Les distributions irrégulières

Selon l’article L. 232-11 du Code de commerce, “le bénéfice distribuable est constitué par le bénéfice de l’exercice, diminué des pertes antérieures, ainsi que des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts, et augmenté du report bénéficiaire”. 

Après avoir acquitté leur impôt sur les sociétés, les sociétés peuvent mettre le solde en réserve ou le distribuer aux associés pour rémunérer leur apport en capital : on parle alors de dividendes ou de distributions. 

Si l’assemblée générale, lors de la réunion d’approbation des comptes, décide de verser des dividendes, ces distributions seront qualifiées de régulières

Si ces derniers sont perçus par un associé personne physique, ils seront imposés à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers (RCM). Cependant, si l’associé est une personne morale, ils seront imposés à l’impôt sur les sociétés.

Au contraire, certaines sommes peuvent être qualifiées de distributions irrégulières par l’administration fiscale dans un objectif de lutte contre la fraude fiscale. C’est le cas par exemple lorsque la dépense n’a pas été engagée dans l’intérêt de la société mais dans celui du dirigeant ou d’un associé. 

Selon la classification du Code général des impôts, on distingue deux sortes de distributions irrégulières : les distributions déguisées (article 109-1 CGI) et les distributions présumées et occultes (article 111 CGI). Ces dernières englobent les rémunérations excessives (article 111.d CGI), les dépenses à caractère somptuaire (article 111 e CGI), mais on développera seulement  les distributions présumées (article 111. a CGI) ainsi que les distributions et les rémunérations occultes (article 111. c CGI).

I. Les distributions déguisées

Les distributions déguisées sont régies par l’article 109-1 du CGI, qui vise deux hypothèses. 

A- Les bénéfices réputés désinvestis (art 109-1-1° CGI)

Il y a une présomption légale de distribution pour “tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital”. Les bénéfices non réinvestis dans l’entreprise sont donc réputés distribués irrégulièrement, peu importe la qualité du bénéficiaire et la forme de la distribution, le texte étant silencieux. De ce fait, le bénéficiaire peut être un associé, le dirigeant ou un tiers. Quant à la distribution, elle peut prendre la forme d’un prêt, d’un quelconque mode de transfert de bénéfices ou d’avantages.

Cependant, l’article pose deux conditions :  

  • Il y a présomption de distribution que si le résultat de l’entreprise est bénéficiaire. En effet, le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 8 décembre 1965, précise que l’article 109-1-1° ne sera applicable que si la rectification augmente le bénéfice sans pour autant diminuer le déficit. 
  • Il faut également un désinvestissement : les bénéfices ne doivent pas rester investis dans la société ; c’est ce qui a été confirmé par le Conseil d’Etat dans l’arrêt VENUTOLO du 29 septembre 1989, n°75304. 

Une provision irrégulière ou une sous-évaluation des stocks ne sont donc pas considérées comme des distributions déguisées. 

Par exemple, lorsque des recettes n’ont pas été comptabilisées, n’ont fait l’objet d’aucune déclaration ou d’aucune affectation lors d’une assemblée générale, elles seront considérées par l’administration fiscale comme des distributions déguisées. 

On peut également prendre l’exemple d’une société bénéficiaire qui accorderait un prêt sans intérêt à un tiers. 

La sanction de ces distributions déguisées réside en une double imposition

En effet, au niveau de la société, l’administration fiscale peut refuser la déduction de la charge et procéder à une réintégration de celle-ci au résultat fiscal. 

Au niveau du bénéficiaire, la somme sera imposée dans la catégorie des RCM, soit au prélèvement forfaitaire unique (PFU : 12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2% de prélèvements sociaux). Sur option, le contribuable pourra choisir une imposition au barème progressif de l’IR sans abattement, avec une majoration de 25% de l’assiette (art 158-7-2° CGI).

B- Les distributions non prélevées sur les bénéfices (art 109-1-2° CGI)

    Ces sommes sont considérées distribuées dès lors qu’elles sont mises à disposition des associés ou actionnaires sans être prélevées sur le bénéfice. Il s’agit donc d’éléments de l’actif qui disparaissent pour se retrouver dans le patrimoine privé d’un associé.

    Par exemple, un dirigeant qui se livre à des détournements d’actifs au détriment de la société. 

    Contrairement à l’article 109-1-1° du CGI, cet article est applicable même si le résultat de la société est déficitaire. Cependant, il ne peut jouer que lorsque le bénéficiaire est un associé.

