Loi du 27 juillet 2023 : mieux réprimer les squats.

Voici l’objectif qui a été introduit par la loi du 27 juillet 2023. En effet, la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 résulte d’une proposition portée par le député Guillaume Kasbarian le 18 octobre 2022. Le texte de loi a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 2 décembre 2022, étudié ensuite par le Sénat le 2 février 2023 qui est venu lui apporter des modifications. Ainsi, elle a été adoptée le 4 avril 2023 par les députés et le 14 juin 2023 par les sénateurs. Elle a été promulguée le 27 juillet 2023, déposée au journal officiel le 28 juillet 2023 et est entrée en vigueur le 29 juillet 2023.

La loi dite « anti-squat » vise à protéger les logements contre l’occupation illicite. Pour ce faire, elle est divisée en 3 chapitres : 

  • Chapitre 1er : « Mieux réprimer le squat »
  • Chapitre second : « Sécuriser les rapports locatifs »
  • Chapitre 3 « Renforcer l’accompagnement des locataires en difficultés » 

Seul le chapitre 1 fera l’objet d’une analyse dans le cas présent.

Afin de déterminer le régime applicable, il convient de faire une distinction entre :

  • Les squatteurs sont ceux qui se sont introduits dans un local « à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contraintes ». Ainsi, ils ne disposent pas de bail, leur entrée dans le local est forcée.
  • Les locataires défaillants sont ceux qui méconnaissent les obligations contractuelles (paiement d’un loyer) qui découlent du bail. 

Ces deux situations constituent une occupation illicite.

Les dispositions en vigueur antérieurement à la loi Kasbarian

La protection de la propriété est inscrite dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, ainsi il s’agit d’un principe fondamental de la République. De ce fait, les diverses atteintes portées à ce droit doivent être sanctionnées. Il est ainsi question du squat, bien que son régime juridique ait connu pendant longtemps des fragilités, on observe depuis les années 1990 un renforcement de la lutte contre le squat : 

  • Dès 1994, étaient réprimés par l’article 226-4 du Code Pénal l’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui : « L’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d’un an d’emprisonnement et de 100 000 F d’amende. ». 
  • Il a fallu attendre 2015 pour voir un second alinéa apparaître sous cet article réprimant le maintien dans le domicile d’autrui. 
  • Ainsi en raison de la dualité de l’infraction, cette dernière est un délit continu. 
  • En 2007, fut créée une procédure accélérée d’expulsion des squatteurs. En effet, la Loi dite “Dalo” en son article 38 ouvre la possibilité au propriétaire ou locataire d’un logement occupé, avec une plainte préalable, de demander au service préfectoral d’effectuer une expulsion. Pour ce faire, le préfet met en demeure l’occupant frauduleux de quitter le logement dans un délai imparti. En cas d’inexécution, le préfet peut effectuer l’expulsion. Cette procédure a pour particularité de ne pas recourir au juge.
  • Le dispositif a ensuite été renforcé par la loi du 7 décembre 2020, loi Asap. En découle que le préfet doit rendre sa décision dans un délai de 48h. Il doit également motiver sa décision en cas de refus et la communiquer au requérant. Ainsi, l’évolution de l’article 38 de la loi Dalo a permis des avancées dans un nombre conséquent de cas. 

Par exemple, en Ile de France, au 26 mai 2021, sur 52 procédures demandées aux préfets depuis le 1er janvier 2021, 32 dossiers ont été traités (soit avec une évacuation accordée ou alors une orientation vers la justice) contre 20 dossiers qui étaient en instance de traitement (Source : direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages).

Cependant, malgré cette évolution, il restait des problèmes d’application. Ainsi des précisions devaient être apportées pour améliorer l’application de ce dispositif. Parmi les difficultés, on observait notamment celle résultant de l’application jurisprudentielle restrictive de la notion de domicile. 

Pour pallier à l’enjeu de la lutte contre les squats, ce n’est pas moins d’une quinzaine de propositions de loi qui ont été déposées depuis 2020. 

Les nouveautés introduites concernant le squat par la loi du 27 juillet 2023.

Les deux nouvelles incriminations :

Concernant la répression du squat et l’occupation illicite, la loi Kasbarian crée deux nouvelles infractions : 

Article 315-1 du Code Pénal : « L’introduction dans un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte, hors les cas où la loi le permet, est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
Le maintien dans le local à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines. »

Ce délit vient alors sanctionner le squat de toutes propriétés immobilières et non plus seulement les domiciles comme le prévoit l’article 226-4 du Code pénal. On remarque également une séparation d’actions dans l’action même du squat : 

  • Tout d’abord est sanctionné le fait de s’introduire dans un local à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
  • La seconde action sanctionnée par cet article est le maintien dans le local.

Article 315-2 du Code Pénal : « Le maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois est puni de 7 500 euros d’amende.

Le présent article n’est pas applicable lorsque l’occupant bénéficie des dispositions de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, lorsque le juge de l’exécution est saisi sur le fondement de l’article L. 412-3 du même code, jusqu’à la décision rejetant la demande ou jusqu’à l’expiration des délais accordés par le juge à l’occupant, ou lorsque le logement appartient à un bailleur social ou à une personne morale de droit public. »

Ce délit vise ainsi les locataires en situation d’impayés de loyer qui sont restés dans le logement à l’issue d’un jugement d’expulsion devenu définitif. Mais, sont également concernés les squatteurs qui voient opposer à leur encontre une décision d’expulsion.

Le durcissement des sanctions en cas d’occupation illicite :

La loi du 27 juillet 2023 vient apporter une modification des sanctions en les augmentant. Cette augmentation vise notamment un essai de dissuasion des squatteurs ou locataires défaillants. 

En effet, on remarque à ce titre que la loi accroît les sanctions en cas de squat d’un logement (violation de domicile) les passant d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. 

Au même titre, est puni de 3 750 euros d’amende le fait de faire de la propagande ou de la publicité en faveur d’un squat ou d’une occupation illicite d’un logement. (Article 226-4-2-1 du Code Pénal : « La propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de méthodes visant à faciliter ou à inciter à la commission des délits prévus aux articles 226-4 et 315-1 est punie de 3 750 euros d’amende. »

La loi Kasbarian accroît également les sanctions de l’article 313-6-1 du Code pénal qui vient réprimer « Le fait de mettre à disposition d’un tiers, en vue qu’il y établisse son habitation moyennant le versement d’une contribution ou la fourniture de tout avantage en nature, un bien immobilier appartenant à autrui, sans être en mesure de justifier de l’autorisation du propriétaire ou de celle du titulaire du droit d’usage de ce bien ». Ainsi la sanction passe d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

Master 2 Justice, Procès, Procédures, Marie Lemenorel

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