La taxe sur les salaires

L’article 231 du Code général des impôts précise que la taxe sur les salaires (TS) est due lorsqu’une société : 

  • N’a pas été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) l’année de versement des salaires ;
  • N’a pas été assujettie à la TVA sur au moins 90% de son chiffre d’affaires au titre de l’année civile qui précède les versements des rémunérations.

Ces deux conditions étant alternatives, il suffit que l’une d’entre elles soit remplie pour que l’intéressé soit redevable de la TS. L’assujettissement d’une société à la TS est donc directement lié à un défaut d’assujettissement à la TVA

Lues a contrario, les dispositions de l’article précitées prévoient que sont exclues du champ d’application de la TS, au titre des rémunérations versées en année N, les sociétés dont une partie au moins des recettes de N ont été taxées à la TVA et dont au moins 90% des recettes de N-1 l’ont été également. 

Dès lors qu’un organisme employeur est assujetti à la taxe au titre de l’année N, les rémunérations brutes (augmentées des éventuels avantages en nature octroyés) de N seront taxées à hauteur d’un ratio appelé rapport d’assujettissement et défini comme le rapport entre les recettes HT soumises à la TVA en N-1 et le montant total HT des recettes au titre de cette même année

  • Détermination du rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires :

S’agissant des personnes et organismes assujettis à la TVA en N et qui l’ont été sur au moins 90% de leur chiffre d’affaires en N-1, ces derniers échappent totalement à la taxe sur les salaires au titre des rémunérations de N.

S’agissant des personnes et organismes qui n’ont pas été assujettis à la TVA en N, le rapport d’assujettissement est de 100%, et celles-ci sont imposables sur l’intégralité des rémunérations versées en N.

S’agissant des personnes et organismes qui ont été assujettis à la TVA sur moins de 90% de leur chiffre d’affaires en N-1, l’assiette de leur taxe sur les salaires l’année N est obtenue comme suit : 

Assiette taxe sur les salaires en N = Montant total des rémunérations imposables en N x (montant total des recettes N-1 n’ayant pas ouverts droit à déduction de la TVA / montant total HT des recettes N-1)

Ce calcul constitue alors la base d’imposition à la taxe sur les salaires, base réduite. Pour ces contribuables, l’assiette de la taxe est constituée seulement d’une partie des rémunérations versées. 

Attention, la réduction d’assiette ne s’applique que pour la TS et ne vaut en aucun cas pour les autres taxes et participations aux salaires.

L’article 231 du CGI précise que le chiffre d’affaires total à retenir au numérateur du rapport d’assujettissement est composé du total des recettes et autres produits, y compris ceux qui correspondent à des opérations qui n’entrent pas dans le champ d’application de la TVA. Cette précision a été apportée en 1993, à la suite d’un arrêt de l’ancienne Cour de justice des Communautés européennes qui excluait les dividendes du champ d’application de la TVA.

On retient donc pour le calcul de ce rapport :

  • Au numérateur : le total des recettes et autres produits qui n’ont pas ouvert droit à déduction de la TVA (opérations hors champ et opérations dans le champ mais n’ouvrant pas droit à déduction) ;
  • Au dénominateur : le total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n’entrent pas dans le champ d’application de la TVA.

À savoir, les données retenues pour le calcul de la TS sont celles de l’année précédant le versement des rémunérations.

RAPPEL : Afin de savoir si un redevable pourra collecter ou déduire de la TVA lors d’une opération, il faut appliquer au montant de TVA, le coefficient de déduction correspondant. Ce dernier se calcule par le produit de trois autres coefficients : 

Coefficient d’assujettissement 

Il correspond à la proportion d’opérations dans le champ de la TVA, dès lors  qu’elles sont exercées par un assujetti en tant que tel et qu’il existe une contrepartie à celles-ci ;

Coefficient de taxation : 

Il correspond à la proportion des opérations imposables parmi les opérations dans le champ, à l’exclusion donc des opérations exonérées. 

