Le monopole bancaire

  1. Principe

Le monopole bancaire est une notion de droit bancaire posée par l’article L.511-5 du Code Monétaire et Financier (CMF), lequel dispose :

« Il est interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit ou une société de financement d’effectuer des opérations de crédit à titre habituel.

Il est, en outre, interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public ou de fournir des services bancaires de paiement. ».

Ainsi le monopole bancaire est une interdiction qui par réciprocité permet aux établissements de crédit d’exercer seuls certaines activités. En outre, l’exercice de ces activités doit être habituel afin de rentrer dans le champ du monopole bancaire. Incidemment, l’exercice occasionnel de ces activités ne saurait être sanctionné sur le fondement du monopole.

À travers la lettre de l’article précité, on retrouve le triptyque usuel des opérations de banque, à savoir la réception de fonds remboursables du public, les opérations de crédit et les services bancaires de paiement. Si toutefois les termes « opérations de banque » n’apparaissent pas explicitement, c’est qu’il convient de distinguer les opérations de crédit des autres opérations, puisque depuis le 1er janvier 2014 les sociétés de financement bénéficient également du monopole.

Cela va sans le dire, cette disposition ne concerne que les opérations réalisées en France. Auparavant, cela posait difficulté en ce que la formation sur le territoire français du contrat portant opération de banque entraînait d’après la jurisprudence l’application du monopole bancaire sanctionnant ainsi les établissements étrangers non agréés par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR). Désormais, grâce à l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats et la rédaction nouvelle de l’article 1121 du Code civil, un tel contrat est réputé être conclu au lieu où l’acceptation de l’offre est parvenue, en l’occurrence à l’adresse de l’établissement étranger.

L’intérêt de ce monopole est de limiter la réalisation des opérations de banque, notamment des opérations de crédit, à des établissements à la compétence et à la capacité financière suffisantes. En conséquence, le monopole bancaire s’accompagne nécessairement d’une procédure d’agrément encadrée par l’ACPR et la Banque Centrale Européenne dans le but d’assurer la diligence des acteurs bancaires et d’éviter un effondrement en cascade de l’économie.

  1. Exceptions

Nonobstant un principe simple en substance, le monopole bancaire dévoile sa complexité à l’aune de ses exceptions, tels qu’en témoignent les articles L.511-6 et L.511-7 du CMF. Il convient de dissocier deux catégories d’exceptions : générales et spéciales.

D’une part, les exceptions générales sont celles qui prévoient la non-application de l’interdiction posée par le monopole bancaire dans son ensemble. Le législateur n’a fait en la matière qu’énumérer les parties qui, en raison de leur qualité, échappent en totalité au monopole, au premier alinéa de l’article L.511-6. On y retrouve par exemple les entreprises régies par le Code des assurances, les établissements de monnaie électronique ou encore les fonds d’investissement alternatifs.

D’autre part, les exceptions spéciales sont celles qui ne dérogent que partiellement à l’interdiction posée par le monopole bancaire. Une subdivision s’impose entre les exceptions spéciales du second alinéa de l’article L.511-6 et celles de l’article L.511-7. 

  • Le second alinéa de l’article L.511-6, à l’instar du premier, procède à une énumération de parties qui, en raison de leur qualité, dérogent cette fois à la seule interdiction relative aux opérations de crédit. 
  • L’article L.511-7 pose en revanche des exceptions spéciales qui tiennent non plus à la qualité des parties mais à la nature des opérations effectuées par toute entreprise. Cette dernière disposition permet notamment aux crédits inter-entreprises et aux opérations de trésorerie entre sociétés liées d’échapper à l’interdiction du monopole.

Quoique ces exceptions, adjointes ordonnances après ordonnances, présentent chacune leur utilité, un délitement même de la notion de monopole bancaire apparaît en corollaire. Au fil des exceptions, le principe en devient une, ne remettant pas tant en question l’existence du monopole que la manière dont il est à ce jour construit.

  1. Sanctions

Naturellement la méconnaissance du monopole bancaire est assortie de sanctions. 

Pénales d’abord, puisque l’article L.571-3 du CMF dispose que cette méconnaissance constitue un délit puni de trois ans d’emprisonnement et de 375.000€ d’amende. 

Disciplinaires ensuite, l’ACPR pouvant sanctionner tout établissement de crédit agréé qui méconnaîtrait les limitations inhérentes à leur agrément sur le fondement de l’article L.612-39 du CMF.

Administratives enfin, l’ACPR ayant la possibilité en vertu de l’article L.613-24 du CMF de nommer un liquidateur à l’égard de toute personne qui méconnaîtrait les interdictions établies par le monopole.

On peut cependant observer l’absence de sanctions civiles. Les juges de la Cour de cassation étaient autrefois en différend sur la nullité de l’opération effectuée en méconnaissance du monopole ; la chambre commerciale admettait la nullité en cette hypothèse, la première chambre civile s’y opposait. C’est finalement l’assemblée plénière qui, dans une décision du 4 mars 2005 (Cass. Ass. plén. 4 mars 2005 n°03.11-725) a tranché en faveur de la première chambre civile. Bien que la Cour se soit fondée sur les dispositions relatives à l’agrément, la solution se calque logiquement aux dispositions relatives aux interdictions du monopole.

Or, ne pas reconnaître la nullité du contrat conclu en méconnaissance du monopole revient à négliger l’intérêt des particuliers, ceux-ci étant les premières victimes du manque de fiabilité des banques avec lesquelles ils ont contracté. Le risque typique est de conclure une convention de compte de dépôt – ouvrir un compte bancaire – avec une prétendue banque, non agréée, et de ne jamais pouvoir être remboursé des fonds déposés du fait de la négligence ou de la malhonnêteté de celle-ci. Autrement dit, en délaissant l’intérêt personnel des clients, la jurisprudence érige l’intérêt général en unique raison d’être du monopole bancaire, alors même que l’agrément semble déjà remplir cette fonction à lui seul.

Ainsi, à l’instar du législateur, la jurisprudence sonne l’hallali du monopole bancaire en le privant de cette sanction clé.

Elliot MAZERES – Master 2 Droit des Affaires et Fiscalité

SOURCES : 

  • BONNEAU Th., Droit bancaire, LGDJ, 15e édition, 2023
  • LEGEAIS D., La fin annoncée du monopole bancaire, Revue de droit bancaire et financier, LexisNexis, mars 2015
  • Cours de Monsieur LEPLAT F., Maître de conférence à l’université de Rouen, 2022
  • ROUAUD A.-C., STOUFFLET J., Droit bancaire, LexisNexis, 10e édition, 2023
  • SANBAR W., Le monopole bancaire et financier à l’épreuve de la réforme du droit des contrats et du nouveau dispositif MiFID 2 et MiFIR, Revue Banque & Droit, n°170, 2016

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