L’obligation fiscale limitée et illimitée 

L’article 4 A du Code général des impôts énonce que « Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus.

Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ». 

Conformément à cet article, les dispositions relatives à l’imposition sur le revenu en France reposent sur le critère du domicile fiscal. Ainsi, les individus ayant leur domicile fiscal en France sont assujettis à l’impôt sur le revenu pour l’ensemble de leurs revenus : on dit qu’ils sont soumis à une obligation fiscale illimitée. En revanche, ceux dont le domicile fiscal est situé à l’étranger ne sont soumis à cet impôt que pour leurs revenus de source française : ils sont donc soumis à une obligation fiscale limitée

La notion de domicile fiscal :

La notion de domicile fiscal est fondamentale dans la mesure où elle influe directement sur la nature et l’étendue de la fiscalité applicable à un contribuable. L’article 4 B du Code général des impôts offre une définition précise du domicile fiscal en disposant que : « Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 A :

  • Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ;
  • Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ;
  • Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques.

Sont également considérés comme ayant leur domicile fiscal en France les agents de l’Etat qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l’ensemble de leurs revenus. »

Ces divers critères revêtent un caractère alternatif, signifiant que la satisfaction de l’un d’entre eux sur le territoire français suffit à conférer au contribuable le statut de domicilié fiscal. De plus, aucune hiérarchie n’existe entre eux. 

  • Le critère du foyer et du lieu de séjour principal : les critères d’ordre personnel

La notion de foyer désigne l’endroit où le contribuable réside habituellement et concentre les principaux aspects de sa vie familiale. 

Le critère du lieu de séjour principal est satisfait dans l’hypothèse où le contribuable séjourne effectivement en France de manière principale, indépendamment du lieu où se trouve sa famille. En règle générale, le séjour sur le territoire est considéré comme principal lorsque le contribuable a passé plus de 6 mois en France. Toutefois, même si le séjour est inférieur à cette période de 6 mois, il peut être considéré comme principal s’il dépasse la durée des séjours effectués à l’étranger : ce critère n’est donc pas absolu.

La jurisprudence dégage un ordre d’examen des critères d’ordre personnel. En effet, le foyer prime sur la durée du séjour, en conséquence, le lieu de séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l’hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer. 

Cet enseignement est tiré de l’arrêt Larcher rendu par le Conseil d’État le 3 novembre 1995. Il ressort de cette décision que le foyer s’entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu’il soit tenu compte des séjours effectués temporairement à l’étranger, pour des raisons professionnelles ou dans des circonstances exceptionnelles (tel est le cas pour un membre de la famille malade). 

En conséquence, le lieu du séjour principal du contribuable ne peut permettre la détermination de son domicile fiscal que dans l’hypothèse où il ne dispose pas de foyer.

  • Le critère de l’activité professionnelle : le critère d’ordre professionnel 

Les individus qui exercent une activité professionnelle de façon régulière et effective en France sont considérés comme domiciliés en France, que ce soit en tant que salarié ou travailleur indépendant, sauf s’ils sont en mesure d’apporter la preuve que cette activité est secondaire. Lorsque des contribuables travaillent à la fois en France et à l’étranger, c’est la durée des missions effectuées en France qui est prise en compte pour déterminer le domicile fiscal. 

  • Le critère du centre des intérêts économiques : le critère d’ordre économique 

Le centre des intérêts économiques correspond à l’endroit où le contribuable a effectué ses investissements principaux, où il a établi le siège de ses activités, ou d’où il administre ses biens. En cas de diversité d’activités ou d’investissements, le critère du revenu sera retenu par les juges. En d’autres termes, si la majeure partie des revenus de l’individu provient d’une source française, le contribuable sera considéré comme domicilié fiscalement en France.

Le cas particulier des salariés expatriés

En vertu de l’article 81 A I “Les traitements et salaires perçus en rémunération de leur activité à l’étranger par des personnes de nationalité française qui ont leur domicile fiscal en France et qui sont envoyées à l’étranger par un employeur établi en France, ne sont pas soumis à l’impôt lorsque le contribuable justifie que les rémunérations en cause ont été effectivement soumises à un impôt sur le revenu dans l’Etat où s’exerce son activité et que cet impôt est au moins égal aux deux tiers de celui qu’il aurait à supporter en France sur la même base d’imposition”.

En vertu de cette disposition, les salaires sont exonérés en France si le contribuable peut prouver que ses salaires ont été soumis à l’impôt sur le revenu dans l’État où il exerce son activité, et que cet impôt est au moins égal aux deux tiers de celui qu’il aurait dû payer en France, sur la même base d’imposition.

