Les apports en industrie

D’après le dictionnaire Dalloz, les apports sont : “des biens mis en commun par les associés lors de la constitution d’une société (ou en cours de vie sociale). Ces apports peuvent se présenter sous plusieurs formes : en numéraire, en nature, ou en industrie (c’est-à-dire en travail, services) ».  

En effet, selon l’article 1832 du Code civil ; dans le but de créer une société, les futurs associés « conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter ». 

Les apports en numéraire (somme d’argent) et les apports en nature (bien) étant fréquents, il  est intéressant de développer le cas des apports en industrie.  

L’apport en industrie, comment ça marche

Par l’apport en industrie, une personne s’engage à mettre à la disposition d’une société, totalement ou partiellement, ses compétences, ses connaissances, sa notoriété, son expertise (par exemple, un orfèvre), ou son travail (en latin, “industria” signifie “travail” : apporter son industrie c’est donc littéralement apporter son travail). 

En contrepartie, cette dernière se verra reconnaître la qualité d’associé de la société ainsi que des droits sociaux, (article 1843-2 al. 2 Code civil), et aura droit : 

– au partage des bénéfices (droits pécuniaires), 

– de participer aux décisions collectives (droits politiques). 

Attention ; l’apport en industrie étant lié à la personne de l’apporteur, son titre n’est pas représentatif du capital ; ce n’est pas un droit patrimonial. En plus de ne pas pouvoir faire l’objet de certaines opérations telles qu’une cession, il ne pourra être repris ou remboursé en cas de sortie de la société (il devra être annulé). 

Afin de déterminer la quantité de droits auxquels le nouvel associé pourrait prétendre, il faut  évaluer l’apport. L’évaluation s’effectue librement par négociation entre les associés : un des critères d’appréciation se base sur l’hypothétique charge engendrée pour accéder à un service similaire sans l’apport du nouvel entrant. 

À titre d’exemple : un notaire ayant fait une formation particulière (axée sur le droit international ou le droit des entreprises en difficulté par exemple) et disposant par conséquent de connaissances complémentaires que les autres notaires de l’étude n’ont pas, peut devenir associé par l’apport de son industrie. Afin de déterminer combien cela aurait coûté à la société d’accéder au même service sans passer par l’association via l’apport en industrie, il faut regarder le salaire d’un notaire salarié ayant le même parcours.  

Dans le cas présent, autrement dit des sociétés de partenariat, il est intéressant de noter que le talent est parfois plus apprécié que l’apport financier : les honoraires tirés du travail de ce nouvel entrant vont bénéficier à la société davantage que la fructification de sommes en numéraire. C’est pourquoi, des clauses répartissant les distributions en fonction du chiffre d’affaires obtenu par chacun des associés sont fréquentes. 

À savoir : 

– si la valeur de l’apport en industrie n’a pas été déterminée dans les statuts au préalable  comme sus expliqué, l’apporteur en industrie bénéficiera de la même quantité de droits que  l’associé ayant le moins apporté en nature ou en numéraire (article 1844-1 du Code civil), 

– si la valeur de l’apport en industrie est susceptible de dépasser 30 000€ ou la moitié du  capital social, le recours à un commissaire aux comptes est obligatoire pour procéder à  l’évaluation.

Quels sont les avantages de l’apport en industrie

L’apport en industrie permet à l’associé qui ne dispose pas de moyens financiers de participer  à la constitution de la société ou de rejoindre une société grâce à ses seules compétences. La société, de son côté, est ravie de profiter du travail humain de ce dernier.  

En rejoignant la société, l’apporteur acquiert le statut d’associé : ce statut, comme déjà évoqué, permet de participer aux décisions et donc de prendre une part dans la direction de la société. L’associé, par hypothèse, n’est soumis à aucun lien de subordination. Il exerce de manière indépendante, afin de ne pas voir le contrat requalifié en contrat de travail. La distinction entre le contrat de travail et la qualité d’associé repose sur l’affectio societatis : la volonté commune entre plusieurs personnes de s’associer, l’élément intentionnel de participer au capital d’une société.
Il convient tout de même de préciser le cas des sociétés de capitaux : il paraît légitime que les associés dits actifs soient récompensés davantage que ceux dits passifs. Une des possibilités consiste à salarier l’associé, bien sûr ce dernier ne doit pas exercer de fonctions de direction qui rendraient la subordination impossible. C’est pourquoi, – selon un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation, datant du 14 décembre 2004 – il faut prévoir explicitement dans les statuts l’apport en industrie et le borner correctement afin de pouvoir l’évaluer et le limiter aux activités mentionnées.

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Quelles sont les limites de l’apport en industrie

Parmi les limites de ce type d’apport, on en trouve une très propre à son caractère. L’apport en industrie étant très subjectif, il est difficile de l’évaluer, de le chiffrer avant son exécution. C’est un apport qui ne peut être libéré immédiatement : il a un caractère futur et successif, il se réalise au fur et à mesure du temps. 

Un autre inconvénient de cet apport est le fait qu’il soit prohibé dans certaines sociétés : au sein des sociétés anonymes, des sociétés en commandite simple, et des sociétés en  commandite par actions (uniquement pour les associés commanditaires). Cette prohibition s’explique par l’importance des capitaux caractérisant ces sociétés, on craint un gonflement artificiel du capital social par une activité fictive. 

Comme pour tout nouvel apport, un des désavantages pour les associés en place est le fait qu’ils aient moins d’autonomie dans les décisions. Par ce nouveau partage, les anciens associés voient leurs droits politiques dilués. Le cas de l’apport en industrie peut rendre d’autant plus réticent du fait de l’impossibilité de rachat des titres, le retour en arrière sera plus difficile. 

Enfin, parmi cette liste non exhaustive de limites à l’apport en industrie, il est intéressant de souligner le fait qu’un associé apporteur en industrie ne peut exercer une activité concurrente à l’activité exercée pour la société. Par prudence, cette obligation légale peut être rappelée dans les statuts. Le fait de concurrencer la société dont on est l’apporteur en industrie peut être qualifié de concurrence déloyale et donc être condamné à la cessation de l’activité litigieuse voire même à des dommages et intérêts (Cass., Com., 9/10/2001).
Attention ; dès lors qu’il ne déroge pas à cette règle et ne consacre pas trop de temps à une autre activité au détriment de la société, il peut tout de même cumuler cette activité avec un contrat de travail. 

L’associé est également obligé de rendre compte à la société des gains réalisés grâce à son industrie (Art 1843-3 al. 6 Code civil). 

Bon à savoir

Il est possible d’être apporteur en industrie à durée déterminée. En effet, cette durée sera négociée puis précisée dans les statuts. À l’échéance, la qualité d’associé devient caduque.  

Coleen JUE – Master 1 Droit des affaires et fiscalité 

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