La loi de finances pour 2024

Qu’est-ce que la loi de finances ?

Selon la définition donnée dans l’article 1er de l’ordonnance organique n°59 du 02 janvier 1959 :  » Les lois de finances déterminent la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’État, compte tenu d’un équilibre économique et financier qu’elles définissent. Les lois de finances peuvent également contenir toutes dispositions relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature« .

Concernant leur application, les lois de finances sont définies par une loi organique, loi qui leur confère une autorité supérieure à celle des autres lois.

Pour l’année 2024, la loi de finances n°2023-1322 a été adoptée par l’Assemblée Nationale le 29 décembre 2023 et publiée le 30 décembre 2023.

Afin d’avoir une vision d’ensemble de cette loi, nous ne traiterons pas de l’intégralité des mesures adoptées, mais des mesures essentielles à retenir.

Quelles sont les principales mesures apportées par la loi de finances pour 2024 ?

  • Fiscalité des particuliers

Revalorisation du barème de l’IR (article 2 LF) :

Comme chaque année, les tranches de revenus du barème de l’impôt sur le revenu ont été réévaluées. Cette année, la revalorisation a été de 4,8% et prend en compte l’inflation, soit la hausse des prix entre 2022 et 2023. Cela a également un impact sur les limites et les seuils de réduction d’impôt (plafonnement du quotient familial par exemple).

Régime fiscal du plan d’épargne avenir climat (article 3 LF) :

Le plan d’épargne avenir climat (PEAC), destiné aux jeunes de moins de 21 ans, a été institué par la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte.

La LF prévoit que les revenus générés par le nouveau plan d’épargne avenir climat sont exonérés d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux. En effet, le but de ce PEAC est de “ mobiliser l’épargne des jeunes pour l’industrie verte et pour la décarbonation de l’industrie “, selon le ministre de l’Économie.

Maintien de la réduction d’impôt pour souscription au capital des sociétés (article 13 LF) :

Le Code général des impôts prévoit, en son article 199 unvicies, une réduction d’impôt lors des souscriptions en numéraire au capital de sociétés. Celle-ci sera prolongée jusqu’au 31 décembre 2026.

Le taux individualisé du PAS : le taux applicable de droit commun (article 19 LF) : 

Depuis 2019, l’impôt sur le revenu fait l’objet d’un prélèvement à la source (PAS). Jusqu’ici, les couples soumis à une imposition commune se voyaient appliquer un taux de PAS calculé sur le foyer fiscal, sauf option de leur part pour l’application d’un taux individualisé sur les revenus dont ils disposaient personnellement. Pour lutter contre les inégalités hommes- femmes, la LF prévoit l’application d’un taux individualisé à chaque conjoint sur tous leurs biens (communs et personnels) avec option pour le taux du foyer fiscal. Le taux individualisé devient le taux de droit commun et le taux du foyer, l’exception. L’entrée en vigueur est prévue pour le 1er septembre 2025. Selon E. Borne « La fiscalité ne doit pas être un frein à l’émancipation des femmes, notamment celles qui ont un écart de salaire important avec leur conjoint ».

  • Mesures environnementales

Crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte (article 35 LF) :

Le C3IV est une mesure fiscale qui vise à inciter les secteurs stratégiques à investir dans les équipements et activités qui contribuent à la transition vers une économie décarbonée, tels que les batteries, l’éolien, les panneaux solaires ainsi que les pompes à chaleur.

Ce crédit d’impôt sera calculé sur la base des investissements corporels et incorporels des entreprises industrielles et commerciales concernées.

Le taux de droit commun C3IV est de 20%, pouvant être porté à 25 ou 40% dans certaines zones.

