Le parquet européen : un outil de coopération judiciaire dans le domaine financier

Outil de la coopération renforcée de l’Union européenne, le parquet européen fut créé par le règlement relatif à la “mise en œuvre d’une coopération renforcée pour la création du ministère public européen“ en date du 12 octobre 2017. Entré en fonction le 1er juin 2021, il conviendra d’examiner dans un premier temps les raisons de sa naissance (I) avant d’en comprendre sa structure (II). 

I– Les justifications de la création du parquet européen 

Instauré dans le cadre d’une sauvegarde des intérêts financiers de l’Union européenne (A), le parquet européen s’inscrit en renfort des organes existants (B). 

A- La protection des intérêts financiers de l’Union 

Chaque année, des milliards d’euros échappent au budget de l’Union européenne. C’est alors dans cette optique de protéger les atteintes aux recettes et aux dépenses de l’Union (comprendre : aux intérêts financiers de l’Union), que le parquet européen a été créée. 

Ce parquet européen a donc la tâche d’enquêter et de poursuivre les infractions portant atteinte à l’Union européenne. Réalisé par des personnes physiques ou morales, ces infractions sont diverses et variées : fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, détournement de fonds européens, fraude sur les droits de douane, corruption … 

Sur l’année 2022, le nombre d’enquêtes en cours par le parquet européen s’élevait à 1 117. Le nombre de décisions de justice définitive et de condamnation s’élevait à 20. Aucun acquittement n’a eu lieu. A première vue, ces chiffres peuvent sembler peu élevés au regard du nombre d’enquêtes en cours. Toutefois, l’année 2022 n’est que la première année “entière“ d’activité du parquet européen. Un réel bilan pourra être dressé sur le long terme d’ici quelques années. 

Toujours est-il que si le parquet européen a été créé, c’est aussi pour répondre à certaines limites des mécanismes préexistants. 

B- Un renfort bienvenue 

En effet, si cette instance fut créée c’est bien pour aller au-delà d’une certaine harmonisation juridique au sein de l’Union. Il s’agit tout particulièrement de répondre à certaines limites frontalières et institutionnelles. 

En ce qui concerne l’aspect frontalier, chaque juridiction étatique est limitée par ses frontières et son droit propre. Toutefois, la criminalité financière impactant l’Union ne s’arrête pas aux frontières des États. Les juridictions internes ayant compétence seulement sur leur territoire, une difficulté émerge lorsque plusieurs États sont concernés pour la répression d’une infraction. La création d’un parquet européen va donc permettre de dépasser les frontières pour sanctionner les auteurs d’infractions financières impactant l’Union. Les auteurs ne pourront donc plus échapper à la justice en se réfugiant dans un autre État et ainsi éviter les poursuites. Voilà pourquoi on parle de coopération. Les États pourront s’entraider dans les enquêtes, poursuites et exécutions des décisions. Autrement dit, ils pourront agir au-delà de leurs frontières. 

En ce qui concerne l’aspect institutionnel, des organes préexistaient avant la création du parquet européen. On peut évoquer Europol, Eurojust, l’office européen de lutte anti-fraude… Ces organes peuvent s’intéresser à la lutte contre les atteintes financières. Toutefois ces derniers n’ont pas de compétences pour procéder à des enquêtes et à des poursuites pénales dans les Etats membres de l’Union européenne. Pour citer quelques exemples, Eurojust et Europol ne peuvent pas lancer des poursuites, ni mener des enquêtes. L’office européen de lutte anti-fraude n’est pas de pouvoirs contraignants ; son pouvoir se limitant à des recommandations. 

Ainsi, avec l’instauration du parquet européen, la protection du budget européen s’élargit au pénal ; le parquet européen étant une juridiction judiciaire. 

Enfin, les parquets nationaux internes disposent certes d’un pouvoir d’enquête et de poursuite mais on remarque que leurs activités se concentrent davantage sur des préoccupations financières internes propres à l’État membre plutôt qu’à des préoccupations européennes. Le parquet européen va donc permettre de se concentrer pleinement aux affaires intéressant l’Union européenne. 

Après avoir essayé de comprendre les raisons de l’entrée en vigueur d’une telle instance, voyons à présent la structure de celle-ci. 

II- La structuration du parquet européen

L’appellation de ladite instance laisse place à des interrogations dues au fait que la dénomination “parquet“ nous soit familière. L’organisation et son fonctionnement (A) ainsi que certaines de ses garanties suscitent toutefois des remarques (B). 

A- Un parquet unique en son genre 

Le parquet européen est une instance judiciaire de l’Union européenne commune à  vingt-deux États membres. Il s’agit d’un organe de l’Union européenne et où l’action publique est directement mise en œuvre par les juridictions internes des Etats membres.  

Le parquet européen est composé de deux niveaux : 

  • Un niveau central situé au Luxembourg, composé d’un chef du parquet européen avec à ses côtés vingt-deux procureurs européen et un directeur administratif. Ce collège central est chargé de superviser les enquêtes et les poursuites effectuées par le niveau décentralisé. 
  • Un niveau décentralisé composé de procureurs délégués qui officient dans les juridictions nationales pour mener les enquêtes et les poursuites. 

Le fonctionnement et la structure de ce parquet européen est donc quelque peu différent du parquet national français, même si des développements annexes pourraient démontrer une légère similitude. 

Pour terminer cette présentation, il est nécessaire d’aborder la garantie d’indépendance que présente le présent parquet. 

B- Une instance indépendante 

Si la question de l’indépendance de nos parquets nationaux soulève des débats récurrents depuis des années, la question de l’indépendance du parquet européen est bien tranchée. 

En effet, au niveau central, le parquet européen est un organe judiciaire indépendant des autres institutions de l’Union, des organismes divers de l’Union et des pays membres eux-mêmes. A l’instar du niveau décentralisé où les procureurs européen délégués sont totalement indépendants vis-à-vis du pouvoir exécutif, des autorités ou d’une quelconque hiérarchie interne. 

Master 2 Justice, Procès, Procédures, Teral Alexis

BIBLIOGRAPHIE

  • règlement (UE) 2017/1939 du conseil du 12 octobre 2017 « mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du parquet européen »

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