VOUS ÊTES (MALHEUREUSEMENT) PLACÉ EN GARDE À VUE ?
Voici les règles essentielles à connaître pour que tous vos droits soient respectés au cours de cette mesure de contrainte !
Une personne peut faire l’objet de cette mesure de contrainte seulement s’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de penser qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement.
La garde à vue est envisageable lors d’une enquête de police (ou lors de l’instruction quand une information judiciaire est ouverte), en flagrance ou préliminaire. L’enquête de flagrance, telle que définie par les articles 53 et 67 du code de procédure pénale (CPP ci-après), peut être mise en œuvre uniquement en présence d’un crime ou d’un délit puni d’emprisonnement. Cette infraction doit être en train de se commettre ou s’être commise dans un temps très voisin à l’interpellation. La jurisprudence indique que ce temps très voisin correspond à une commission des faits la veille de leur dénonciation à l’autorité publique.
Une durée de 28 heures entre la commission des faits et la dénonciation aux autorités publiques permet le déclenchement de l’enquête de flagrance, Cass. crim., 26 févr. 1991.
Pour déclencher cette enquête, les officiers de police judiciaire doivent avoir eu connaissance d’indices apparents d’un comportement révélant l’existence d’une infraction en train de se commettre ou qui vient d’être commise (Cass. crim., 12 mai 1992). Si ces trois conditions ne sont pas remplies, le régime afférent à l’enquête préliminaire est appliqué.
Pour quels motifs pouvez-vous être placé en garde à vue ?
L’article 62-2 du CPP précise que la mesure de la garde à vue doit être l’unique moyen pour les enquêteurs de la police judiciaire de parvenir à l’un des six objectifs listés par l’article et notamment : empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ou, garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit.
Qui peut procéder à votre placement en garde à vue ?
Cette mesure de contrainte ne peut être décidée que par un officier de police judiciaire et sous le contrôle de l’autorité judiciaire, article 63 du CPP. A défaut, l’irrégularité de la mesure est encourue et peut-être soulevée par le gardé à vue.
A quel moment commence votre garde à vue ?
La mesure de garde à vue commence au moment où vous faites l’objet d’une contrainte de la part de l’autorité policière (arrestation par exemple). Votre placement en garde à vue doit vous être notifié immédiatement. Si cette contrainte intervient sur la voie publique et/ou que la notification de votre placement est impossible par les forces de police, la notification de placement devra se faire immédiatement à votre arrivée dans les locaux de police ou de gendarmerie.
Le délai entre votre interpellation et la notification de votre placement ne doit jamais excéder une durée d’environ 30 minutes, si cela est justifié (Cass. crim., 6 janv. 2015).
Au moment de cette notification, vous sont notifiés : votre placement en garde à vue ; les motifs justifiant votre placement en garde à vue ; la qualification des faits pour lesquels on vous soupçonne ainsi que vos droits. Dans le même temps, le procureur de la République est lui aussi immédiatement informé, par tous moyens, de votre placement en garde à vue (ou le juge d’instruction si une instruction est ouverte). Le non-respect de ces formalités entraînera l’irrégularité de votre garde à vue, sa nullité pourra être soulevée.
Quels sont vos droits pendant votre garde à vue ?
La garde à vue est une mesure de contrainte où vous allez être privé de votre liberté. L’article 63-1 du CPP dresse une liste des droits dont vous bénéficiez pendant cette mesure :
Droit de faire prévenir un proche et votre employeur et si vous êtes de nationalité étrangère, les autorités consulaires de l’État dont vous êtes ressortissant : à compter de votre demande, ce droit doit devenir effectif dans un délai de 3 heures.
Droit d’être examiné par un médecin : à compter de votre demande, ce droit doit également devenir effectif dans un délai de 3 heures. En cas de prolongation, vous avez le droit d’être examiné une seconde fois.
Droit d’être assisté par un avocat : dès le début de votre garde à vue, vous pouvez être assisté de l’avocat de votre choix, en cas d’impossibilité, vous pouvez demander qu’il vous soit commis d’office. L’avocat dispose d’un délai de 2 heures pour arriver dans les locaux de police, à défaut, les auditions peuvent commencer sans sa présence. A son arrivée, vous bénéficiez d’un entretien confidentiel d’une durée de 30 minutes (un nouvel entretien de même durée est prévu en cas de prolongation). L’avocat peut assister aux auditions et aux confrontations.
A titre exceptionnel ou lorsque les nécessités de l’enquête l’exigent, sur autorisation motivée du procureur de la République, l’audition peut débuter sans attendre l’expiration du délai ou avec un report de présence de l’avocat, pour une durée maximale de 12 heures et dans certains cas pour une durée maximale de 48 heures (infractions commises en bande organisée) ou de 72 heures (trafic de stupéfiants ou actes de terrorisme).
