Droit douanier : Les difficultés posées par les biens à double usage

Qu’est-ce qu’un bien à double usage ?

Les biens à double usage sont des biens matériels ou immatériels, technologies, équipements, connaissances ou savoir-faire utilisables dans un cadre civil comme militaire. Cela signifie qu’ils sont destinés à un usage domestique, et peuvent être détournés dans le but de développer des armes ou autre matériel militaire. En raison du caractère sensible de ces biens, ils font l’objet d’un contrôle de l’État afin de prévenir le détournement de leur usage légitime.

L’Union européenne a institué le règlement 2021/821 afin de contrôler les flux des biens à double usage, dans le but de limiter leur présence sur le territoire européen. Ce règlement répond à la résolution 1540 prise par l’ONU, qui correspond à la lutte contre la profusion d’armes dans le monde.

Ledit règlement répertorie les biens concernés dans son annexe I, et les classe en 10 catégories, qui sont les suivantes :

Catégorie 0 : Matières, installations et équipements nucléaires 

Catégorie 1 : Matières spéciales et équipements apparentés 

Catégorie 2 : Traitement des matériaux 

Catégorie 3 : Électronique 

Catégorie 4 : Calculateurs

Catégorie 5 : Télécommunications et « sécurité de l’information »

Catégorie 6 : Capteurs et lasers

Catégorie 7 : Navigation et aéro-électronique  

Catégorie 8 : Marine 

Catégorie 9 : Aérospatiale et propulsion

L’évaluation des risques

L’évaluation des risques est clé dans ce domaine pour les autorités en charge du contrôle de ces objets, car il faut premièrement identifier les biens à double usage, puis étudier les utilisations potentielles qui peuvent en découler. C’est une première difficulté.

Il faut ensuite ériger un classement en fonction de leur sensibilité et dangerosité, car c’est une question de sécurité nationale et d’ordre public. Il est aussi nécessaire d’identifier les différents acteurs qui pourraient en faire usage et le cadre.

Cependant, l’apport économique des biens à double usage n’est pas négligeable, en considérant que dans le cadre de leur utilisation civile, ce sont des technologies en rapport avec l’innovation technologique et industrielle. Interdire leur exportation aurait alors de mauvaises retombées économiques.

Une garantie de la sécurité difficile

Les contrôles autour des biens à double usage sont très restrictifs dès lors qu’il est difficile de garantir qu’ils ne se retrouveront pas entre de mauvaises mains ou qu’ils ne seront pas détournés pour un usage belliqueux. En effet, un virus qui existe à l’état naturel dans un laboratoire peut devenir une arme biochimique, ou alors un équipement destiné à produire de l’énergie peut devenir une arme nucléaire.

Ainsi, les groupes criminels peuvent chercher à s’en procurer afin de contourner les contrôles de sécurité et créer des armes nucléaires, chimiques, biologiques ou encore des missiles. Cela pourrait mener à une instabilité régionale, accroissant l’instabilité politique dans les zones de conflits, mais aussi conduire à l’intensification des affrontements armés.

Il a également été établi que les biens à double usage peuvent être utilisés à des fins cybernétiques telles que la surveillance, les attaques informatiques ou encore l’interception des données, mais qu’ils peuvent aussi porter atteinte aux droits de l’Homme selon leur utilisation. Le Parlement européen a donc travaillé afin que l’impact des biens à double usage sur les droits de l’Homme soit moindre, substituant le règlement de 2021 au règlement 489/2009.

L’organisation du contrôle et sa mise en œuvre  

Une liste des biens à double usage est dressée et est régulièrement mise à jour afin d’aider les autorités compétentes à les contrôler. En effet, l’exportation de ces objets nécessite une autorisation délivrée par le biais d’une licence. Le Service des biens à double usage (SBDU) créé en 2010, a une autorité de classement des licences et administre la réception des demandes de licence pour les délivrer. Les demandes de licence concernant les biens à double usage les plus sensibles observent une délibération de la Commission interministérielle des biens à double usage (CIBDU), présidée par un représentant du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Lors de leur sortie du territoire, ces objets seront contrôlés par la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), et leur licence au même titre. 

Malgré la liste des biens à double usage, il y a une clause dite « attrape-tout » qui permet de soumettre à une autorisation préalable l’exportation de technologies qui ne sont pas listées parmi les biens à double-usage. Cela permet d’engager la vigilance de l’exportateur, ainsi que les autres opérateurs impliqués. Cela renforce les flux d’informations échangées entre les différents Etats.

Le rôle essentiel de la coopération internationale 

En raison de la possibilité d’importation et d’exportation, la coopération internationale est essentielle afin d’effectuer un suivi continuel des mouvements des biens à double usage. De ce fait, ont été créés divers arrangements et groupes, dans le but de garantir le contrôle qu’exige ces objets dans le cadre international, dont :

L’arrangement de Wassenaar créé en 1996 : ce sont 42 États qui se mobilisent afin d’encourager « la transparence et une responsabilité accrue dans les transferts d’armes conventionnelles et de biens et technologies à double usage, afin de prévenir les accumulations déstabilisantes d’armement ». 

Le groupe des fournisseurs nucléaires qui a été créé en 1978 et rassemble 48 États fournisseurs d’articles nucléaires. Ces États parties s’évertuent à contribuer à la non-prolifération des armes nucléaires, par le biais de directives qui indiquent « les ensembles de conditions de fournitures applicables aux transferts d’articles nucléaires à des fins pacifiques ».

Le groupe Australie, lequel réunit 41 pays exportateurs de biens à double usage, dont les États membres de l’Union européenne. Ce groupe établit des listes de biens à double usage qui feront l’objet de contrôle à l’exportation ainsi que des lignes directrices qui permettent d’harmoniser les politiques nationales des États membres afin de ne pas impacter les échanges économiques ou tout autres travaux menés.

La coopération internationale est également essentielle pour faire respecter les restrictions liées aux embargos et éviter l’importation ou exportation des biens à double usage dans des régions touchées par les conflits armés.

DENDELE Medline.

  Master 1 Droit international, Douanes et Transport

Pour aller plus loin : 

https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/entreprises/biens-a-double-usage/le-sbdu/rap-2023-sbdu.pdf
https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/securite-desarmement-et-non-proliferation/desarmement-et-non-proliferation/commerce-transport-et-exportations-d-armes-et-materiels-sensibles/article/controle-des-biens-et-technologies-sensibles-a-double-usage
https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20201105IPR90915/biens-a-double-usage-accord-sur-de-nouvelles-regles-d-exportation-europeennes

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