Coefficient d’admission : 

Parmi les opérations dans le champ de la TVA mais qui sont exonérées, il est  possible pour le contribuable d’exercer une option, afin d’être redevable de la TVA.

Ce coefficient de déduction permet à un redevable de savoir si lors d’un achat d’un bien ou d’un service, il pourra récupérer ou non la TVA sur ce produit et dans quelle proportion.

Quelles valeurs retenir au numérateur et au dénominateur ?

On peut citer : 

  • Les produits financiers exonérés de TVA (intérêts de placement) et hors champ d’application de la TVA (dividendes) dès lors qu’ils dépassent 5% du montant total TTC des recettes et des produits. S’ils ne dépassent pas ce seuil, ils seront considérés comme des produits financiers accessoires ;
  • Les taxes et impôts perçus pour financer tout ou partie de l’activité de leurs bénéficiaires ;
  • Les sommes finançant les activités des personnes morales de droit public placées hors champ d’application de la TVA ;
  • Les subventions non imposables à la TVA.

Cependant, certaines sommes, malgré le fait qu’elles ne soient pas soumises à la TVA, ne sont pas prises en compte dans le calcul du rapport d’assujettissement 

  • Les indemnités perçues en réparation de dommages consécutifs à des sinistres ou à des calamités naturelles ; 
  • Les recettes correspondant à la cession de biens d’investissement corporels ou incorporels, qu’elles soient imposées ou exonérées de TVA ;
  • Les recettes provenant des opérations immobilières et financières exonérées de TVA, si elles ne représentent pas 5% du montant total du chiffre d’affaires total TTC ;
  • Les produits financiers accessoires (voir supra) ;
  • Les subventions à caractère exceptionnel et les subventions d’équipement.

Ces recettes sont considérées comme « non taxables », puisqu’elles seraient susceptibles de détériorer le rapport d’assujettissement à la TS, même si ces dernières ne sont pas soumises à TVA.

De plus, les sommes qui ne correspondent pas à du chiffre d’affaires ou à des recettes ne sont pas à inscrire. On peut citer : 

  • Les prestations de service internes à une même entité juridique ;
  • Les livraisons à soi-même, exclusion consacrée également dans la jurisprudence. En effet, le

Conseil d’État a considéré que les livraisons à soi-même d’immeubles n’étaient génératrices d’aucun flux financier (CE, 9 novembre 2015, n° 384536).

  • Modalités de calcul et de paiement de la taxe sur les salaires 

Depuis le 1er janvier 2013 et la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013, l’assiette de la taxe sur les salaires est alignée sur l’assiette de la contribution sociale généralisée (CSG). 

Cette loi vise les sommes « payées à titre de rémunérations aux salariés », ce qui élargit le champ des éléments de rémunération concernés par la TS (intéressement, contributions patronales destinées au financement des prestations de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire). 

La TS se calcule sur le montant de la rémunération annuelle brute de chaque salarié, augmenté des éventuels avantages en nature octroyés. Chaque rémunération sera alors taxée selon un barème progressif en trois tranches. Les chiffres du barème sont réévalués chaque année, dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche d’imposition du barème de l’impôt sur le revenu de l’année précédente.

Le barème prévisionnel des taux d’imposition de la taxe payable en 2024, sur les salaires annuels bruts versés en 2023 se présente ainsi : 

  • Pour les rémunérations annuelles ne dépassant pas 8984€, un taux de base de 4,25% s’applique ;
  • Pour les rémunérations comprises entre 8985€ et 17936€, un taux majoré de 4,25%, soit de 8,50% s’applique ;
  • Pour les rémunérations dépassant 17936€, un taux majoré de 9,35%, soit de de 13,60% s’applique.

La taxe sera alors acquittée spontanément au service des impôts. La périodicité des déclarations et des paiements de l’employeur (mensuelle, trimestrielle ou annuelle) dépend du montant de la taxe sur les salaires versée l’année précédente. 

