LE DROIT À L’ERREUR EN MATIÈRE FISCALE : LA LOI ESSOC DE 2018

La notion de « droit à l’erreur », appliquée en matière fiscale, désigne le fait pour un contribuable de bonne foi de régulariser sa situation, sans être soumis au paiement de pénalités, alors que ce dernier a commis une inexactitude ou une omission dans sa déclaration fiscale. Ainsi la déclaration de rectification faite par le contribuable s’inscrit dans une démarche spontanée

Depuis la loi du 10 août 2018, dite Loi ESSOC, cette rectification apparaît moins pénalisante pour les contribuables.

La loi ESSOC ou « loi pour un État au service d’une société de confiance » a été instituée par le gouvernement dans un but bien précis : moderniser l’action des services publics. Pour cela, deux notions fondamentales ressortent de cette loi : faire confiance et faire simple. Celle-ci s’adresse à tous les usagers, les particuliers et les entreprises, dans leurs relations avec l’administration fiscale. Ainsi, la notion de confiance est mise en avant par le législateur, qui souhaite que les contribuables soient plus nombreux à régulariser spontanément leur situation. En contrepartie de cette déclaration de régularisation, une réduction de moitié du montant des intérêts de retard est offerte au contribuable. Cependant, pour en bénéficier, il est exigé que le contribuable agisse de bonne foi et que sa déclaration de régularisation soit accompagnée du paiement des droits dus à l’administration fiscale.

Quelques mots sur la régularisation avant la loi ESSOC : 

En matière d’impôt sur le revenu, l’administration fiscale permettait au contribuable, à la suite du dépôt de leur déclaration de revenu, de la rectifier, soit dans le délai de déclaration lorsque l’erreur était constatée de façon précoce, soit après l’établissement de l’avis d’imposition. Ainsi, pour des revenus déclarés en 2022, le contribuable dispose de trois ans pour déposer une déclaration rectificative. Par conséquent, à la suite d’une telle déclaration, le contribuable s’expose au paiement d’intérêts de retard à hauteur de 0,20% par mois, étant précisé que le point de départ du paiement des intérêts se situe le 1er juillet de l’année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due. 

Le “droit à l’erreur” institué par la loi ESSOC : 

Depuis le 10 août 2018, il est possible pour un contribuable de bénéficier d’une réduction du montant des intérêts de retard dus à la suite d’une rectification. Cette loi s’applique uniquement aux contribuables ayant déposé une déclaration initiale et s’étant acquittés des droits correspondants dans les délais prévus par la loi. Néanmoins, le bénéfice d’une telle réduction est subordonné au respect de trois conditions cumulatives. 

Les conditions :

La première condition est la régularisation spontanée. Sera considérée comme telle, la rectification qui intervient avant tout acte de l’administration, soit avant la réception d’une quelconque mise en demeure, d’un avis d’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, d’une demande d’éclaircissement, de justification ou de renseignement. Sera aussi considérée comme spontanée toute déclaration déposée après une mise en demeure ou tout autre acte de l’administration fiscale, lorsque ces derniers portent sur un impôt différent de celui en cause dans la déclaration de rectification. 

La régularisation spontanée doit intervenir avant l’expiration du délai d’exercice du droit de reprise prévu pour l’administration. 

La réduction du montant des intérêts de retard s’applique à l’ensemble des déclarations rectificatives, quel que soit l’impôt concerné. Enfin le bénéfice de la réduction des intérêts de retard s’applique à l’ensemble de la période couverte par les déclarations rectificatives déposées à compter du 11 août 2018, même si ladite période est en tout ou partie antérieure à cette date.

Ensuite la loi ESSOC exige du contribuable qu’il soit de bonne foi. Les inexactitudes ou les omissions du contribuables sont présumées être involontaires. Dès lors, la première condition tenant à la bonne foi est présumée. Cependant, si l’administration fiscale apporte la preuve contraire, c’est-à-dire qu’elle prouve que les inexactitudes ou les omissions sont délibérées, la bonne foi ne pourra être présumée. Ainsi, la rectification de déclaration faite par le contribuable entrera dans le champ d’application des majorations prévues pour de telles infractions, sans pouvoir bénéficier du régime du droit à l’erreur.

Enfin, la loi exige du contribuable qu’il effectue le paiement des droits résultant de la déclaration rectificative pour se voir appliquer la réduction de moitié du montant des intérêts. 

S’agissant des impositions devant être acquittées spontanément, le paiement doit être concomitant au dépôt de la déclaration rectificative. Cependant, si le contribuable se trouve dans l’impossibilité de régler immédiatement les droits, il pourra tout de même bénéficier du régime s’il obtient des délais de paiement et s’il procède au règlement des droits conformément au plan de règlement qui a été mis en place. 

Les effets :

Dès lors que ces conditions sont remplies, le contribuable peut demander l’application du régime de la loi ESSOC. 

Le contribuable peut ainsi bénéficier d’une réduction des intérêts de retard, leur montant étant prévu à l’article 1727 du Code général des impôts. Cette réduction s’applique sur la totalité des intérêts réclamés sauf s’il ne respecte pas le plan de règlement de l’administration. En effet, dans ce dernier cas, la réduction du montant ne s’appliquera que sur la fraction des droits acquittés dans les délais prévus par le plan.

Ci-dessous, le tableau récapitulatif des taux prévus pour les intérêts de retard.

 Taux fixé au III de l’article 1727 du CGIRéduction de moitié du taux conformément au V de l’article 1727 du CGI
Intérêts courus jusqu’au 31 décembre 20170,40 % par mois0,20 % par mois
Intérêts courus à compter du 1er janvier 20180,20 % par mois0,10 % par mois

Afin d’inciter à la régularisation spontanée, il est prévu que pour une même insuffisance déclarative de bonne foi, le contribuable qui régularise spontanément ne doit pas être moins bien traité que celui qui fait l’objet d’un rappel par l’administration fiscale et qui s’est acquitté de son rappel à la réception de l’avis de mise en recouvrement.

Attention, lorsque la déclaration du contribuable révèle des erreurs (comme la déclaration de revenus pour un montant inférieur à leur montant réel), celui-ci s’expose à une majoration de 10 % qui s’ajoute aux intérêts de retard. Néanmoins cette majoration ne sera pas applicable si le contribuable dépose une déclaration rectificative spontanée. 

Amicie BREANT, étudiante en Master 2 Droit des Affaires et Fiscalité

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *