L’article L.121-1 du Code de la consommation pose un principe général d’interdiction des pratiques commerciales déloyales et retient leur caractère déloyal lorsqu’elles sont « contraire[s] aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle[s] altère[nt] ou [sont] susceptible[s] d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. »
Définition et origine
La notion de pratique commerciale est issue de la directive européenne n° 2005-29 du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs. Elle est définie comme « toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit au consommateur ». Le produit peut être de toute nature et remis à titre gratuit ou à titre onéreux. Cette directive a été transposée en droit français par la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite « loi Chatel« .
Selon les dispositions de l’article L121-1 du Code de la consommation, une opération possède un caractère déloyal si deux conditions sont réunies :
- Elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle : la diligence professionnelle désigne le niveau de compétence spécialisée et de soins dont le professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis-à-vis du consommateur, conformément aux pratiques de marché honnête et/ou au principe général de bonne foi dans son domaine d’activité ;
- Elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur à l’égard d’un bien ou d’un service. Cela signifie qu’elle compromet sensiblement l’aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l’amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.
Pour apprécier le caractère déloyal d’une pratique, on se réfère à un consommateur moyen, sauf si cette pratique vise une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité, dans ce cas, on prend en compte la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe.
La directive européenne de 2005 prévoit une protection de ces pratiques commerciales déloyales uniquement à l’égard des consommateurs. Lors de sa transposition en droit interne, le législateur français a fait le choix d’élargir le champ d’application de cette protection aux professionnels et non professionnels.
Un consommateur est « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. » Le non-professionnel est définie comme « toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles. »
Les pratiques commerciales déloyales sont de 2 sortes :
- Les pratiques commerciales trompeuses (art L. 121-2 à L. 121-4 du Code de la consommation)
- Les pratiques commerciales agressives (art L.121-6 et L.121-7 du Code de la consommation)
Pratiques commerciales trompeuses
Une liste de 22 pratiques commerciales déloyales trompeuses a été établie au niveau européen et transposée en droit français à l’article L.121-4. Ces dernières sont irréfragablement présumées trompeuses en toute circonstance, c’est-à-dire sans qu’il soit nécessaire d’évaluer leur caractère déloyal. Ainsi, si la pratique commerciale en cause correspond à la description d’une pratique insérée dans cette liste, elle doit nécessairement être condamnée.
Par exemple :
- le fait pour un professionnel de déclarer ou de donner l’impression que la vente d’un produit ou la fourniture d’un service est licite alors qu’elle ne l’est pas,
- le fait d’affirmer, dans le cadre d’une pratique commerciale, qu’un concours est organisé ou qu’un prix peut être engagé sans attribuer les prix décrits ou un équivalent raisonnable.
Dans un arrêt du 16 avril 2015, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a affirmé qu’une pratique commerciale trompeuse peut être caractérisée même si les faits ne se sont produits qu’une seule fois et à l’égard d’un seul consommateur.
Pour déterminer l’infraction, on ne cherche pas forcément l’intention de tromper ou la mauvaise foi, une faute d’imprudence suffit.
Ces pratiques commerciales trompeuses peuvent être exercées par action ou par omission, étant précisé qu’il s’agit bien de pratiques de nature commerciale donc cette réglementation ne peut être appliquée à d’autres cas particuliers.
- Par action
Les victimes peuvent être des consommateurs ou des professionnels.
Un professionnel est défini comme toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel.
Il peut s’agir de la confusion créée avec un autre bien ou service, mais aussi avec une marque, un nom commercial ou autre signe distinctif d’un concurrent. En outre, une pratique commerciale est qualifiée de trompeuse par action lorsqu’elle repose sur de fausses allégations, indications ou présentations de nature à induire en erreur.
Par exemple, la Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 1er mars 2017 a reconnu que nommer un produit cosmétique « savon tradition Alep » alors qu’il a été fabriqué en Tunisie est constitutif d’une pratique commerciale trompeuse par action.