  • Concernant les sociétés holdings et le rapport d’assujettissement

Les sociétés holdings ne constituent pas une catégorie juridique à part entière mais sont des sociétés dont le rôle est de détenir des participations : il s’agit des holdings pures. On parle aussi de holdings mixtes lorsqu’en plus de la détention de titres, elles disposent de moyens humains afin de rendre différents services à leurs filiales.

La holding tire ses revenus de différentes sources : des prestations de services, des mandats de direction facturés aux filiales, des intérêts en comptes courants, des distributions de dividendes ou encore des plus-values. 

Dès lors, la holding pure, qui ne facture donc pas de prestations de services, sera soumise à la TS, selon un rapport d’assujettissement de 100%, soit sur l’intégralité des rémunérations versées, si celle-ci emploie du personnel et verse des rémunérations. 

Concernant la holding mixte, malgré le fait qu’elle facture des prestations de services soumises à TVA, elle peut se voir redevable de la TS dès lors qu’elle perçoit un montant significatif de dividendes, puisque cette opération financière n’entre pas dans le champ de la TVA.

  • La constitution des secteurs d’activité distincts :

Le rapport d’assujettissement est normalement le même pour tous les établissements d’une même entreprise. Cependant, comme en matière de TVA, une entreprise peut constituer des secteurs distincts, pour ainsi calculer la quote-part des rémunérations qui appartient à ce secteur et lui appliquer un rapport d’assujettissement particulier, différent du rapport d’assujettissement général.

Si elle souhaite procéder ainsi, l’entreprise ne devra pas obligatoirement déclarer ces secteurs auprès du service des impôts, contrairement aux secteurs prévus en matière de TVA et pourra même les revendiquer en cours de contrôle, voire par réclamation contentieuse.

Attention, si l’entreprise a constitué des secteurs d’activité en matière de TVA, elle devra obligatoirement utiliser ces secteurs pour le calcul de la TS.

Pour les entreprises dont la part des produits financiers excède 5% du montant total TTC des recettes et des produits, il leur est possible de constituer un secteur distinct, appelé « secteur financier », dès lors que ce dernier dispose de moyens propres en personnel et en matériel pour la réalisation d’opérations financières.

On constate alors trois catégories différentes de personnel au regard de la TS : 

  • Le personnel rattaché au secteur financier, dont la rémunération est assujettie dans son intégralité à la TS ;
  • Le personnel non affecté au secteur financier, qui exerce de manière permanente et exclusive des activités imposées à la TVA, dont la rémunération échappe totalement à la TS ;
  • Le personnel commun, non rattaché à un secteur déterminé, dont la rémunération sera taxée selon le rapport d’assujettissement général de l’entreprise.

Cela a pour effet de modifier de façon conséquente la part des rémunérations soumise à la taxe, et donc de modifier dans le même temps le montant de la TS due par l’entreprise. Cette sectorisation est totalement admise, même si celle-ci a pour unique but de réduire la taxe sur les salaires.

Concrètement, dans le cas couramment rencontré de la société holding mixte, les rémunérations susceptibles d’être imposées à la TS sont celles du personnel commun, à savoir :

  • Les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux n’ayant pas le statut de travailleur non

salarié qui, de par leur mandat social, doivent être regardés comme disposant des pouvoirs les plus larges, lesquels s’étendent nécessairement au secteur financier, et ce indépendamment du temps passé à l’exercice de telles attributions (ce critère juridique a été posé par le Conseil d’État, dans une série d’arrêts en date du 8 juin 2011). Il s’agit d’une présomption simple qui peut toutefois être renversée dans certains cas particuliers, notamment dans celui d’un directeur général salarié (non titulaire d’un mandat social) et dont le contrat de travail ne stipule aucune attribution dans le secteur financier (CAA de Paris 24/11/2020 n°19PA00770 « SASU Aerium France ») ;

  • Les rémunérations des personnels qui, compte tenu des stipulations de leur contrat de

travail, doivent être regardés comme ayant des attributions dans le secteur financier (en pratique, cela concerne essentiellement les salariés titulaires de fonctions de direction administrative et financière).

ROCH Lorène

M2 Droit des Affaires et Fiscalité

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