Droit d’être assisté par un interprète
Droit de consulter les procès-verbaux de la notification de la garde à vue, d’audition et le certificat médical
Droit de présenter des observations au procureur de la République lorsqu’il se prononce sur l’éventuelle prolongation de la garde à vue
Droit, lors des auditions, après avoir décliné votre identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui vous sont posées ou de vous taire : vous pouvez bien évidemment garder le silence jusqu’à l’arrivée de votre avocat. Le non-respect de vos droits, par les autorités de police, au cours de l’exécution de la garde à vue peut entraîner la nullité de la procédure.
Combien de temps peut durer votre garde à vue ?
La garde à vue dure 24 heures. Le procureur de la République et seulement lui, peut prolonger la durée de la garde à vue de 24 heures supplémentaires (soit un total de 48 heures pour une infraction de droit commun), si :
- l’infraction que vous êtes soupçonné d’avoir commis ou tenté de commettre est un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à 1 an ;
- la prolongation de la garde à vue est le seul moyen de parvenir à l’un des objectifs justifiant la garde à vue ou de permettre votre présentation devant l’autorité judiciaire.
Ces deux conditions sont cumulatives.
En cas de soupçons de commission des infractions citées à l’article 706-73 du CPP (infractions en bande organisée), la garde à vue peut faire l’objet de deux prolongations supplémentaires de 24 heures chacune, ce qui fait un total de 96 heures de garde à vue. Pour ces prolongations, il faut : l’autorisation préalable du juge d’instruction en charge du dossier ou l’autorisation préalable du juge des libertés et de la détention, si une information judiciaire n’est pas ouverte. La garde à vue peut, en outre, durer jusqu’à 144 heures en matière d’actes de terrorisme, soit être prolongée de nouveau deux fois pour une durée de 24 heures chacune. Cette prolongation exceptionnelle ne peut intervenir que sur autorisation du juge des libertés et de la détention.
Vous vous demandez quelle issue peut avoir votre garde à vue ?
A l’issue de votre garde à vue, vous pouvez, soit ressortir libre soit être déféré.
Si vous êtes ressorti libre :
- Un classement sans suite peut avoir lieu : c’est une décision prise par le procureur de la République qui décide de ne pas donner suite aux poursuites;
- Vous pouvez recevoir une convocation par officier de police judiciaire;
- Vous pouvez être convoqué à une médiation pénale, une composition pénale ou une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Si vous êtes déféré, vous pouvez l’être soit devant le procureur de la République soit devant le juge d’instruction.
Le procureur de la République peut : classer l’affaire sans suite; opter pour des mesures alternatives aux poursuites ou décider d’une comparution immédiate si on est en présence d’un délit puni d’au moins deux ans ou six mois en cas de délit flagrant.
Si le juge d’instruction est saisi, une information judiciaire est ouverte. Le juge d’instruction va procéder à un interrogatoire de première comparution (IPC). C’est à l’issue de cet IPC que le juge d’instruction peut décider de vous placer sous le statut de mis en examen ou de témoin assisté. A la fin de l’instruction, le juge d’instruction peut, soit rendre une ordonnance de non-lieu, soit rendre une ordonnance de renvoi devant le tribunal de police (contravention) ou devant le tribunal correctionnel (délit) ou encore une ordonnance de mise en accusation (crime).
Toute personne ayant fait l’objet d’un défèrement à l’issue de sa garde à vue comparaît le jour même devant le procureur de la République, ou en cas d’ouverture d’une information judiciaire, devant le juge d’instruction saisi de la procédure. La personne comparaît aussi le jour même de son défèrement devant le juge d’instruction en cas de garde à vue au cours d’une commission rogatoire (article 803-2 du code de procédure pénale).
Une exception est toutefois possible en cas de nécessité, dans ce cas, la comparution devant le magistrat compétent doit intervenir dans un délai maximum de 20 heures après le défèrement à défaut de quoi l’intéressé est immédiatement remis en liberté.
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Toutefois, la minorité de la personne placée en garde à vue emporte dérogation de la majorité des règles vues ci-dessus. Il est également à préciserque le projet de loi n°2041 va peut être entraîner une réforme de la garde à vue en cette année 2024.
Pauline Buray, Laura Loizel, M2 Justice, Procès et Procédures
Sources :
Section 3 : De la garde à vue (Articles 706-88 à 706-88-1) – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Article 803-2 – Code de procédure pénale – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Article 803-3 – Code de procédure pénale – Légifrance (legifrance.gouv.fr)