Transparence dans la restauration : la possible évolution de la mention “fait maison”

Qu’est-ce que la mention « fait maison » ?

La mention « fait maison » est utilisée par les restaurateurs français pour mettre en avant leurs plats auprès de leur clientèle. 

Cette mention indique que les plats servis sont confectionnés sur place et à partir d’ingrédients frais, bruts ou traditionnels. Elle permet alors aux consommateurs de distinguer les plats préparés avec un savoir-faire artisanal et les plats servis avec des ingrédients industriels qui viennent de grandes surfaces ou d’un grossiste.

L’utilisation de la mention « fait maison » a été réglementée pour la première fois par loi n° 2014-344 du 14 mars 2014 puis recodifiée par le Décret n° 2016-884 du 29 juin 2016 aux articles D122-1 à       D122-3 du Code de la consommation. Cette réglementation vise à mieux informer les consommateurs et les protéger via la publicité de la mention « fait maison », ainsi qu’à valoriser le travail des restaurateurs.

Quel est le fonctionnement actuel de l’utilisation de la mention « fait maison » ?

Cette réglementation s’applique à des activités professionnelles listées par décret dont l’objet est de transformer ou de distribuer des produits alimentaires. Cela vise les restaurants traditionnels sur place, les restaurants de chaînes, la restauration rapide, la restauration collective et la vente à emporter de plats préparés.

Pour que les professionnels utilisent la mention « fait maison », il est nécessaire que les produits utilisés dans la préparation soient bruts et donc non transformés, un produit brut étant un aliment cru ou frais. Par conséquent, l’aliment emballé, conditionné ou conservé ne doit contenir aucun autre aliment à l’exception du sel. Toutefois, cela n’interdit pas la congélation du produit ou autre mode de conservation, sauf si cela entraîne une remise en cause du caractère cru ou frais du produit.

Pour qu’un plat soit considéré comme fait maison, il faut que le produit fini soit confectionné sur place (sauf exception pour les traiteurs organisant des réceptions ainsi que les commerces non sédentaires) mais également que le professionnel soit qualifié d’artisan cuisinier ou de maître restaurateur. Dans le second cas, il s’agit d’une qualification très prisée mais également très contrôlée. Ce dernier, à l’issue d’un contrôle minutieux par un organisme spécialisé, pourra apposer la mention de « maître restaurateur » sur l’ensemble du menu. Cette mention de « maître restaurateur » est alors un gage de qualité encore plus important que celui de la mention « fait maison » qui, quant à elle, ne bénéficie pas d’un contrôle a priori.

Dans un objectif de protection du consommateur, de sécurité sanitaire et de praticité dans l’utilisation de cette qualification de plat « fait maison », le décret fixe une liste limitative de produits qui, même s’ils n’entrent pas dans la qualification de produit « brut » permettent toutefois de considérer le plat comme « fait maison ». Cela vise des produits dont le consommateur ne s’attend pas à ce qu’ils soient préparés maison. Nous pouvons retrouver cette liste à l’article D122-1 du Code de la consommation, laquelle vise notamment le fromage, les matières grasses alimentaires, la crème fraîche et le lait, le pain, la farine et les biscuits secs, ou encore les légumes et fruits secs ou confits.

La réglementation prévoit trois situations pour l’utilisation de la mention « fait maison » : 

• Aucun plat n’est « fait maison » : il y a une interdiction d’utiliser les termes « maison » ou « fait maison » ou le logo le désignant, 

• Il n’y a que des plats « faits maison » : il y a deux cas possibles ; soit on indique en face de chaque produit la mention « fait maison » ou le label le désignant, soit on introduit sur le menu une mention générale visible par tous les consommateurs, 

• Il y a à la fois des plats « faits maison » et des plats qui ne le sont pas : il est possible d’indiquer en face de chaque produit la mention « fait maison » ou le label le désignant, mais il n’est pas possible de faire une mention générale sur le menu.

Concernant le logo affilié à la mention “fait maison”, celui-ci représente une casserole surmontée d’un toit et d’une cheminée, il peut tout à fait être modifié sur le fond (clair ou sombre) mais deux couleurs de la casserole sont autorisées, le blanc (pour les fonds sombres) et le noir (pour les fonds clairs). Toutefois, une taille minimum obligatoire de 5 mm par 6 mm a été prévue afin d’être bien visible pour tous les consommateurs. 

L’utilisation du logo, au même titre que la mention, est contrôlée. Cela signifie que l’on ne peut pas utiliser ce logo ou un logo qui peut porter à confusion sur le menu d’un restaurant ne proposant pas de produits faits maison. Ce logo peut être affiché de plusieurs manières : sur les menus, les cartes, les ardoises, la vitrine… la seule exigence est qu’il soit visible par les consommateurs.

Dans l’état actuel des choses, si l’on aperçoit le logo ou la mention, cela veut-il dire que les plats sont forcément faits maison ? La réponse est négative, en effet, l’utilisation de cette mention ou ce logo se fait en autonomie par les restaurateurs et non pas par le biais d’un organisme indépendant. Au vu de l’attractivité suscitée par la cuisine fait maison chez les consommateurs, il y a parfois des abus. 

