L’encadrement juridique au regard du trafic illégal de biodiversité sauvage

Selon un rapport du Ministre de l’intérieur publié le 5 octobre 2022, le commerce illégal de biodiversité sauvage rapporterait chaque année plus de 20 millions de dollars à ses trafiquants. Il s’agit d’un des trafics transnationaux les plus lucratifs au monde après ceux des stupéfiants, des contrefaçons et des êtres humains. Ce phénomène prend davantage d’ampleur depuis l’apparition des réseaux sociaux qui en favorisent considérablement le développement, ces derniers devenant alors un moyen de diffusion des annonces, facilitant également les prises de contact et garantissant l’anonymat. 

Mais qu’est-ce que le trafic illégal d’espèces sauvages ? 

Ce trafic consiste à capturer, transporter et vendre des espèces animales ou végétales protégées ou menacées. Il s’agit d’un commerce illégal qui concerne particulièrement la France. Cette dernière se classant parmi les trois premiers pays importateurs d’espèces sauvages en France. Par ailleurs, elle joue un rôle commercial clé dans ce trafic du fait de sa position géographique centrale en Europe, de son aéroport Paris-Charles-de-Gaulle (l’un des plus grands d’Europe) mais aussi et surtout parce qu’elle exporte depuis ses territoires ultra-marins. Les espèces les plus touchées circulant en France sont les mammifères (vivants mais aussi en parties ou en produits), les oiseaux et les reptiles vivants.

  

Quelles sont les conséquences d’un tel trafic  ?

La notion de trafic illégal de biodiversité sauvage est souvent réduite aux seuls enjeux écologiques. Pourtant, les conséquences d’un tel trafic sont nombreuses et interviennent sur plusieurs plans. 

Tout d’abord et en majeure partie sur le plan écologique. En effet, ce trafic est aujourd’hui considéré comme la deuxième cause de disparition des espèces après la perte d’habitat. C’est donc l’une des menaces les plus oppressantes sur la pérennité de la biodiversité globale. 

Sur le plan économique, ce commerce a également des effets pervers. Il représente une lourde perte pour les finances publiques des Etats. Non déclaré, il échappe ainsi à leur fiscalité. Cela nuit par ailleurs aux commerçants honnêtes qui souffrent d’une concurrence clandestine déloyale. 

En outre, le développement de ce trafic amène avec lui l’apparition de problèmes sanitaires déplorables. L’importation de spécimens sauvages est souvent un vecteur d’entrée de maladies infectieuses humaines et animales qui peuvent se propager à l’échelle globale. 

Enfin, le trafic illégal de biodiversité sauvage soulève des enjeux sécuritaires. Il contribue à l’exacerbation d’un climat de violence. Effectivement, il n’est pas rare que les rangers protégeant les espèces sauvages soient assassinés et que des organisations criminelles se servent de l’agent générée par ce trafic pour acheter des armes. Par ailleurs, ce commerce illégal peut aussi s’avérer dangereux pour ceux qui vont acheter les espèces sauvages qui conserveront leur instinct et pourront les blesser gravement. On peut par exemple penser au cas des félins. 

Que prévoit le droit international, européen et français pour empêcher ce trafic ?

  1. La Convention de Washington (CITES)

Etant donné la diversité et la transnationalité des enjeux issus du trafic illégal d’espèces sauvages, toute la communauté internationale a dû intervenir en la matière. C’est dans cet esprit qu’est née la CITES : Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, aussi appelée Convention de Washington datant de 1973. Il s’agit de la norme de référence en matière de protection internationale des espèces sauvages. Elle a été ratifiée par 183 pays (dont la France) et a pour but de garantir que le commerce international des animaux et des plantes inscrits dans ses annexes, ne nuise pas à la conservation de la biodiversité et repose sur une utilisation durable des espèces sauvages. Par extension, elle s’applique à tous les Etats membres de l’Union européenne grâce à des règlements qui en harmonisent et renforcent l’application (que nous détaillerons par la suite). Ce texte prévoit trois annexes au sein desquelles sont inscrites les espèces protégées concernées en fonction de la gravité du risque que leur fait encourir le commerce international. Il prévoit par ailleurs des sanctions commerciales à destination des Etats membres qui ne respecteraient pas la Convention (les sanctions pénales restent quant à elles déterminées par les Etats).  

Afin de vérifier que la Convention CITES est bien respectée, les parties à cette Convention se réunissent régulièrement lors de conférences des parties (COP) pour actualiser les listes d’espèces inscrites dans les annexes, réviser les modalités d’application de la convention ou encore définir les prochaines stratégies de lutte contre la fraude. Par ailleurs, un comité permanent, composé de 19 membres permet, lui, de passer en revue les travaux réalisés pour préparer les sessions suivantes. 

