Chaque année, des milliers de demandes en master sont réalisées. En 2023, grâce à la plateforme de candidature MonMaster, il a été recensé environ 209 207 candidats1. 199 359 d’entre eux étaient éligibles au master et sont donc concernés par les nouveautés qui sont apparues durant l’année 2023. Cet outil permet donc de récolter les différentes candidatures de manière dématérialisée.
Afin d’assurer la meilleure sélection possible, les établissements d’enseignement supérieur mettent en place des modalités d’admission qui se basent notamment sur le critère tenant aux mérites des candidats. Ainsi certains se trouvent lésés lors de la phase d’admission et se voit refuser le master demandé.
Le Conseil d’Etat par un arrêt récent en date du 13 octobre 20232, a été amené à statuer sur les critères d’admission retenus par les universités – établissements publics – et les modalités de publicité qui s’y rattachent. Dans cette affaire, l’étudiant s’est vu refuser par l’administration de l’Université de Reims, son admission au master auquel il avait candidaté. Mécontent de cette décision, il saisit alors le tribunal administratif en formant un recours pour excès de pouvoir afin d’annuler cette décision de refus. La Cour administrative d’appel de Nancy rejette la demande d’annulation de la décision et confirme alors le jugement.
Le principe d’égal accès à l’instruction : un principe constitutionnel
Le Préambule de la Constitution du 27 octobre 19463 consacre le principe d’égal accès à l’instruction. En effet, l’alinéa 13 nous dit que : « la Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction ». Le Conseil d’Etat rend un arrêt en 2020 appliquant le principe d’égal accès à l’instruction « à l’enseignement supérieur public en ce qu’il a pour objet la préparation et la délivrance de diplômes nationaux »4.
D’après Vincent Dupriez, docteur en sciences de l’éducation et Marie Verhoeven, docteure en sociologie, dans leur ouvrage Un enseignement démocratique de masse, l’égalité dans l’éducation
semble vouloir « assurer le droit à tous à l’instruction » et se révèle être « la mère de toutes les égalités face à l’école ».
Ce principe d’égal accès à l’instruction renvoie alors avant tout au principe d’égalité. Ce principe que contient la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 « exige que toutes les personnes placées dans des situations identiques soient soumises au même régime juridique, soient traitées de la même façon, sans privilège et sans discrimination »5.
En l’espèce, le requérant invoque la violation de ce principe constitutionnel. L’étudiant appuie l’absence par le législateur dans l’article L 612-6 du Code de l’éducation de détermination des « modalités selon lesquelles les établissements d’enseignement supérieur qui subordonnent l’admission des étudiants dans les formations du deuxième cycle à un examen de leurs dossiers, les informent, avant la présentation de leur candidature et, le cas échéant, après une décision de refus d’admission, des éléments sur la base desquels leurs mérites sont appréciés » (§4 de l’arrêt CE, 13 octobre 2023).
La volonté du législateur explicitée par le Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat analyse et détermine alors la portée de l’article L612-6 susvisé.
Le législateur entendait imposer les modalités d’admission en master aux établissements d’enseignement supérieur :
- La première modalité d’admission repose sur le « succès au concours ».
- La seconde est relative à « l’examen du dossier du candidat ».
Lorsque les établissements choisissent ces critères de sélection, ceux-ci ne peuvent être en lien qu’avec les « critères tenant aux mérites des candidats » (§6 de l’arrêt CE, 13 octobre 2023).
La juridiction s’est alors penchée sur ces « critères tenant aux mérites des candidats ». La compétence académique et le projet professionnel du candidat semblent être les lignes directrices de ces critères (§7 de l’arrêt CE, 13 octobre 2023).
Les établissements d’enseignement supérieur ne se voient pas imposer d’obligation de publicité des éléments d’appréciation des « critères tenant aux mérites des candidats ».
La publication des « critères tenant aux mérites des candidats » pour l’admission en master.
Le rôle de la publicité réside dans « le prolongement naturel de la phase d’élaboration de l’acte administratif »6. C’est notamment par le biais de la publication que la publicité de l’acte est exécutée. Outre le fait que ce mode de publicité permet d’informer les usagers de l’établissement des modalités qui leur seront opposables, la publication de l’acte administratif fait courir les délais de recours contentieux. En effet, après la publication de l’acte, tout individu ayant la qualité pour agir pourra le contester.
Ainsi, l’établissement d’enseignement supérieur se voit accorder un pouvoir d’appréciation quant à la publication, ou non, des modalités d’admission « tenant aux mérites des candidats » qu’il utilise. Cependant si l’établissement souhaite publier ces éléments d’appréciation, il devra respecter les dispositions de « l’article L221-2 du code des relations entre le public et l’administration afin de procéder aux formalités adéquates de publicité » (§7 de l’arrêt CE, 13 octobre 2023).
S’agissant des « formalités adéquates de publicité », l’établissement d’enseignement supérieur devra faire en sorte que la publication se fasse au Bulletin officiel de l’Etablissement public ou par une « mise en ligne, dans des conditions garantissant sa fiabilité, sur le site internet de cette personne publique » (§10 de l’arrêt CE, 13 octobre 2023).
La plateforme MonMaster : un outil d’admission en master 100% dématérialisé et légal
Enfin, il est désormais important de savoir que ce n’est que très récemment que le Conseil d’Etat s’est exprimé sur l’utilisation d’outil dématérialisé aux fins de candidatures en master. Par un arrêt en date du 31 octobre 20237, la juridiction suprême a pu déclarer comme étant légale l’inscription en master uniquement par voie électronique.
Le recours à cette voie dématérialisée peut se faire à une condition : il s’agit « de permettre l’accès normal des usagers au service public et de garantir aux personnes concernées l’exercice effectif de leurs droits ».
C’est donc bien par cet arrêt que le Conseil d’Etat confirme sa jurisprudence antérieure. La juridiction avait en effet rendu le 3 juin 20228 un arrêt similaire. Le Conseil d’Etat avait posé la condition de « l’accès normal des usagers au service public » dans le recours aux téléservices par les services de l’Etat.
Ainsi, avec la décision du 31 octobre 2023, la juridiction suprême rend légale l’utilisation exclusive des téléservices en matière d’admission en master. Néanmoins dans cet arrêt, le Conseil d’Etat rappelle qu’il faut trouver « une solution de substitution, pour le cas où certains demandeurs se heurteraient […] à l’impossibilité de recourir au téléservice pour des raisons tenant à la conception de cet outil ou à son mode de fonctionnement ».
Bathilde LAHBARI – M1 Métier des contentieux publics et du droit public général
Pour aller plus loin :
- Site du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche : https://www.enseignementsuprecherche.gouv.fr/fr/mon-master-2023-admission
- CE, 13 octobre 2023,n°467671 https://www-dalloz-actualite-fr.ezproxy.normandie-univ.fr/document/ce-13- oct2023-n-467671
- Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : https://www.education.gouv.fr/preambule-de-la- constitutiondu-27-octobre-1946-10511
- Site du Conseil d’Etat : https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/analyse/2020-07-01/430121
- R. Odent, Contentieux administratif, Dalloz, T. II., p. 353
- WordPress.com : fiche actes administratifs – publicité des actes administratifs unilatéraux https://dicopac.wordpress.com/2018/01/25/actes-administratifs-publicite-des-actes- administratifsunilateraux/
- CE, 31 octobre 2023, n°471537 : https://www-dalloz-actualite-fr.ezproxy.normandie-univ.fr/document/ce-31- oct2023-n-471537
- CE 3 juin 2022, n° 452798 : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000045863484