Ces abus sont réprimés par la DGCCRF qui effectue régulièrement des contrôles sur les établissements de restauration, les agents vérifient si cette mention est justifiée. S’ils considèrent que cela n’est pas justifié, alors le restaurateur se rend coupable de publicité mensongère et commet un délit de pratique commerciale trompeuse. Cette infraction est punie de 2 ans d’emprisonnement et d’une amende de 300 000 euros.

Quel est le nouveau fonctionnement envisagé par la ministre déléguée des PME, du commerce, de l’artisanat et du tourisme ?

Madame la ministre Olivia Grégoire s’est prononcée le dimanche 22 octobre 2023 au quotidien La Tribune Dimanche, au sujet de l’état de la réglementation de la mention « fait maison ». Celle-ci souhaite mettre en place une réforme de la réglementation actuelle tout en rendant le monde de la restauration plus transparent en ce qui concerne les produits utilisés dans les préparations servies. Les objectifs poursuivis sont clairs : la protection des consommateurs et la mise en avant des restaurateurs qui préservent la gastronomie française qui, depuis 2010, fait partie du patrimoine immatériel mondial de l’UNESCO.

En ce sens, Madame Olivia Grégoire souhaite que les consommateurs et les touristes aient pleine connaissance de ce qu’ils consomment au restaurant, à savoir la commande d’un plat « fait maison » ou d’un plat industriel préalablement préparé. Il est envisagé que cette réforme entre en vigueur au plus tard en 2025.

Dans la poursuite de ces objectifs, Madame la ministre prévoit un nouveau système plus transparent pour le consommateur. Désormais, plutôt que d’avoir une mention optionnelle des plats faits maison, il sera obligatoire d’indiquer devant chaque plat si celui-ci n’est « pas fait maison ». On remplace alors une mention facultative des plats faits maison en une mention obligatoire des plats qui ne sont pas faits maison. 

Le décret n° 2014-797 du 11 juillet 2014 relatif à la mention « fait maison » avait institué, à l’article D. 121-13-3 du Code de la consommation, l’obligation d’indiquer de manière visible par tous les consommateurs, la mention suivante : “ les plats « faits maison » sont élaborés sur place à partir de produits bruts. ”. Le décret n° 2015-505 du 6 mai 2015 a quant à lui modifié l’article D.121-13-3 – depuis recodifié à l’identique à l’article D122-3 -, le premier alinéa relatif à l’obligation d’indiquer la mention précitée disparaît, ne restant que la possibilité de faire figurer dans un espace prévu à cet effet le logo ou le label « fait maison » si l’ensemble des plats répond aux critères. En cela on peut donc constater une volonté d’un retour à la situation précédente. Cela peut être considéré plus sévère mais définitivement plus favorable aux consommateurs. 

Ce projet de réforme permettrait, selon Madame Olivia Grégoire, de redonner de la substance à cette mention qui était jusqu’alors peu utilisée du fait de son caractère optionnel et compliquée à mettre en place pour les restaurateurs. Celle-ci souligne que cela apporte « davantage de transparence aux clients du quotidien comme aux touristes ».

Comment est accueilli ce projet par les professionnels de la restauration ?

Le chef Alain Fontaine, interviewé à propos de ce projet de réforme des dispositions autour de la mention « fait maison », considère qu’il s’agit d’une excellente nouvelle pour les restaurateurs. Selon lui, le label précédent n’a « pas marché. C’était très confus pour les professionnels et déroutant pour les clients » confie-t-il à France Info le 22 octobre 2023.

Ce dernier considère que pour les clients, cela ne va pas les empêcher d’aller chez les restaurateurs qui ne proposent pas de « fait maison », mais que cela rend la situation plus claire pour ces derniers. Au surplus, cela serait un excellent moyen d’attirer les touristes dans les restaurants. À ce sujet, celui-ci considère que « c’est important pour des touristes et des clients lambda de savoir ce qu’ils vont manger, si c’est fait maison. »

Le chef Alain Fontaine considère également que cela va inciter les restaurateurs à privilégier les plats faits maison, ce qui encourage ces derniers à travailler avec des produits plus locaux et à embaucher du nouveau personnel. En outre, cela encourage l’économie locale et nationale. Celui-ci ponctue cette position avec l’affirmation suivante « c’est une bonne chose, qui était demandée par beaucoup ».

Nota bene : il faut garder à l’esprit que tous les restaurateurs français n’ont pas le même avis sur la question et que le témoignage du chef Alain Fontaine ne représente pas l’ensemble de la profession.

Charly Ferment, étudiant en Master 2 Droit des Affaires et Fiscalité

Sources : 

https://www.entreprises.gouv.fr/fr/commerce-et-artisanat/dispositifs-et-labels/la-mention-fait-maison-restauration

https://www.economie.gouv.fr/entreprises/fait-maison#

https://www.latribune.fr/economie/france/restauration-le-fait-maison-bientot-sanctuarise-981159.html

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033176868

https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/restauration-hotellerie-sports-loisirs/restaurants-ca-va-rassurer-les-clients-se-rejouit-le-chef-alain-fontaine-apres-l-annonce-d-une-future-obligation-de-signaler-tout-plat-non-fait-maison_6138018.html

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