  1. L’union européenne : un cadre régional complémentaire 

Si la planète entière est concernée par ce trafic, l’Union européenne l’est tout particulièrement. En effet, il s’agit d’une problématique majeure dans cette région du monde puisque chaque année, des millions d’espèces exotiques y sont saisies. Comme dit précédemment, la Convention CITES s’applique au sein de l’Union européenne grâce à deux règlements qui en ont imposé l’application  : le règlement (CE) n° 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996, dit règlement de base et le règlement (CE) n° 865/2006 de la Commission du 4 mai 2006, dit règlement de mise en œuvre. Toutefois, cela n’empêche pas l’Union européenne d’agir à son échelle. Ainsi, en 2016 elle a proposé la mise en place d’un plan d’action pour lutter efficacement contre le trafic d’espèces sauvages. Ce plan comprend trois volets différents : 

  • une meilleure application des lois 
  • une coopération renforcée 
  • une prévention plus efficace

Ce plan d’action présenté par la Commission européenne a été révisé en 2022. Il a pour but de renforcer les mesures prises six ans plus tôt. Cette fois-ci le plan s’articule autour de quatre grandes priorités sur lesquelles l’Union européenne souhaite concentrer son action, à savoir : 

  • Prévenir le trafic d’espèces sauvages et s’attaquer à ses causes profondes
  • Renforcer le cadre juridique et politique de lutte contre ce trafic
  • Faire appliquer la réglementation et les politiques 
  • Renforcer le partenariat mondial entre les pays d’origine, les pays consommateurs et les pays de transit contre le trafic d’espèces sauvages

Ce plan guidera les actions de l’Union européenne jusqu’en 2027. 

  1. Les dispositions en droit français 

Concernant le droit français, celui-ci s’appuie principalement sur la Convention CITES et l’action de l’Union européenne. En conséquence, il se contente de transposer en droit interne les mesures prises à l’échelle internationale et européenne. On retrouve ces dispositions notamment dans le code de l’environnement et dans le code des douanes. A titre d’exemple, l’article L.415-3 du code de l’environnement dispose que lorsqu’un individu fait du commerce d’espèces animales ou végétales protégées sans détenir un permis ou un certificat requis, il s’expose à une peine de trois ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende. Cette sanction peut être portée jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende si l’infraction est commise en bande organisée. En France, ces infractions sont constatées par les agents de l’Office français de la biodiversité (OFB), les services vétérinaires départementaux, la gendarmerie ou encore les douanes.

Pour conclure, comment lutter contre ce fléau ? 

Il faut comprendre que ce trafic illégal est dur à éradiquer de par sa nature. En effet, contrairement aux autres trafics, il est plus difficile de reconnaître la marchandise illicite source de ce commerce. Si pour certaines espèces comme les tigres, lionceaux, ou encore l’ivoire des éléphants, il est facile de conclure à un trafic illégal de biodiversité sauvage, il est plus difficile pour certaines espèces moins connues, de les identifier et donc d’appliquer les sanctions adéquates. A titre d’exemple, dissocier un serval ou un caracal d’un gros chat peut s’avérer complexe. Toutefois, quelques pistes peuvent être envisagées selon le comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature, afin de lutter contre cette problématique qui ne cesse de gagner en ampleur chaque année : 

  • L’alourdissement des peines encourues (amendes et peines de prison). C’est la solution qui apparaît comme étant la plus efficace pour dissuader les trafiquants. 
  • Le renforcement des contrôles aux frontières et particulièrement dans les aéroports en augmentant le nombre d’agents douaniers spécialisés dans le domaine.
  • Le soutien aux structures d’accueil des espèces victimes du trafic.



Camille LEBLOND, M2 Droit du Patrimoine et des Activités Culturelles



Sources :

  • Natali Meganne et al. Le droit international face au trafic illégal de biodiversité sauvage. Paris: l’Harmattan, 2023. Print.
  • Site internet du Ministère de l’intérieur et des Outre-mer 
  • Site internet de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)
  • Article du magazine National Geographic En France, le trafic d’espèces sauvages prospère écrit par Marie-Amélie Carpio
  • Site internet du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires
  •  Communiqué de presse de la Commission Européenne intitulé : Biodiversité: renforcement des mesures de lutte contre le trafic d’espèces sauvages publié le 10 Novembre 2022
  • LOI n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
  • Article L415-1 du code de l’environnement

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