Un régime spécial de responsabilité est appliqué lorsque la réparation du dommage résulte d’accidents de la circulation. Ce régime spécial est régi par les dispositions issues de la loi du 5 juillet 1985, dîtes Loi Badinter, ces dernières sont d’ordre public. Ce régime spécial de responsabilité est voué « à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation ».
En l’état actuel du droit, la mise en œuvre de ce régime spécial de responsabilité requiert quatre conditions d’applicabilité ainsi que deux conditions d’application.
D’une part, concernant les conditions d’applicabilité, la première condition est celle d’un véhicule terrestre à moteur au sens de l’article 1er de la loi Badinter, à noter un véhicule permettant le transport de personnes ou de marchandises, automoteur et destiné à circuler sur le sol. La deuxième condition est celle d’un accident de la circulation, à savoir un événement fortuit issu d’un fait de circulation. La troisième condition est celle de l’implication du véhicule dans l’accident de circulation. Enfin, la quatrième condition, quant à elle, est celle d’un gardien du véhicule ou d’un conducteur. En ce sens, le conducteur est celui qui a la maîtrise de fait du véhicule en vertu d’une jurisprudence du 29 mars 2012.
Dès lors que ces 4 conditions sont réunies, la loi Badinter est applicable excluant l’application du droit commun.
D’autre part, concernant les conditions d’application, il faut réunir un dommage et que ce dernier soit imputable à l’accident. La jurisprudence, dans un arrêt du 19 février 1997, a posé une présomption simple d’imputabilité du dommage à l’accident dès lors que le dommage a eu lieu dans un temps voisin à l’accident
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu, le 30 novembre 2023 a rappelé que les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 sont d’ordre public. Toutefois, cela n’exclut pas l’application de la responsabilité civile extracontractuelle de droit commun à l’égard de toute personne autre que les conducteurs et gardiens des véhicules terrestres à moteur impliqués dans l’accident.
En l’espèce, un cycliste a été percuté par un autre cycliste qui se trouvait derrière lui tandis qu’un camion non identifié venait de les dépasser. La victime assigne alors le second cycliste et son assureur de responsabilité pour l’indemnisation de son préjudice sur le fondement de droit commun de la responsabilité civile extracontractuelle. La Cour d’appel déboute la victime de ses demandes, au titre que les dispositions de la loi Badinter de 1985 sont d’ordre public et sont applicables à l’exclusion de la responsabilité civile de droit commun, en vertu de l’implication du camion dans l’accident. En présence d’un véhicule et d’un conducteur non identifié, il appartient, selon les juges de seconde instance, au fonds de garantie des assurances obligatoires de dommage d’indemniser la victime.
La victime forme un pourvoi en cassation et avance l’argument selon lequel, bien que les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 sont d’ordre public, elles n’excluent pas la « responsabilité délictuelle de droit commun de celui qui n’est ni conducteur ni gardien du véhicule impliqué ». Elle reproche à la Cour d’appel d’avoir retenu l’implication du camion dans l’accident alors que ce dernier n’avait fait que dépasser les deux cyclistes sans les percuter.
La jurisprudence, dans un arrêt du 12 juin 1996, a d’ailleurs consacré une présomption irréfragable d’implication du véhicule dans l’accident de circulation, dès lors qu’il est entré en contact avec le siège du dommage. À défaut, il appartient à la victime de prouver l’implication du véhicule terrestre à moteur dans l’accident de circulation en vertu d’un arrêt du 26 octobre 2017.
Lorsque l’application de la loi Badinter est applicable à l’exclusion de la responsabilité civile de droit commun, l’article 2 précise que les débiteurs de l’obligation de réparer sont « le conducteur ou le gardien » de chaque véhicule impliqué dans l’accident de circulation. L’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation est garantie, par principe, par l’assurance de responsabilité civile automobile. À titre subsidiaire, il revient au fonds de garantie des assurances obligatoires de prendre le relais lorsque le responsable ne peut être identifié ou que celui-ci n’est pas assuré. Toutefois, leur intervention venant pallier le défaut ou l’absence d’assurance du responsable, ce fonds de garantie n’a pas vocation à supporter la charge définitive de la dette. En ce sens, il bénéficie de la subrogation dans les droits du créancier de l’indemnité contre la personne responsable de l’accident ou son assureur en vertu de l’article L 421-3 du Code des assurances.
La Cour de cassation rappelle le caractère impératif des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 relatives à l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation. En outre, ces dispositions ne sont pas de nature à exclure l’application des dispositions de responsabilité civile extracontractuelle de droit commun à « l’encontre de toute personne autre que les conducteurs et gardiens des véhicules terrestres à moteur impliqués dans l’accident ».
En ce sens, seule l’action intentée à l’encontre des conducteurs et gardiens de véhicules terrestres à moteurs impliqués dans l’accident conduit à l’application du régime spécial de responsabilité civile. Toutefois, la responsabilité des autres personnes, tel que le cycliste en l’espèce, relève du régime de droit commun, à savoir la responsabilité du fait personnel.
DUJARDIN ELYSE M2 DROIT PRIVÉ GÉNÉRAL