- Par omission
Une pratique est trompeuse lorsqu’elle « omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu’elle n’indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte. »
L’information substantielle englobe les caractéristiques principales du bien ou du service, l’adresse et l’identité du vendeur, le prix TTC ainsi que les frais de livraison qui sont mis à la charge du consommateur, les modalités de paiement et de livraison et enfin, l’existence d’un droit de rétraction, s’il est légalement prévu. Les caractéristiques essentielles des produits et des services correspondent donc à tous les éléments d’information précités dont le consommateur a besoin pour prendre une décision en toute connaissance de cause.
Ainsi, en cas d’omission de l’une de ces informations, cela s’analyse comme un prolongement du dol en matière civile et plus particulièrement comme une réticence dolosive constituée en cas de silence de l’une des parties sur un élément d’information du contrat, élément qui, s’il avait été connu de l’autre partie, aurait dissuadé cette partie de contracter. Il s’agit donc d’une dissimulation intentionnelle d’une information déterminante.
Lorsque le moyen de communication utilisé impose des limites d’espace ou de temps, il y a lieu, pour apprécier si des informations substantielles ont été omises, de tenir compte de ces limites ainsi que de toutes les mesures prises par le professionnel pour mettre ces informations à la disposition du consommateur par d’autres moyens. Les limites d’espace concernent les affiches de publicité ou insérées dans des journaux et les limites de temps concernent les messages radiophoniques ou télévisuels.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi reconnu coupable de pratique commerciale trompeuse par omission, une société de courtage matrimonial qui omet d’indiquer l’existence d’un droit de rétractation dans toute communication commerciale constituant une invitation à l’achat, que celle-ci soit antérieure ou concomitante à la transaction commerciale.
Pratiques commerciales agressives
Selon l’article L. 121-6 alinéa 1ier, une telle pratique est caractérisée « lorsque du fait de sollicitations répétées et insistantes ou de l’usage d’une contrainte physique ou morale, et compte tenu des circonstances qui l’entourent : elle altère ou est de nature à altérer de manière significative la liberté de choix d’un consommateur ; elle vicie ou est de nature à vicier le consentement d’un consommateur ; elle entrave l’exercice des droits contractuels d’un consommateur. »
En outre, l’article énumère les éléments qui permettent de déterminer si une pratique commerciale recourt au harcèlement, à la contrainte, notamment à la force physique, ou constitue une influence injustifiée. Ainsi, la persistance d’une pratique, le lieu ou moment où elle est exercée, l’exploitation volontaire par le professionnel du malheur ou de la gravité d’une circonstance particulière vécue par le consommateur de nature à altérer son jugement ou encore une menace d’action alors que cette dernière n’est pas légale sont des éléments pris en considération pour déterminer ce type de pratique.
De plus, une liste de pratiques présumées agressives est établie par l’article L.121-7. Nous pouvons retrouver le fait d’exercer des sollicitations répétées et non souhaitées par téléphone, le fait de donner l’impression au consommateur qu’il doit conclure un contrat s’il veut quitter les lieux ou encore, le fait d’informer explicitement le consommateur que s’il n’achète pas le produit ou le service, l’emploi ou les moyens d’existence du professionnel seront menacés.
Par exemple, le fait de fournir à des personnes âgées des produits agricoles à des tarifs extrêmement supérieurs au prix du marché et en faisant usage d’une contrainte morale de nature à vicier leur consentement ainsi qu’à entraver leurs droits contractuels a été reconnu comme une pratique commerciale agressive par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 1ier avril 2014.
Auteurs des pratiques
La CJUE a rappelé dans un arrêt de 2013 que la pratique commerciale déloyale doit émaner d’un professionnel.
