Création d’un pôle spécialisé dans la lutte contre les violences intrafamiliales

Le lundi 6 mars 2023, Elisabeth Borne annonce la création de « pôles spécialisés » dans la lutte contre les violences intrafamiliales dans les 164 tribunaux et les 36 cours d’appels. 

C’est chose faite, le décret n° 2023-1077 du 23 novembre 2023 instituant des pôles spécialisés en matière de violences intrafamiliales au sein des tribunaux judiciaires et des cours d’appel est entré en vigueur le 1er janvier 2024. 

Ce nouveau pôle n’est pas une nouvelle juridiction mais un espace de coordination. 

  1. Pourquoi avoir créé ce pôle ? 

Il y avait urgence à créer ce pôle. En effet, les violences intrafamiliales constituent un « contentieux de masse » avec 49 616 condamnations en 2022 soit une augmentation de 123% par rapport à 2017. 

En 2022, d’après une étude du SSMSI, les services de police et de gendarmerie ont enregistré 244 301 victimes de violences commises par leur partenaire ou ex-partenaire en 2022 soit une augmentation de 15% par rapport à 2021 : 66% concernent les violences physiques, 30% les violences verbales ou psychologiques et 4% les violences sexuelles. 

Les violences intrafamiliales représentent une difficulté majeure pour le système judiciaire français car elles font intervenir une multitude d’acteurs : plusieurs juges (notamment le juge des enfants, le juge aux affaires familiales et le juge des libertés et de la détention), des avocats, des associations d’aides aux victimes, des services pénitentiaires d’insertion et de probation, des soignants etc… De ce fait, chacun de ces acteurs ne relaie pas forcément les informations aux magistrats et certaines informations très importantes peuvent donc leur échapper. 

  1. Composition du pôle 

Il est composé de magistrats du siège et du parquet ainsi que de directeurs des services de greffe judiciaire, de greffiers, de juristes assistants et d’agents contractuels de catégorie A. 

Un magistrat du siège et un magistrat du parquet doivent coordonner les activités du pôle. Ils sont désignés respectivement par le président du tribunal judiciaire et le procureur de la République près cette juridiction, après avis respectivement de l’assemblée générale des magistrats du siège et de l’assemblée générale des magistrats du parquet. 

Un comité de pilotage de la lutte contre les violences intrafamiliales est placé auprès du pôle. Il est coprésidé par le président du tribunal judiciaire et le procureur de la République. En cas d’absence ou d’empêchement, ce comité est présidé par les magistrats coordonnateurs. Il doit se réunir au moins 1 fois par an. 

  1. Les objectifs de ce pôle

Ces pôles vont tout d’abord permettre de mieux coordonner les décisions des juges et de faire circuler de manière plus rapide les informations entre les différents acteurs concernés par les violences intrafamiliales : juges, avocats, associations d’aide aux victimes, soignants etc… Ces pôles vont donc permettre un meilleur partage des informations notamment sur les mesures de protection mises en place pour les victimes, les dates d’audiences etc… et une plus grande articulation entre les procédures civiles et procédures pénales engagées à l’encontre des conjoints ou parents violents. 

Par exemple, souvent, les procédures civiles et pénales sont cloisonnées. Une même victime sera amenée à rencontrer plusieurs magistrats. Ainsi, grâce à ce pôle, chacun des magistrats va pouvoir connaître les mesures prises sur une même situation. 

Un autre objectif est de renforcer la formation des professionnels aux violences intrafamiliales. 

  1. La création d’un nouveau pôle s’inscrivant dans une série de mesures destinées à mieux protéger les victimes de violences intra-familiales
  • L’ordonnance de protection 

Elle permet aux juges aux affaires familiales d’assurer dans l’urgence la protection de victimes de violences conjugales ou intrafamiliales. 

Désormais, le délai maximal pour obtenir une ordonnance de protection est de 6 jours contre 42 jours auparavant. 

Le nombre d’ordonnances délivrées par le JAF est en constante augmentation depuis 2017 : 3586 ordonnances délivrées en 2022 contre 1392 en 2017. 

  • Le téléphone grave danger (TGD)

Ce téléphone permet de déclencher en urgence l’intervention des forces de sécurité grâce à un système de géolocalisation déclenché par la victime qui se trouve en situation de danger. 

Ce téléphone est octroyé par le procureur de la République.

Encore une fois, le nombre de TGD ne cesse d’augmenter : 

  • 300 en 2019
  • 727 en 2020
  • 3556 en 2022

Le nombre d’alarmes déclenchées pour demander une intervention des services de police/gendarmerie a augmenté de 107% : 

  • 1185 en 2020
  • 2455 en 2022

  • Le bracelet anti-rapprochement 

Le bracelet anti-rapprochement est un dispositif de géolocalisation simultané de la victime et de l’auteur des violences. Il déclenche automatiquement une intervention des forces de sécurité lorsque le porteur du bracelet ne respecte pas la distance d’éloignement.

1850 victimes ont déjà bénéficié de cette protection. 

  • + de 1000 bracelets anti-rapprochement sont actifs sur le territoire national 
  • 3634 interventions des forces de sécurité ont été déclenchées en 2022 pour protéger les victimes. 

  • Une augmentation des condamnations et une plus grande efficacité de la réponse judiciaire

22 206 condamnations en 2017 contre 49 616 condamnations en 2022 soit une hausse de 123%.

La réponse judiciaire est également plus rapide : +225% de procédures rapides sur déferrement entre 2017 et 2022. 

  • Un budget en net augmentation 

Le budget a plus que doublé : 

  • 8 millions d’euros en 2020
  • 17,2 millions d’euros en 2024
  • 10,4 millions d’euros seront alloués aux bracelets anti-rapprochement en 2024

Clara Senez, Master 2 Justice, Procès, Procédures

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *