La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 a introduit, dans le droit de la santé français (Article L 1141-1 à L 1143-1 du code de la santé publique), la notion de réparation des conséquences des risques sanitaires incluant, la réparation par la solidarité nationale des dommages résultant de l’aléa thérapeutique, c’est-à-dire, la réparation d’un accident médical non fautif.
L’accélération du développement de la science et d’une multitude de découvertes s’accompagne inévitablement d’une dangerosité renforcée. D’une part, les techniques médicamenteuses ou instrumentales comportent, comme tout acte médical, des risques inéluctables d’accidents ; d’autre part, bien souvent, la mise en œuvre de ces techniques est d’une telle complexité qu’elle résiste à la diligence normalement exigible des meilleurs praticiens.
Lorsqu’un accident survient dans un cadre médical, il est souvent difficile d’en déterminer l’origine exacte. En raison d’un manque d’information de la victime quant aux circonstances de survenance de cet accident, cette dernière est incitée à saisir la justice pour que soit brisé ce qu’elle considère comme “une conspiration tendant à lui cacher la vérité”.
Historiquement, la relation entre médecin et patient était extrêmement paternaliste. Cette relation était une relation verticale dans laquelle le médecin, dépositaire du savoir et des connaissances transmettait l’information à son patient placé dans un situation d’attente en raison d’un besoin.
La loi du 4 mars 2002 a changé les choses et les décisions concernant la santé d’un patient ne sont plus prises sans le consentement de celui-ci. Le patient n’est plus considéré comme un enfant incapable de comprendre et d’apprécier les éléments médicaux le concernant, mais comme un esprit mature et édifié qui peut avoir un consentement libre et éclairé.
L’obligation du praticien d’informer le patient, de manière loyale, claire et appropriée, sur son état, les soins proposés et leurs conséquences, avait déjà été dégagée par la jurisprudence dans un arrêt de la Cour de cassation du 28 janvier 1942.
- Contenu de l’obligation d’information.
L’article L 1111-2 du code de la santé publique (CSP) détaille le contenu de l’information dû par le praticien à son patient. L’information délivrée au patient doit lui permettre de décider en connaissance de cause. Elle doit être aussi détaillée que possible et porte sur :
-Les différentes investigations, traitements ou les actions de prévention préconisée ;
-Leur utilité et leur urgence éventuelle ;
-Leurs conséquences ;
-Les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ;
-Les autres solutions possibles ;
-Les conséquences prévisibles en cas de refus
À noter que, c’est le fait de ne pas donner d’information ou de donner une information incomplète qui est sanctionnable en tant que manquement civil, manquement qui peut également être sanctionné sur un plan déontologique (Article R 4127-35 du code de la santé publique).
Le domaine de l’obligation médicale d’information connaît une spécificité dans son contenu, en ce qu’elle impose au professionnel d’informer spécifiquement des risques liés à l’intervention qu’il propose. La jurisprudence, depuis un arrêt remarqué de la première chambre civile de la Cour de cassation, en date du 25 février 1997 impose que tous les risques soient révélés au patient, même les plus graves, ainsi que les risques exceptionnels, c’est-à-dire, ceux qui sont rares mais qui peuvent se produire.
Dans un arrêt du 5 mai 1981, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation rappelle qu’en plus d’être loyale, claire et appropriée comme le réclame les dispositions déontologiques, l’information doit être « simple, intelligible et loyale » car elle doit permettre à la personne d’exercer son choix et consentir ou non aux soins. Il est ainsi possible que l’information fournie au malade puisse ne pas être d’une exacte rigueur scientifique, ni totalement exhaustive, afin de tenir compte des capacités de compréhension des patients et de certaines nécessités psychologiques. Exemple : un document rédigé en termes très généraux, ne contenant aucune précision sur la nature des complications et des risques liés à l’acte envisagé, ne constitue pas une information conforme aux exigences légales et jurisprudentielles (Toulouse, 25 oct. 2010).
L’exécution de son obligation d’information n’est pas seulement préalable à l’intervention et ne cesse pas nécessairement avec l’achèvement de l’acte médical. L’obligation d’information pèse toujours sur le professionnel de santé à la suite de l’acte médical. Ainsi, le chirurgien doit expliquer au patient les conséquences d’une opération sans la connaissance desquelles ce dernier peut être amené à ne pas suivre scrupuleusement le traitement prescrit (T. civ. Nîmes, 20 oct. 1953).
- Devoir de conseil ?
L’obligation d’information impose-t-elle une obligation de conseil du professionnel ? Parce que l’obligation d’information médicale est le préalable au consentement à l’atteinte au corps de la personne, cette obligation d’information se double d’une obligation de conseil. En effet, en donnant son information, le professionnel de santé doit permettre à la personne de choisir entre se soigner ou pas, choisir entre tel ou tel protocole. En résumé, le professionnel de santé devra aider le patient à se décider.
- Qui doit délivrer l’information ?