Pour effectuer cette comparaison, les salaires du contribuable à l’étranger sont pris en compte pour calculer l’impôt théorique, soit l’impôt que le redevable aurait dû payer en France si ses salaires étaient imposables dans le pays. Cette comparaison permet de déterminer si l’impôt payé à l’étranger satisfait aux critères d’exonération en France. Il convient de préciser que ce régime ne s’applique pas de droit mais uniquement sur réclamation de l’intéressé.

L’imposition des contribuables soumis à une obligation fiscale illimitée : 

Tout d’abord, il convient de souligner que l’imposition ne dépend pas du lieu où les revenus sont effectivement rapatriés. L’ensemble des revenus disponibles, même s’ils demeurent à l’étranger, sont pris en compte dans le calcul de l’impôt en France. 

Ainsi, le simple fait d’encaisser un revenu à l’étranger sans le rapatrier sur le territoire national n’affecte en rien son assujettissement à l’impôt français.

Par ailleurs, conformément au droit commun, la détermination du revenu imposable en France se fonde sur les revenus nets. Cela implique la déduction de toutes les charges encourues pour la génération de ces revenus, y compris celles supportées à l’étranger.

Il est fréquent que les revenus provenant de sources étrangères soient également assujettis à l’impôt dans le pays d’origine. Il est important de noter que le droit français n’accorde pas de crédit d’impôt de droit pour les impositions étrangères. Pour qu’un tel mécanisme  puisse s’appliquer, il est nécessaire d’appliquer une convention fiscale internationale prévoyant spécifiquement cette modalité. Pour un résident français soumis à une obligation fiscale illimitée, si aucune convention ne s’applique, cela peut entraîner une double imposition sur un même revenu. 

Afin de prévenir ces phénomènes, les pays concernés ont très souvent recours à des conventions fiscales. Ces accords bilatéraux tendent à répartir le droit d’imposer entre les deux États concernés ou à envisager la faculté d’octroyer un crédit d’impôt permettant au contribuable de déduire l’impôt déjà acquitté à l’étranger. 

L’imposition des contribuables soumis à une obligation fiscale limitée :

Lorsqu’une personne ne peut être considérée comme fiscalement domiciliée au regard des critères précités, son obligation fiscale en France sera limitée à ses revenus de source française. L’article 197 A du Code général des impôts prévoit les modalités d’imposition de ces contribuables. 

Sont considérés comme revenus de source française au sens de l’article 164 B du Code général des impôts : 

  • Les revenus d’immeubles situés  en France ou les droits relatifs à ces immeubles ;
  • Les revenus de valeurs mobilières françaises et de tous autres capitaux mobiliers placés en France ;
  • Les revenus d’exploitations situés en France ;
  • Les revenus tirés d’activités professionnelles, salariées ou non, exercées en France ou d’opérations de caractère lucratif au sens de l’article 92 et réalisées en France ;
  • Les profits tirés d’opérations définies à l’article 35, lorsqu’ils sont relatifs à des fonds de commerce exploités en France ainsi qu’à des immeubles situés en France, à des droits immobiliers s’y rapportant ou à des actions et parts de sociétés non cotées en bourse dont l’actif est constitué principalement par de tels biens et droits ;
  • Les sommes, y compris les salaires, payées à compter du 1er janvier 1990, correspondant à des prestations artistiques ou sportives fournies ou utilisées en France.

L’impôt sur le revenu des non-résidents est calculé selon les règles de droit commun, à savoir l’utilisation du barème progressif et des règles du quotient familial, ce dernier prenant en compte le conjoint et les enfants du contribuable.

Cependant, les personnes non domiciliées fiscalement en France subissent un traitement plus sévère en ce qui concerne les charges déductibles du revenu global. En effet, l’article 164 A du Code général des impôts énonce qu’ « aucune des charges déductibles du revenu global en application des dispositions du présent code ne peut être déduite ». Ces derniers ne pourront donc déduire les éventuelles dépenses d’hébergement de la famille majeure, les pensions alimentaires ou encore les versements sur un plan d’épargne retraite. De surcroît, ils ne pourront bénéficier de réduction et de crédit d’impôt.

En dernier lieu, les individus résidant fiscalement en dehors de la France sont soumis à des règles particulières concernant le taux d’impôt appliqué. En effet, celui-ci doit être d’au moins 20%. Cette disposition vise à prendre en compte le fait que le contribuable perçoit également des revenus à l’étranger, bien qu’il soit imposé en France uniquement sur ses revenus de source française. L’article 197 A du CGI permet au contribuable d’échapper à ce taux minimum en justifiant que le taux moyen de l’impôt résultant de l’application du barème progressif à l’ensemble de ses revenus de sources française et étrangère serait inférieur à ce taux minimum. C’est alors ce taux réel qui sera appliqué à ses seuls revenus de source française.