Dépenses fiscales défavorables à l’environnement (article 94 LF) :

L’utilisation ou encore la vente d’énergie est soumise à une imposition indirecte : c’est ce que l’on appelle les droits ou tarifs d’accise. La LF prévoit que les tarifs d’accises sur le gazole non routier et sur le gazole consommé pour les besoins de travaux agricoles seront augmentés de manière progressive jusqu’en 2030.
De plus, pour les entreprises grandes consommatrices d’énergie, les tarifs réduits d’accises qui existaient sur les produits pétroliers ou encore sur le charbon ont été supprimés dès 2024. Cependant, l’article 94-B 1° a) et c) précise que cela ne concerne pas le secteur agricole, et que des mesures seront mises en place pour l’accompagner.

Taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance (article 100 LF) :

La LF a prévu la mise en place, dès le 1er janvier 2024, d’une taxe d’exploitation des infrastructures de transport de longue distance, afin de financer les investissements de l’État à venir, notamment dans le ferroviaire. Cette nouvelle taxe a été codifiée aux articles L.425-1 à L.425-20 du Code des impositions sur les biens et les services. 

Concernant son champ d’application matériel, cette taxe s’impose aux entreprises exploitant des infrastructures de transport de longue distance, soit l’exploitation des infrastructures qui permettent “le déplacement de personnes ou de marchandises sur une longue distance au moyen d’engins de transport routier, ferroviaire ou guidé, d’aéronefs ou d’engins flottants”. Cela ne concerne pas les transports urbains. L’assujettissement à cette taxe est subordonné à la réunion de deux conditions cumulatives, concernant le chiffre d’affaires et le seuil de rentabilité de l’entreprise.

  • Fiscalité des entreprises

Imposition minimale des multinationales (article 33 LF) :

La LF prévoit la transposition de la directive UE 2022/2523 du 14 décembre 2022 (Pilier 2). Elle prévoit une imposition mondiale minimale pour les plus grands groupes d’entreprises (nationaux et multinationaux), d’un montant de 15% et complémentaire à l’impôt national. 

Suppression de l’exonération d’impôt pour les JEI (article 69 LF) :

Les PME bénéficiant du statut de JEI (Jeunes entreprises innovantes), soit celles créées depuis moins de 11 ou 8 ans, n’ont plus droit à l’exonération des bénéfices à compter du 1er janvier 2024. Mais elles bénéficient d’un nouveau statut (article 44) : le statut de Jeune entreprise d’innovation et de croissance (JEIC) leur attribuant les anciens avantages sous de nouvelles conditions (nouveau seuil des dépenses de R&D et satisfaction à des indicateurs de performance économique). 

Suppression progressive de la CVAE (article 79 LF) :

La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, composante de la CET (contribution économique territoriale) voit sa suppression, normalement prévue pour 2024, décalée. Les taux effectifs seront diminués progressivement jusqu’en 2027. La CVAE étant collectée par l’État, mais reversée aux collectivités territoriales, quid du manque à gagner des collectivités ? Selon un rapport général du Sénat du  23 novembre 2023 sur le projet de loi de finances, “cette suppression partielle en 2023 puis totale en 2027 est compensée à l’euro près par une fraction de TVA”, mais le législateur ne donne aucune réponse quant à la compensation de sa suppression totale.

Facturation électronique (article 91 LF) :

L’obligation de facturation électronique pour les entreprises assujetties à la TVA interviendra finalement plus tard. Le calendrier initialement prévu pour sa mise en place est modifié :

  • Pour les ETI et grandes entreprises : 01/09/2026 ;
  • Pour les PME et micro-entreprises : 01/09/2027.

Prix de transfert (article 116 LF) :

La LF ajoute un nouvel alinéa à l’article 57 du CGI et rend opposable la documentation fournie par les entreprises sur leur méthode de détermination des prix de transfert. De ce fait, elle instaure une présomption de transfert indirect de bénéfices en cas d’écart entre les prix de transfert effectués et ceux qui auraient été atteints en cas de respect de leur documentation fournie à l’administration fiscale. Est prévue aussi une baisse du seuil exigeant une documentation sur la politique de prix de transfert des entreprises (150 millions d’euros de CA au lieu de 400 millions). Cette obligation générale est prévue à l’article L. 13 AA du LPF. Enfin, le contrôle des valorisations d’actifs incorporels transférés hors de France peut désormais être effectué grâce à des éléments factuels postérieurs à la transaction. 

