Depuis l’entrée en vigueur du nouveau code de procédure civile en 1976, une tendance se dessine dans le contentieux civil français : le développement des modes alternatifs de règlement des différends ou conflits (les MARD ou les MARC). En effet, le titre VI du livre 1 est maintenant dédié à la conciliation et à la médiation.
Cette évolution se manifeste également dans les nombreuses lois et décrets qui sont adoptés ces dernières années. Notamment, la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui a pour objectif de « simplifier et de clarifier les procédures ». D’ailleurs, la section 1 du titre II chapitre Ier de cette loi se nomme « développer la culture du règlement amiable des différends », marquant ainsi la volonté sous-jacente du législateur.
La matière des « MARD » est néanmoins fluctuante. En effet, le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 avait créé l’obligation de tentative amiable de résolution du litige avant de soumettre ce dernier devant le juge. Cette tentative concernait les litiges dont la demande n’excédait pas 5 000€ ou qui avaient pour objet un conflit de voisinage. L’article 750-1 du code de procédure civile (CPC) qui institue cette disposition avait néanmoins été annulé par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 22 septembre 2022, n° 436939. En effet, le conseil d’Etat considérait que le cas dérogatoire relatif à l’indisponibilité de conciliateurs de Justice prévu par cet article, n’était pas suffisamment précis car il n’indiquait pas à quoi correspondait un « délai manifestement excessif ».
Ainsi, ce même article a été rétabli avec le décret du 11 mai 2023 n° 2023-357. Il impose donc, de nouveau, la tentative de résolution amiable de certains litiges, à peine d’irrecevabilité de l’action devant le juge civil. Ce nouvel article concerne l’ensemble des litiges qui sont nés après le 1er octobre 2023. Néanmoins, il est désormais précisé que le conciliateur de justice devra être disponible dans un délai de 3 mois à compter de sa saisine. A défaut, les parties pourront porter leur litige devant une juridiction sans craindre que leur demande soit frappée d’une irrecevabilité.
Mais, un autre décret a été ajouté : le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 « portant mesures favorisant le règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire ». Ce décret, entré en vigueur le 1er novembre 2023 et s’appliquant à toutes les instances introduites à partir de cette date, va encore plus loin dans le développement des MARD. En effet, il instaure l’audience de règlement amiable ainsi que la césure du procès.
Une circulaire relative à ce décret a été adoptée le 17 octobre 2023. Elle est composé de 4 fiches précisant l’application du décret :
- 1ère fiche relative à l’audience de règlement amiable
- 2ème fiche sur la césure du procès civil
- 3ème fiche relative à la tentative préalable obligatoire de médiation, de conciliation ou de procédure participative en matière civile
- 4ème fiche sur les codes décisions qui vont « permettre de mieux identifier les dossiers contentieux qui trouvent une issue amiable »
L’audience de règlement amiable est une procédure qui « a pour finalité la résolution amiable du différend entre les parties ». Cette audience pourra être mise en œuvre d’office, à la demande du juge saisi ou à la demande des parties au litige. Un juge sera chargé de cette audience. Les parties seront convoquées par le greffier de la juridiction à l’audience de règlement amiable. La convocation ne sera pas susceptible de recours mais ne dessaisira pas la juridiction.
Ce juge (différent de celui qui est saisi du litige), disposera de pouvoirs d’investigation et pourra prendre connaissance des conclusions et pièces des parties. Cette audience se tiendra à huis clos et sans la présence d’un greffier. Cette audience est en principe confidentielle. Si les parties parviennent à résoudre leur litige, la solution sera exécutoire après avoir été revêtue de la force obligatoire.
Il s’agit donc d’un règlement du conflit qui est confidentiel. La différence majeure avec les MARD traditionnels est qu’un juge sera chargé de cette tentative de résolution. De plus, il sera tenu de rappeler aux parties leurs droits.
L’ARA s’éloigne aussi du rôle de conciliateur dont disposent les juges en vertu de l’article 21 du code de procédure civile puisque dans l’ARA le juge dispose de pouvoirs plus étendus.
De plus, la césure du procès est désormais envisagée dans le code de procédure civile. Cette césure permet aux parties dont l’instance est en cours devant un juge de la mise en état (chargé de régulariser les vices pouvant affecter l’affaire avant que celle-ci ne soit traitée devant la formation de jugement), de demander la clôture partielle de l’instruction. Il sera donc possible pour les parties de solliciter au juge un jugement partiel de leur litige. Le juge qui accepte cette clôture partielle va donc renvoyer l’affaire devant le tribunal pour qu’il puisse statuer sur les demandes visées par les parties.
Enfin, le décret souhaite mesurer le recours à l’amiable par l’intermédiaire de « codes décisions ». Cette technique permettra d’identifier les affaires ayant abouti à un mode de résolution amiable.
Le décret et la circulaire confirment la tendance du développement de la déjudiciarisation du contentieux civil. D’ailleurs, elles souhaitent généraliser l’enseignement de ces techniques dès le stade universitaire. Ainsi, c’est véritablement une « culture de l’amiable » qui s’amorce dans le contentieux civil français.
Juliette Alline – Master 2 Justice, Procès, Procédures