Les “non-résidents Schumacker“ :

Le 14 février 1995, la Cour de justice de l’Union européenne a condamné les discriminations basées sur la résidence fiscale des contribuables, au sein de l’arrêt Schumacker.

En l’espèce, Monsieur Schumacker, établi en Belgique avec sa famille, a exercé une activité professionnelle en Allemagne, tandis que son épouse bénéficiait d’allocations chômage en Belgique. Conformément à la convention fiscale entre la Belgique et l’Allemagne, les revenus salariaux de Monsieur Schumacker sont soumis à l’imposition en Allemagne. 

Dans le système fiscal allemand, les modalités d’imposition varient selon le lieu de résidence : les résidents sont imposés sur l’ensemble de leurs revenus, tandis que les non-résidents ne sont imposés que sur leurs revenus de source allemande. Les couples mariés résidant en Allemagne bénéficient de certains avantages fiscaux, tels que le régime du « Splitting », qui vise à répartir les revenus du ménage pour atténuer la charge fiscale. De plus, les contribuables entièrement assujettis à l’impôt bénéficient de régularisations annuelles et de déductions fiscales avantageuses. En revanche, ceux partiellement assujettis à l’impôt n’en bénéficient pas. Monsieur Schumacker a sollicité l’application du régime du « Splitting » ainsi que le remboursement de l’excédent d’impôt retenu à la source. Cette demande a soulevé la question de savoir si une telle réglementation discriminatoire en matière fiscale était conforme au principe de non-discrimination inscrit dans les traités européens, notamment à l’article 48 du Traité CEE.

La Cour de justice des Communautés européennes indique que l’article 48 du traité CEE limite le droit d’un pays à imposer les travailleurs étrangers exerçant un emploi sur son territoire. Selon cette disposition, un pays ne peut pas traiter moins favorablement un travailleur étranger résidant dans un autre pays par rapport à un travailleur national dans une situation similaire.

Les juges ajoutent que l’article 48 empêche un pays d’appliquer certaines procédures fiscales, comme la régularisation annuelle des impôts sur les salaires, uniquement aux résidents, en excluant les travailleurs non résidents percevant des salaires dans ce pays.

En conséquence, l’Administration fiscale française a modifié les modalités d’imposition de certains non-résidents si trois conditions cumulatives sont remplies.

La première condition exige que les non-résidents soient domiciliés dans un État membre de l’Union Européenne, ou dans un État de l’Espace Économique Européen ayant conclu une convention fiscale avec la France. Il est à noter que la Suisse, bien que ne faisant pas partie de l’Espace Économique Européen remplit cette condition. La deuxième condition impose que les revenus de source française du contribuable représentent au moins 75% de ses revenus mondiaux imposables. Enfin, la dernière condition précise que l’intéressé ne doit pas bénéficier d’avantages fiscaux dans son pays de résidence en raison de la faiblesse de ses revenus.

Si ces conditions sont remplies, ces contribuables, bien que non fiscalement domiciliés en France, seront soumis aux mêmes règles d’imposition que s’ils étaient résidents français. Ils auront la possibilité de bénéficier des conditions générales de déduction des charges du revenu global, des réductions et des crédits d’impôts en France. De plus, le taux minimum d’imposition de 20% ne leur sera pas applicable.

La retenue à la source spécifique des non-résidents

L’article 182 A du CGI prévoit que les traitements, salaires, pensions et rentes viagères, de source française, servis à des personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France donnent lieu à l’application d’une retenue à la source.

La base de cette retenue est constituée par le montant net des sommes versées, déterminé conformément aux règles applicables en matière d’impôt sur le revenu, à l’exclusion de celles qui prévoient la déduction des frais professionnels réels. Il est en effet impossible d’opter pour un calcul selon les frais réels. 

L’article 182 A III, dans sa version en vigueur depuis le 3 juin 2023, poursuit en énonçant que  “ La retenue est calculée, selon un tarif correspondant à une durée d’un an, en appliquant à la fraction des sommes soumises à retenue qui excède 16 050 € le taux de :

a) 12 % pour la fraction supérieure à 16 050 € et inférieure ou égale à 46 557 € ;

b) 20 % pour la fraction supérieure à 46 557 €.”

À noter que chacune des limites des tranches du tarif prévu au III est révisée chaque année.

Fadwa SAIDI, Master 2 Droit des affaires et fiscalité

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