BLOCUS MARITIME ET DROIT DES CONFLITS ARMÉS

« Les règles spéciales à la guerre maritime ne sont applicables qu’à la pleine mer et aux eaux territoriales des belligérants à l’exclusion des eaux qui, sous le rapport de la navigation, ne doivent pas être considérées comme maritimes. » – Article 1er du Manuel des lois de la guerre maritime, dit « Manuel d’Oxford », du 9 août 1913. 

Le blocus maritime semble soumis à ces règles spéciales de la guerre maritime. De la Déclaration de Londres du 26 février 1909 portant sur le droit de la guerre maritime, nous pouvons définir le blocus maritime comme le maintien par la force navale de l’interdiction réelle et effective de l’accès du littoral de l’ennemi, ou occupé par lui, c’est-à-dire les ports et les côtes, par la voie de la mer. Il s’agit bien, alors, de régir les activités navales en pleine mer et sur les eaux territoriales des belligérants. 

De cette manière, le blocus maritime est régi par le droit international des conflits armés ou jus in bello, et, plus spécifiquement, par le droit des conflits armés maritimes. 

Ce sujet peut nous intéresser à plusieurs égards. D’abord, le blocus maritime constitue, en lui-même, une restriction de la souveraineté territoriale du belligérant soumis à ce blocus. Ensuite, quant aux limites du blocus maritime en lui-même, qui ne peut être absolu. Puis, la question de savoir à quelles conditions un blocus maritime doit répondre. Enfin, dans le contexte de conflits armés internationaux actuel, notamment aux portes de l’Europe, avec le conflit russo-ukrainien et israélo-palestinien, la question du blocus maritime est importante. En l’occurrence, deux blocus de ce type ont lieu dans ces deux conflits. L’un en Mer noire et concernant le port d’Odessa depuis le 24 février 2022, l’autre en Mer Méditerranée orientale autour de la Bande de Gaza depuis le 6 juin 2009.  

Il convient de se demander quel est le régime du blocus maritime dans le cadre d’un conflit armé international et si ce dernier a subi des évolutions.  

Pour commencer, rappelons que le blocus maritime est une atteinte à la souveraineté territoriale d’un État, aussi exclusive et absolue soit-elle. Ce qui justifie que cette opération militaire navale soit soumise à plusieurs conditions. En effet, il s’agit d’une ingérence sur l’un des trois espaces constitutifs du territoire d’un État, à savoir l’espace maritime. 

Ainsi, l’atteinte à la souveraineté étatique que constitue le blocus maritime est-elle conditionnée, afin de ne pas permettre l’abus de cette opération militaire navale. Trois conditions devront être respectées, d’après la Déclaration de Londres et reprises plus tard par le Manuel de San Remo sur le droit international applicable aux conflits armés en mer du 31 décembre 1995 ou encore par le Manuel de droit des opérations militaires français de 2022. 

I – La déclaration notifiée

Selon les lois de la guerre, le blocus maritime est, d’abord, soumis à une déclaration émanant soit de la puissance bloquante, soit des autorités navales agissant en son nom (article 9 de la Déclaration de Londres). Cette déclaration devra être notifiée par la puissance bloquante (article 8) aux puissances neutres et aux autorités locales (article 11), c’est-à-dire la puissance bloquée. 

II – L’impartialité

En outre, le blocus maritime doit être une opération militaire non-discriminatoire (article 5). De cette façon, le blocus maritime est opposé à tout pavillon ou aéronef de tout État, sans distinction. Toutefois, la portée de cette disposition semble être limitée par ceux des principes de droit international humanitaire et, notamment, de la Deuxième Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer du 12 août 1949. En vertu de son article 2 alinéa 2, cette « Convention s’appliquera également dans tous les cas d’occupation de tout ou partie du territoire d’une Haute Partie contractante, même si cette occupation ne rencontre aucune résistance militaire ». Cette deuxième Convention de Genève pose, ainsi, une évolution notable dans le régime juridique du blocus maritime.

