peut résulter d’une sommation d’huissier, ou de tout acte équivalent. Cette mise en demeure a pour but d’indiquer au débiteur ce qu’il risque s’il n’exécute pas totalement sa prestation (article 1344 du Code civil). 

II/ Le régime juridique de la réduction du prix 

On distingue deux situations : 

  • Lorsque le créancier de l’obligation n’a pas encore payé le prix, plusieurs règles s’imposent 

– Après une mise en demeure préalable, le créancier de l’obligation devra notifier au débiteur de l’obligation son choix de réduire le prix de façon proportionnelle au manquement. Le créancier devra porter à la connaissance du débiteur son intention d’appliquer la réduction du prix en réponse à l’imparfaite exécution de l’obligation. Dans sa version issue de l’ordonnance de 2016, le créancier devait « solliciter » la réduction, ce qui laissait entendre qu’il fallait un accord entre les deux parties. Depuis la modification opérée en 2018, l’article vise la « notification » qui correspond à un mécanisme unilatéral dans lequel le créancier décide seul. Cependant, cette formulation n’est pas applicable aux contrats conclus avant le 1er octobre 2018, date d’entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2018.  

– En plus de notifier sa décision de faire jouer la réduction du prix, il devra déterminer le quantum de la réduction. Cette réduction devra être proportionnelle à l’imparfaite inexécution de l’obligation. En déterminant seul ce que vaut réellement la prestation reçue, le créancier semble être érigé en juge de la parfaite exécution de l’obligation même si le juge pourra contrôler cette décision en cas de litige. 

– Le débiteur doit accepter la réduction du prix par écrit, mais aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect de cette règle. Une acceptation de la réduction du prix par le débiteur n’est pas exigée en cas de prestation mal exécutée, ce n’est qu’en cas d’acceptation par le débiteur que ce dernier devra le faire par écrit. L’article 1223 al.1 in fine n’envisage que la forme que doit prendre l’acceptation du débiteur dans l’hypothèse où celui-ci le ferait. 

Ainsi, si le débiteur accepte la réduction par écrit, il n’aura plus de moyen de contester cette réduction de prix en justice. C’est pour une question de preuve qu’un écrit est exigé en cas d’acceptation de la réduction du prix par le débiteur. S’il accepte la réduction, le débiteur n’aura plus aucun moyen de contester cette réduction en justice puisqu’il aura accepté cette réduction. 

  • Lorsque le créancier de l’obligation a déjà payé le prix intégral 

– L’article 1223 alinéa 2 du Code civil prévoit expressément que faute d’accord entre les parties c’est au juge de prononcer une réduction du prix. 

– Dans un premier temps, si le créancier a totalement payé le prix mais qu’il a reçu une prestation partielle, les parties ont la possibilité de procéder à une réduction du prix de façon amiable. Cette possibilité d’un accord amiable entre les parties était déjà appliquée sous l’empire du droit antérieur en cas d’exécution défectueuse du contrat (Cour de cassation, chambre commerciale, 10 octobre 1989). 

– Faute d’accord entre les parties, le créancier pourra saisir le juge afin d’obtenir le remboursement des sommes payées ou demander directement au juge de prononcer une réfraction du prix. 

Enfin, il convient de rappeler que le juge doit être saisi par le créancier lui-même pour une demande de réduction du prix ou le remboursement du prix déjà payé. Le juge ne peut prononcer d’office la réduction du prix dans un litige lorsque cela ne lui est pas demandé (Cass. 3ème chambre civile, 7 septembre 2022). En l’espèce, les requérants demandaient des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l’absence d’un escalier dans une piscine. La Cour de cassation nous dit que la cour d’appel ne pouvait conclure à une réduction du prix car les requérants n’avaient pas saisi la juridiction d’une demande de réduction. 

Ronan Capron-Litique Master 2 Droit privé général 

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