Protection des consommateurs : la loi sur les influenceurs du 9 juin 2023

I. L’émergence des métiers de l’influence et ses impacts sur les consommateurs

  • L’émergence 

Avant l’introduction de cette loi, l’activité d’influence n’apparaissait pas dans le champ législatif. Les métiers de l’influence n’avaient pas de régime légal propre. C’est ainsi que les juges appliquaient à cette activité le régime applicable aux métiers du mannequinat. 

Face à la croissance exponentielle des réseaux sociaux ces dernières années, des personnes en ont fait leur métier, à l’instar des influenceurs. L’encadrement légal de cette profession est devenu indispensable. En effet, les métiers de l’influence soulèvent de nombreuses problématiques économiques, sociales et juridiques. C’est notamment durant la période du Covid-19 que cette activité fut considérablement croissante.

Des enseignes très réputées font de plus en plus appel à ces personnes suivies par plusieurs milliers voire millions de consommateurs dans le cadre de leur communication, notamment lors de grands événements internationaux.  

Si le régime légal encadrant la publicité et le Code de la consommation s’appliquent naturellement aux pratiques des influenceurs, cela n’a pas empêché les nombreuses dérives qui ont été constatées ces dernières années (escroquerie, vol, évasion fiscale, santé publique…). Plusieurs influenceurs ont déjà été condamnés pour escroquerie.

  • Problématiques

Les consommateurs étant parfois précaires et souvent très jeunes, la tentation est grande pour eux lorsqu’une personne ayant une certaine notoriété fait la promotion d’un produit ou d’un service en affichant des prix excessivement bas en contrepartie.

En France, de nombreux influenceurs ne respectaient pas les règles protectrices du droit de la consommation. Certains ont trompé des consommateurs sur les produits vendus en leur faisant croire que leurs produits possédaient certaines propriétés alors que tel n’était pas le cas (faux produits anti-covid, produits minceur…). D’autres ont fait la promotion de services, notamment dans le domaine des paris sportifs, en s’affranchissant des règles encadrant ce régime.  

La loi n°2023-451 du 9 juin 2023 à réagi face à ces pratiques. En son article 4 septièmement, elle dispose que : les communications commerciales par voie électronique, réalisées par les personnes exerçant les métiers de l’influence, relatives aux jeux d’argent et de hasard « sont autorisées uniquement sur les plateformes en ligne offrant la possibilité technique d’exclure de l’audience dudit contenu tous les utilisateurs âgés de moins de dix-huit ans. » 

Au surplus, certains influenceurs se sont livrés à des promotions de services dangereux auprès des consommateurs, alors que ceux-ci sont interdits, tels que : 

  • l’utilisation du compte de formation professionnelle (CPF) pour récupérer les fonds en espèces ou en nature, détournant ainsi les fonds dédiés à des formations professionnelles,
  • des pratiques de médecine esthétique par des vétérinaires ou par des non professionnels de santé. 

Avant l’adoption de la loi, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) s’était initiée à contrôler près de soixante influenceurs qui se livraient à la promotion de produits et services, tels que les injections esthétiques ou encore les services de trading ou de paris en ligne.

Cependant, cela était insuffisant pour encadrer ce nouveau phénomène de l’influence. L’intervention du législateur était devenue nécessaire. De nombreuses initiatives parlementaires ont émergé, mettant alors l’accent sur une problématique qui touche de plus en plus de consommateurs.

  • Définition

C’est en constatant les dérives présentes dans les métiers de l’influence et la vulnérabilité des consommateurs que le législateur a dû intervenir en introduisant un cadre légal à l’activité de l’influence par la loi n°2023-451 du 9 juin 2023.

Déposée à l’assemblée nationale le 31 janvier 2023 par les députés Arthur Delaporte et Stéphane Vojetta et après avoir trouvé un accord en commission mixte paritaire le 25 mai 2023, la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 fût adoptée à l’unanimité le 31 mai 2023.

Pour la première fois, le législateur définit l’activité d’influence. Cependant, le métier d’influenceur n’apparaît pas. Ainsi en son article 1er, la loi n°2023-451 énonce que « Les personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique. »

L’article énonce différentes conditions cumulatives : 

  • il doit s’agir tout d’abord d’une personne physique ou morale 
  • ayant une notoriété qu’elle mobilise auprès de son audience pour communiquer au public
  • afin de faire la promotion de biens ou de services de manière directe ou indirecte
  • qui le fait par voie électronique 
  • et à titre onéreux. 

Le critère fondamental est celui de la notoriété. En effet, la notoriété s’entend comme le fait d’être connu avantageusement. Sa détermination s’apprécie en fonction du nombre de personnes abonnées ou avec le chiffre moyen de mentions “like” obtenues.

On remarquera que le législateur a bien précisé “par voie électronique”, ce qui laisse à penser que ces pratiques sont admises en dehors des réseaux numériques. Par conséquent, ces pratiques ne seront pas condamnables sur le fondement de cette loi.

Au surplus, la loi ne précise pas non plus la nature du paiement, ainsi celui-ci peut correspondre à une contrepartie en nature, à un rabais ou une remise sur les produits promus. 

Peu de temps avant l’adoption de la loi n° 2023-451, le ministre de l’Economie et des finances Bruno Le Maire avait publié un guide de bonne conduite à destination des influenceurs et des créateurs de contenus. En son sein, on peut y retrouver une définition de l’influence similaire à celle donnée par la loi, cependant contrairement à la loi, le terme “influenceur” apparaît nettement. Le guide de bonne conduite se contente d’énoncer les droits et devoirs dont disposent les influenceurs, de plus il invite les praticiens de cette activité à se rendre responsables.

La loi dispose de 18 articles regroupés dans deux titres. Le premier titre, s’intéressant à la nature de l’activité d’influence commerciale par voie électronique et des obligations afférentes à son exercice, se divise en trois chapitres. 

Le deuxième chapitre de ce titre, traitant des dispositions spécifiques relatives à la promotion de biens et de services dans le cadre de l’activité d’influence commerciale par voie électronique, se subdivise en deux sections : l’une concernant les interdictions de promotions relatives à certains biens et services, l’autre impose des obligations d’informations afférentes à la promotion de certains biens et services.

In fine, le second titre s’intéressant à la régulation des contenus publiés par les personnes exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique et des actions de sensibilisation des jeunes publics, se divise en deux chapitres.

Nota bene : la loi s’intitule « loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux » mais ne donne pas de définition stricte de l’influenceur. Elle se limite à définir l’activité d’influence.

II. Les objectifs de la loi sur les influenceurs du 9 juin 2023

La croissance de l’audience des influenceurs et leur impact sur les consommateurs font d’eux des véritables instruments privilégiés pour la communication des entreprises. Cependant, les dérives des influenceurs n’ont cessé de se multiplier ces dernières années, laissant place à la nécessité de combattre les fraudes et de focaliser l’attention sur les dangers associés à l’utilisation des plateformes en ligne. 

Dans le cadre d’une enquête sur les pratiques commerciales des influenceurs, la DGCCRF a pu constater sur la soixantaine d’influenceurs qu’elle a ciblés depuis 2021, que 6 sur 10 ne respectent pas la réglementation sur la publicité et le droit de la consommation.

Pour cette raison, l’objectif de la loi du 9 juin 2023 est de réguler les métiers de l’influence et de contrer les abus des influenceurs sur la diffusion de contenus illégaux ou préjudiciables et de produits illégaux sur les plateformes sociales. Cette loi établit un cadre légal qui impacte significativement les méthodes des entreprises qui utilisent des influenceurs pour leur communication. De fait, un meilleur contrôle ainsi que des moyens efficaces pour protéger les consommateurs ont été mis en place.

La loi concerne non seulement les influenceurs mais aussi les agents d’influenceurs, les mineurs et les plateformes qui diffusent leurs contenus.

L’article 4 de la loi rappelle que les influenceurs doivent respecter le cadre légal sur la publicité et la promotion des biens et des services. De plus, pour que les fraudes s’estompent, elle interdit les publicités faisant la promotion :

  • de la chirurgie et la médecine esthétique ;
  • de certains produits et services financiers (notamment concernant les crypto-monnaies) ; 
  • de l’abstention thérapeutique ;
  • des sachets de nicotine (dont la vente sur internet se développe auprès des adolescents) ;
  • des abonnements à des conseils ou des pronostics sportifs, jeux d’argent…
  • impliquant des animaux n’appartenant pas à la liste mentionnée au I de l’article L. 413-1 A du Code de l’environnement.

L’article 6 de la loi prévoit également une obligation particulière pour les influenceurs exerçant une activité de dropshipping, c’est-à-dire « dont l’activité est limitée à la seule commercialisation de produits et qui ne prennent pas en charge la livraison de ces produits, celle-ci étant réalisée par le fournisseur ». C’est une habitude commune sur les réseaux sociaux, les influenceurs font la promotion d’un produit dit « révolutionnaire » et proposent un lien vers leur site internet pour l’acheter directement, avec souvent des remises très attractives. Mais la face cachée de ces habitudes se manifeste par le fait que les fournisseurs envoient les commandes aux acheteurs et les produits sont souvent de mauvaise qualité, ne répondant pas aux attentes et envoyés dans l’emballage demandé par l’influenceur.