  • Fiscalité patrimoniale

Modification de l’abattement pour les transmissions de fonds  (article 22 LF) :

En cas de cession ou de donation aux salariés ou aux membres de la famille du cédant de fonds artisanaux, fonds de commerce, fonds agricoles et de clientèle, la LF modifie le montant de l’abattement sur les droits d’enregistrement et sur les droits de mutation à titre gratuit, passant de 300 000€ à 500 000€.  

Précisions sur le Pacte-Dutreil (article 23 LF) :

  • L’administration fiscale octroyait le bénéfice de l’article 787 B du CGI, aux activités commerciales, industrielles, artisanales, agricoles et libérales exercées de manière “prépondérante” par les entreprises. La LF de 2024 admet légalement leur éligibilité si elles sont exercées “à titre principal”. 
  • La LF précise que ne sont éligibles que les activités commerciales au sens des articles 34 et 35 du CGI à l’exception de “toute activité de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier” pour mettre fin aux débats jurisprudentiels de l’année 2023, qui portaient sur l’éligibilité ou non des activités de location meublée ou équipée. Dès lors, l’activité de location de locaux commerciaux et industriels équipés et de locaux meublés à usage d’habitation, sont explicitement exclus contrairement aux positions récentes : Cass. Com. 01/06/2023 n°22-15.152, Cass. Com. 21/06/2023 n°21-18.226 et CE- 8e et 3e ch. 29/09/2023, 473972.
  • Elle adopte également ce qui n’était jusqu’à lors qu’une tolérance administrative, l’éligibilité des holdings animatrices de leur groupe dès lors qu’elles répondent aux conditions posées par la jurisprudence (activité principale d’animation). 

La LF précise que ces modifications sont applicables aux transmissions à compter du 17 octobre 2023. 

Aménagement de certaines règles de l’IFI (article 27 LF) :

La valeur des parts et actions représentatives de biens ou de droits immobiliers est imposable à l’IFI. Pour déterminer la valeur vénale des titres correspondant à ces biens et droits, certaines dettes ne sont pas prises en compte. En effet, la LF pour 2024 exclut désormais les dettes contractées directement ou indirectement par un organisme ou une société qui ne sont pas afférentes à un actif immobilier imposable. Cela ne doit pas avoir pour conséquence de porter la valeur des parts et actions imposables à l’IFI à un montant supérieur à celui de la valeur vénale de ces parts. 

La LF pour 2024 a pour but de lutter contre les stratégies qui ne sont pas immobilières, mais qui réduisent la valeur des sociétés. 

  • Contentieux et contrôle fiscaux

Nouvelle modalité de réalisation des vérifications de comptabilité (article 117 LF) :

La LF modifie l’article L.13 A du LPF pour faire face aux comportements agressifs ou menaçants des contribuables. Elle consacre la possibilité par un commun accord entre l’administration et l’entreprise vérifiée, qu’un contrôle puisse se réaliser dans tout autre lieu que les locaux de l’entreprise. À défaut d’accord, l’administration pourra poursuivre la vérification dans ses locaux. 

Le délit de mise à disposition d’instruments de facilitation de la fraude fiscale (article 113 LF) :

L’article 1744 nouveau du CGI prévoit 3 ans d’emprisonnement et une amende de 250 000€ en cas de mise à disposition (gratuite ou onéreuse) de moyens permettant à un tiers de se soustraire frauduleusement à l’impôt. L’article précise les moyens, services, actes et instruments visés. Les personnes physiques coupables de ce délit pourront être aussi sanctionnées pénalement au titre du délit de fraude fiscale. Les personnes morales sont également concernées par cette mesure. 

Charline BLIAULT, Lorène ROCH, Master 2 Droit des Affaires et Fiscalité

Sources : 

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