III – L’effectivité constatée par les faits

La troisième condition est que le blocus maritime doit être effectif. L’effectivité est appréciée comme le maintien réel et existant de l’accès du littoral de l’ennemi par une force suffisante (article 2 de la Déclaration de Londres). Cette disposition n’oblige donc pas que le blocus maritime soit maintenu seulement par une force navale. Nous pouvons penser qu’il pourrait s’agir d’une puissance aérienne, ou de toute autre force technologique. L’article 3 de la Déclaration de Londres va, quant à lui, venir fournir un élément d’analyse supplémentaire, puisque l’effectivité du blocus maritime est appréciée au regard des éléments de fait. 

Le régime juridique du blocus maritime est donc soumis à ces trois conditions, la déclaration et notification, l’effectivité et l’impartialité

IV – Évolution du régime juridique du blocus maritime

Toutefois, un élément important sera à prendre en compte pour apprécier l’effectivité du blocus. Puisque, d’après le professeur italien Natalino Ronzitti « le blocus reste une institution vitale seulement lorsque l’ennemi ne dispose pas d’un armement de pointe ». Cela signifie que, par l’intermédiaire de techniques et de matériels militaires toujours plus performants et modernisés, le blocus maritime pourrait devenir inutile face à une puissance capable de se munir d’armements avancés (par exemple, l’armée américaine s’est dotée dans les années 1970 du missile anti-navire AGM-84 Harpoon, pouvant être lancé depuis le sol, la mer, un sous-marin ou encore un avion). Le blocus maritime reste, cependant, efficace à l’encontre de puissances désarmées face à un tel usage de la force militaire. 

Pour terminer, le Manuel de San Remo va poser une nouvelle condition en 1995, montrant ainsi la nécessité de faire évoluer le régime juridique du blocus maritime. La licéité d’un blocus maritime dans le cadre d’un conflit armé international dépendra du fait que le blocus ne devra « pas barrer l’accès aux ports et aux côtes des États neutres » (point 99 du Manuel). Pour autant, le Manuel précise, à son point 100, que la condition de l’impartialité du blocus maritime devra être respectée. La protection des navires neutres semble tenir d’une discrimination positive. 

De cette manière, le droit coutumier tiré de ce manuel semble plus protecteur pour les bâtiments neutres et marque une petite révolution dans le régime juridique des blocus maritimes. En effet, la Déclaration de Londres se contentait seulement d’autoriser un droit de passage en cas de détresse du navire neutre, « constatée par une autorité des forces bloquantes ».

Le régime juridique du blocus maritime dans un conflit armé international pose, ainsi, plusieurs conditions. Le blocus devra, dans un premier temps, être accompagné d’une déclaration notifiée à la puissance qui subira le blocus. Ensuite, il devra être impartial, mais ne pourra concerner les navires neutres, ni empêcher l’acheminement d’une aide humanitaire. Enfin, l’effectivité du blocus pourra être constatée de facto.

Pour l’heure, le blocus maritime n’a pas plus évolué qu’en 1995 et aucune évolution n’est en vue à l’horizon.

Thomas RICHARD, Master 2 Droit Public Approfondi

Bibliographie :

Deuxième Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer du 12 août 1949, article 2 alinéa 2. 

Déclaration relative au droit de la mer, Londres, 26 février 1909, Chapitre I. – Du blocus en temps de guerre, articles 2, 5, 7, 8, 9 et 11.

Manuel de droit des opérations militaires français, Direction des affaires juridiques et État-major des armées, 2022, Partie IV : Les règles spécifiques liées aux opérations dans différents milieux, Chapitre I : Les opérations navales, 1.2.3.2.2. Le blocus, p. 246.

Manuel de San Remo sur le droit international applicables aux conflits armés en mer, Revue internationale de la Croix-Rouge, 31 décembre 1995, IVème Partie : Méthode et moyen de la guerre sur mer, Section II : Méthode de guerre, Blocus, v. p. 99 et 100.
Le droit humanitaire applicable aux conflits armés en mer, Natalino Ronzitti, RCADI, Vol. 242, 1993, Chapitre V – Les moyens et les méthodes de combats, Section II – Les méthodes, 5 – Le blocus.

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