En principe, l’information du patient incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences (Article L. 1111-2 al.2 CSP). C’est une obligation générale qui pèse sur chaque professionnel, et qui correspond au droit pour le patient d’exiger de chacun une information médicale dans le domaine du praticien concerné. L’information concerne tout professionnel quel que soit son acte, celui qui pratique l’acte ou celui qui prescrit. La jurisprudence avait notamment décidé que le médecin prescripteur d’un examen radiologique et le médecin radiologue qui exécute cet acte doivent tous les deux, informer le patient des risques de ce même examen (Cass, Civ. 1re, 29 mai 1984).
Lorsque l’événement dans lequel intervient le professionnel de santé n’est pas directement un « acte médical », le professionnel de santé n’est pas dispensé de son obligation d’information. Ainsi, un accouchement par voie basse constitue un événement naturel et non un acte médical mais n’affranchit pas les médecins de l’obligation de porter à la connaissance de la femme enceinte les risques eu égard à son état de santé, à celui du fœtus ou à ses antécédents médicaux (CE, 27 juin 2016).
Il existe cependant une exception à cette obligation d’information de la part du praticien : L’impossibilité matérielle. Il est prévu qu’en cas d’urgence ou d’impossibilité d’informer, le praticien peut être dispensé de délivrer l’information, à laquelle il est tenu. L’article L1111-2 al.2 du code de la santé publique (CSP) s’inscrit, ainsi, dans la continuité de la jurisprudence selon laquelle, l’obligation d’information du patient par le médecin fait face à des limites matérielles, comme l’impossibilité de donner l’information nécessaire en raison de la fragilité particulière du patient. Cette limitation renvoie aussi de manière tacite aux règles déontologiques, pour lesquelles la réticence peut être fondée, quand toute vérité médicale peut ne pas être bonne à révéler et qu’elle n’expose pas les tiers à un danger, c’est notamment le cas dans les soins psychiatriques.
- Refus du patient d’être informé
En matière médicale, le code de déontologie précise que la volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic grave doit être respectée. Une seule exception est à mentionner ; lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission, dans ce cas la volonté d’un malade de ne pas être informé sera limitée car on peut aisément comprendre que ses choix auront un impact sur d’autres personnes.
- Le créancier de l’information ?
L’information doit être délivrée au patient (article L 1111-2 al. 1er CSP). Cependant, en ce qui concerne les mineurs et les majeurs sous tutelle, l’information doit, en principe, être délivrée au représentant légal (titulaires de l’autorité parentale ou tuteur). Pour autant, cela ne doit pas empêcher que l’information soit transmise directement au mineur, en fonction de son degré de maturité ou de sa faculté de discernement.
- Cas du mensonge du praticien
Dans un cas extrêmement rare, le mensonge d’un praticien envers son patient peut être justifié pour des raisons psychologiques, c’est-à-dire, si le mensonge avait pour objet de cacher “la gravité du mal”. Mais à l’inverse, le praticien qui dissimule volontairement un élément favorable commet une faute qui engage sa responsabilité (Paris, 7 mars 1952). En l’espèce, le spécialiste a présenté comme positif le resultat de biopsies négatives pour décider une patiente malade, qu’il croyait à tort être atteinte d’un cancer, à subir un traitement radiothérapique.
- Preuve de la délivrance de l’information
La loi précise désormais que le professionnel ou l’établissement doit être en mesure d’apporter la preuve, en cas de litige, que l’information a été délivrée à son destinataire dans le respect des conditions légales. En principe, la preuve de la délivrance de l’information incombe donc au débiteur de l’obligation, la preuve peut être apportée par tout moyen (Article L 1111-2 , al. 7 CSP).
- La finalité de l’information ?
La finalité de l’information est d’obtenir le consentement libre et éclairé du patient concernant les soins, traitements et examens médicaux à sa disposition (Article L1111-4 CSP). C’est pourquoi le médecin ne peut jamais violer le consentement libre et éclairé du patient, ni le forcer à recevoir un traitement. Même en cas de nécessité médicale, si une violation du consentement du patient devait arriver, le médecin devra indemniser toutes les conséquences liées à cet acte non souhaité.
- La perte de chance comme préjudice
Pour engager la responsabilité du médecin sur le fondement du manquement à l’obligation d’information, il est toujours nécessaire de démontrer un préjudice découlant directement de la faute, c’est-à-dire résultant du défaut d’information.
Depuis le début des années 90, la Cour de cassation a, pour tenir compte du lien entre l’information et le consentement du patient, reconnu l’existence d’un préjudice autonome, distinct du préjudice lié à l’intervention médicale. Ainsi, le préjudice réparé en cas de défaut d’information est celui de “la perte de chance”.
L’idée est que l’absence d’information sur les risques de l’opération proposée par le praticien a fait perdre au patient une chance de pouvoir refuser l’intervention et d’éviter le dommage qui s’est effectivement réalisé. (CE, 5 janvier 2000)
Cependant, la réparation de la perte de chance se voit limitée par « l’exception thérapeutique » : pour être indemniser du défaut d’information, le patient doit seulement avoir perdu la chance de pouvoir choisir entre plusieurs traitements. La jurisprudence a dans plusieurs arrêts, écarté la responsabilité du praticien lorsque le malade aurait accepté l’opération à risque même s’il avait reçu une information complète de la part du praticien.
Ronan Capron-Litique, Master 2 droit privé général