Recours du consommateur s’estimant victime de telles pratiques
Premièrement, le consommateur victime d’une telle pratique, qu’elle soit trompeuse ou agressive, peut tenter un arrangement amiable avec le professionnel auteur de cette pratique. L’objectif étant d’obtenir la nullité du contrat et/ou une indemnisation. Il est également possible de prendre contact avec une association de consommateurs agréée pour obtenir une aide ou une information. Celle-ci peut également intervenir en vue d’un règlement amiable du litige, sous réserve d’y être adhérent.
En cas d’échec du règlement amiable, le consommateur victime d’une pratique commerciale peut alerter les agents de la DGCCRF, habilités à rechercher et à constater ces infractions. Ils jouent un rôle important pour constater ces infractions car ils ont notamment le pouvoir d’accéder aux locaux professionnels et de recueillir des documents. S’ils parviennent à réunir des éléments constitutifs du délit de pratique commerciale trompeuse, ils dressent un procès-verbal et le transmettent au procureur de la République.
Afin d’obtenir la cessation d’une pratique commerciale trompeuse, le professionnel peut faire l’objet d’une injonction de mise en conformité ou de cessation d’agissements illicites par un agent habilité. Elle peut aussi être ordonnée par un juge d’instruction ou par le tribunal saisi des poursuites.
En dernier recours, le consommateur peut saisir le tribunal compétent pour faire valoir ses droits et obtenir réparation. Concernant la pratique commerciale trompeuse, ce dernier peut invoquer le vice de consentement en se fondant sur les articles 1130 et suivants du Code civil. Il peut également bénéficier de la garantie légale de conformité, en vue d’obtenir la nullité du contrat et le remboursement du prix payé (article L. 217-4 et suivants du Code de la consommation). Enfin, l’article 1240 du Code civil permet au consommateur victime qui subit un préjudice du fait de la pratique commerciale trompeuse d’en obtenir réparation en demandant des dommages et intérêts.
Le consommateur dispose de 2 ans à compter de la délivrance du bien pour bénéficier de la garantie légale de conformité et de 5 ans pour invoquer le vice de consentement et pour obtenir des dommages et intérêts à compter de la connaissance du vice.
Sanctions
En droit français, ces pratiques commerciales déloyales sont constitutives d’une infraction dont l’auteur s’expose principalement à une sanction pénale qui peut être accompagnée d’une sanction administrative et/ou civile. Ces sanctions diffèrent selon que l’on soit en présence d’une pratique commerciale trompeuse ou agressive.
En cas de pratique commerciale trompeuse, les personnes physiques encourent une amende de 300 000€ et une peine de prison de 2 ans. Le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10% du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50% des dépenses engagées pour réaliser cette pratique. L’auteur encourt également, à titre de peines complémentaires, l’interdiction soit d’exercer une fonction publique, l’activité professionnelle ou sociale dans laquelle l’infraction a été commise ou d’exercer ou gérer une profession commerciale ou industrielle pour une durée maximum de 5 ans.
A l’égard des personnes morales, l’amende peut être portée à 1 500 000€ et des peines complémentaires peuvent leur être appliquées telles que la dissolution ou le placement sous surveillance judiciaire. Le tribunal peut également ordonner l’affichage ou la diffusion de l’intégralité ou d’une partie de la décision par tout moyen approprié.
Ces peines sont également appliquées en cas de pratique commerciale agressive. Cependant, lorsqu’une telle pratique aboutit à la conclusion d’un contrat, celui-ci est nul de plein droit et de nul effet selon l’article L. 132-10 du Code de la consommation.
Marion LEFEBVRE – Master 1 Droit des affaires et fiscalité
SOURCES
- Légifrance
- Economie.gouv.fr
- Pratiques commerciales déloyales, Hélène Aubry, professeure agrégée de droit privé et sciences criminelles
- Institut national de la consommation
- Les pratiques commerciales trompeuses, Gouache Avocats, YouTube
- Cours de Droit de la consommation de Madame la Professeure Brigitte Belloir-Caux