Les dropshippers ont désormais une responsabilité légale envers les acheteurs, ce qui signifie qu’ils sont responsables de la livraison et de la réception correctes des produits. A défaut, ils seront soumis à l’octroi d’une indemnisation. Ces influenceurs sont effectivement des vendeurs et ont des responsabilités. 

Outre les informations obligatoires prévues à l’article L. 221-5 du Code de la consommation (relatives aux biens et au droit de rétractation), ils sont tenus de communiquer à l’acheteur l’identité du fournisseur et doivent s’assurer de la disponibilité du produit et sa légalité (pas de contrefaçon). La loi souligne une fois de plus l’importance de la transparence en ligne pour les consommateurs.

Les influenceurs devront faire apparaître de manière claire, lisible et identifiable et durant l’intégralité de la promotion la mention « publicité » ou « collaboration commerciale » sur leurs contenus publicitaires pour assurer une communication transparente avec les consommateurs. Par exemple, dans le cas d’une vidéo postée plusieurs fois en story, la mention “publicité » devra apparaître sur chaque story. De plus, les images ayant fait l’objet d’une modification par tous procédés de traitement d’image visant à affiner ou à épaissir la silhouette ou à modifier l’apparence du visage doivent être accompagnées de la mention : « images retouchées ». Celles ayant fait l’objet d’une production par tous procédés d’intelligence artificielle visant à représenter un visage ou une silhouette sont accompagnées de la mention : « images virtuelles », cela lors de l’intégralité du visionnage (article 5 de la loi).

Une responsabilité solidaire a été mise en place entre l’annonceur, l’influenceur et son agent en cas d’indemnisation des victimes éventuelles. On peut constater qu’elle impacte également l’agent (qui n’a par hypothèse aucune notoriété) et la plateforme, afin d’arriver aux objectifs voulus de manière plus efficace. En outre, la plateforme devra faire en sorte d’être plus attentive aux contenus qu’elle héberge. Dans les cas où l’influenceur n’est pas un résident français, mais qu’il vise un public français, cette loi lui est applicable. Pour éviter les risques potentiels, il est nécessaire que cet influenceur désigne par écrit un représentant légal personne physique ou morale au sein de l’Union européenne. Il sera l’interlocuteur des autorités administratives et judiciaires et devra garantir la conformité du contrat d’influence commerciale, ce qui signifie que le représentant engagera sa propre responsabilité si le contrat n’est pas conforme aux exigences légales.

Les influenceurs installés hors Union doivent souscrire une assurance civile auprès d’un assureur établi dans l’Union européenne afin de garantir les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile, néanmoins, cette obligation ne vise pas les influenceurs établis en France (article 9 de la loi).

Plusieurs associations de victimes de l’influence ou de protection des consommateurs vont être désignées comme signaleurs de confiance dans les prochains mois, ce qui renforce les obligations des plateformes en ligne (article 10), qui devront proposer un bouton pour signaler les contenus illicites, traiter en priorité les notifications des signaleurs de confiance et retirer au plus vite ces contenus. Les plateformes doivent prendre les mesures nécessaires pour faire suite aux injonctions émises par les autorités judiciaires ou administratives, par exemple supprimer les contenus ou suspendre les comptes (article 12 de la loi). 

L’activité d’agent d’influenceur consiste à mettre en relation les influenceurs et les marques. Ainsi, si l’influenceur respecte toutes les conditions de la définition d’activité commerciale d’influence, les agents ou les annonceurs devront désormais passer par des contrats solennels, au-delà d’un certain seuil de rémunération, qui sera défini par décret prochainement. De plus, ces contrats devront inclure certaines clauses obligatoires concernant les missions confiées, les conditions de rémunération… En cas de manquement, le texte prévoit une nullité. La jurisprudence devra se prononcer quant au caractère absolu ou non de celle- ci. 

Les influenceurs qui ne respectent pas les interdictions ou obligations posées par la loi risquent une peine de prison de 2 ans et une amende de 300 000 euros, ainsi qu’une interdiction d’exercer de façon définitive ou provisoire leur activité professionnelle (article 4 de la loi). 

Raëd AIT DRA et Lorie CAUET – Master 1 Droit des Affaires et Fiscalité 

SOURCES :

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