La répression contre la maltraitance animale

Lundi 28 août 2023, un homme a été jugé au Tribunal judiciaire de Rouen pour abandon d’animal domestique et acte de cruauté pour des faits remontant à novembre 2022 et s’étant déroulés sur une période de 4 mois. L’homme a été jugé pour avoir abandonné son chien dans son appartement sans eau ni nourriture, chien qui a été retrouvé mort après l’alerte donnée par des voisins. 

L’homme, qui encourait une peine de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende, selon le Code pénal, a finalement été condamné à une peine de 210 heures de travaux d’intérêt général et de l’interdiction de détenir un animal pendant 5 ans. 

Ce fait d’actualité permet d’évoquer l’évolution qui a eu lieu concernant l’animal, à la fois en droit civil et en droit pénal. 

  1. L’évolution du statut de l’animal en droit civil 

L’article 515-14 du Code civil définit l’animal, qu’il soit domestique ou d’élevage, comme un être vivant doué de sensibilité, ce qui lui confère des droits et une protection contre les maltraitances. L’animal sauvage est exclu de cette protection, celui-ci étant qualifié de res nullius, il n’appartient à personne et est donc susceptible d’être approprié, utilisé ou même détruit par quiconque. 

Cette nouvelle définition relative à l’animal en droit civil provient de la réforme intervenue le 16 février 2015 et ayant pour but de modifier le statut de l’animal qui était jusqu’alors considéré uniquement comme un bien meuble selon l’article 528 ancien du Code civil. 

Cependant cette réforme ne vient pas changer le régime juridique applicable à l’animal, celui-ci étant toujours soumis au régime juridique des biens, puisque l’animal est, encore actuellement, considéré comme un objet de droit. L’animal ne se voit pas reconnaître de personnalité juridique. 

Une personne juridique est une personne disposant de droits et devoirs, elle peut être physique ou morale. Ainsi, même si l’animal est un être sensible, il ne bénéficie pas de cette personnalité, sa protection est donc uniquement assurée par le droit pénal. 

  1. L’évolution de la répression contre la maltraitance animale 

La protection de l’animal dans le droit français remonte à la loi Grammont de 1850. Cette loi vient sanctionner d’un à cinq jours de prison « ceux qui auront exercé publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques »

Il faudra ensuite attendre un décret du 7 septembre 1959 pour que le Code pénal punisse « ceux qui auront exercé sans nécessité, publiquement ou non, de mauvais traitements envers un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité ». Sera alors prévu, la possibilité de remettre l’animal maltraité à des organismes de protection. 

La notion d’actes de cruauté fait son apparition dans le Code pénal avec la loi du 19 novembre 1963 puisque sera punit « quiconque qui aura sans nécessité, publiquement ou non, commis un acte de cruauté envers un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité ». 

Par la loi du 10 juillet 1976, les animaux deviennent des êtres sensibles et les animaux sauvages sont enfin pris en compte avec des mesures de protection de la faune naturelle. 

L’article 521-1 du Code pénal, dans sa version antérieure, est venu punir de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende, « le fait publiquement ou non, d’exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé ou tenu en captivité. » La maltraitance animale est donc vue comme un délit et non comme un crime. 

Depuis le 2 décembre 2021, ce même délit est puni de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende. Lorsque les faits ont entraîné la mort de l’animal, les peines sont portées à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende. De nombreuses circonstances aggravantes sont prévues par le texte comme la présence d’un mineur, le fait que l’acte soit commis par un agent dans l’exercice de mission de service public ou par le propriétaire de l’animal. 

Des peines complémentaires sont prévues par le Code pénal. On y retrouve l’interdiction définitive ou non de détenir un animal ainsi que l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction. 

Par ailleurs, l’abandon d’un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité est puni des mêmes peines, selon l’alinéa 11 de l’article 521-1 du Code pénal. 

Lorsque les délits de sévices graves, d’acte de cruauté ou d’abandon sont commis avec une circonstance aggravante, sauf mort de l’animal, les peines sont portées à 4 ans d’emprisonnement et 60 000 € d’amende. 

Mais le Code pénal apporte une limite à cette qualification de sévices graves et d’acte de cruauté puisqu’il ne réprime pas les courses de taureaux ni les combats de coqs lorsque l’on est en présence d’une tradition locale ininterrompue. Cette disposition est source de nombreux débats houleux au sein de la cause animale, puisque certains y voient une forme de tolérance de la maltraitance animale destinée aux loisirs du public. 

Par ailleurs, sont aussi sanctionnées les atteintes sexuelles commises sur un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité. Dans ce cas, une peine de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende est encourue. Les peines sont portées à 4 ans d’emprisonnement et 60 000 € d’amende lorsque les faits sont commis en réunion, en présence d’un mineur ou par le propriétaire ou le gardien de l’animal, comme le rappelle l’article 521-1-1 du Code pénal. 

Sont par ailleurs réprimés les actes de complicité tels que défini par l’article 521-1-2, les propositions ou sollicitations d’actes d’atteintes sexuelles sur un animal ainsi que le fait de pratiquer des expériences sur les animaux sans se conformer au décret pris en Conseil d’Etat (articles 521-1-3 et 521-2).  

Enfin, le Code pénal réprime le fait, sans nécessité, publiquement ou non, de donner volontairement la mort à un animal domestique hors du cadre d’activités légales. Ce délit est puni de 6 mois d’emprisonnement et 7 500 € d’amende. Des peines complémentaires sont par ailleurs prévues comme, là aussi, l’interdiction de détenir un animal ou d’exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction. 

L’animal, dès lors qu’il est considéré comme un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, se voit donc reconnaître une protection accrue contre de nombreux agissements qualifiés de maltraitants. 

  1. Signaler une maltraitance 

Afin de lutter efficacement contre la maltraitance animale, toute personne ayant connaissance de tels actes doit le signaler. 

Pour ce faire, il est possible de s’adresser à la police, à la gendarmerie, aux services vétérinaires de la Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP) ou encore à une association de protection animale. 

Le signalement doit porter sur des faits d’abandon, de sévices graves et actes de cruauté, d’atteintes sexuelles sur un animal, d’atteintes volontaires à la vie d’un animal ou encore de mauvais traitements comme la privation de nourriture ou d’eau, le fait de ne pas soigner son animal ou de le placer dans un environnement lui causant des souffrances, blessures et accidents. 

Un formulaire est aussi disponible sur la page internet du ministère de l’Intérieur et des Outre-Mer à l’adresse suivante : Signaler une maltraitance animale | Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer (interieur.gouv.fr). Cette adresse permet de signaler tout acte de maltraitance de manière anonyme et confidentielle.

Laura Loizel – Master 2 Justice, Procès, Procédures

Sources : 

Maltraitance animale : 12 000 infractions constatées en 2021 | vie-publique.fr

Signaler une maltraitance animale | Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer (interieur.gouv.fr)

Un homme jugé au tribunal de Rouen pour avoir laissé son chien mourir, sans eau ni nourriture – France Bleu

Titre II : Autres dispositions (Articles 521-1 à 522-2) – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

Maltraitance animale. Retour sur 150 ans d’évolution du droit des animaux (ledauphine.com)

DALLOZ Etudiant – Actualité: Point sur le statut juridique de l’animal (dalloz-etudiant.fr)

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