    De plus, l’administration fiscale doit apporter la preuve que les sommes ont été effectivement appréhendées par les associés

    La sanction pour le bénéficiaire est similaire à celle des bénéfices réputés désinvestis : il sera imposé dans la catégorie des RCM au PFU ou, sur option, au barème progressif de l’IR sans abattement, avec une majoration de 25% de l’assiette. 

    II. Les distributions présumées et occultes 

    A- Les distributions présumées (art 111. a CGI)

    Selon l’article 111. a du CGI, “les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées, à titre d’avance, prêts ou acomptes” sont présumées constituer des revenus distribués. 

    Toutefois, cette présomption est simple : l’associé et la société peuvent apporter la preuve contraire. 

    Par exemple, la preuve peut être apportée au moyen d’un écrit préalable ou concomitant à la remise des fonds correspondants à un prêt, prévoyant un taux d’intérêt normal et fixant les modalités de remboursement de la dette. Dans ce cas, il est tout de même conseillé d’enregistrer le prêt auprès du service des impôts.

    La présomption est également renversée si les sommes ont été remboursées avant la clôture de l’exercice ou avant le début d’une vérification de comptabilité. 

    A défaut, le bénéficiaire de ces sommes sera imposable dans la catégorie des RCM soit au PFU ou, sur option, au barème progressif de l’IR sans abattement.

    Cependant, il résulte des articles 49 bis à 49 sexies de l’annexe III du CGI que l’imposition est provisoire. En effet, si l’associé restitue le montant de l’avance, l’impôt payé lui sera remboursé. S’agissant d’une restitution d’impôt et non pas d’un dégrèvement, les pénalités ne lui seront cependant pas restituées

    B- Les distributions et rémunérations occultes (art 111. c CGI)

    L’article 111. c du CGI dispose que sont considérées comme des revenus distribués “les rémunérations et distributions occultes.” 

    Les rémunérations occultes sont régulièrement comptabilisées et rémunèrent un service, mais l’identité du bénéficiaire n’est pas révélée par l’entreprise. Par exemple, la prise en charge par la société de dépenses qui ne lui incombe pas et dont le bénéficiaire n’est pas désigné constitue une rémunération occulte.

    Les distributions occultes ne rémunèrent pas un quelconque service et n’apparaissent pas en comptabilité. On peut citer à titre d’exemple la mise à disposition de personnel, la dissimulation de recettes ou encore la mise à disposition d’un logement à titre gratuit. 

    Le même régime fiscal s’applique aux rémunérations et distributions occultes : la non- déductibilité des sommes en cause et leur imposition dans la catégorie des RCM au PFU ou, sur option, au barème progressif de l’IR sans abattement, avec une majoration de 25% de l’assiette. 

    Dans le cas où l’on constate que les revenus distribués sont supérieurs au montant des distributions déclaré par la société, l’administration fiscale peut mettre en œuvre une procédure spéciale pour demander l’identité des bénéficiaires. Cette procédure est visée à l’article 117 du CGI. La société dispose d’un délai de 30 jours pour fournir les indications complémentaires concernant les bénéficiaires de l’excédent de distribution.

    À la suite de cette demande, soit la société s’exécute et le bénéficiaire effectif sera imposé personnellement au PFU ou, sur option, au barème progressif de l’IR sans abattement, avec une majoration de 25% de l’assiette, soit la société ne répond pas ou donne une réponse imprécise. Dans ce cas, l’article 1759 du CGI prévoit une pénalité égale à 100 % de la distribution, qui ne sera pas déductible du résultat fiscal de la société. Cette pénalité sera réduite au taux de 75% si la société a spontanément mentionné et procédé à la réintégration des sommes litigieuses dans sa déclaration de résultat. 

    Les dirigeants sont solidairement responsables pour le paiement de cette amende. 

    Cependant, puisque la désignation des bénéficiaires équivaut seulement à une simple information qui n’est pas opposable aux personnes désignées, l’administration fiscale doit, à défaut d’acceptation personnelle et expresse des supposés bénéficiaires, prouver l’existence et le montant des sommes, mais également que celles-ci ont été effectivement mises à disposition des personnes désignées. 

    Toutefois, l’administration fiscale n’est pas tenue de mettre en œuvre cette procédure si elle est en mesure d’établir que le contribuable qu’elle envisage de taxer est le maître de l’affaire. Le Conseil d’Etat a défini le maître de l’affaire comme la personne qui exerce la responsabilité effective de l’ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière d’une société et dispose sans contrôle de ses fonds (CE, 14 septembre 2016, n°400882). En effet, il existe une présomption de distribution à l’égard du maître de l’affaire qui est réputé avoir appréhendé la totalité des revenus réputés distribués par la société (CE, 1995, PELLERIN).

    Le Conseil d’Etat a d’ailleurs jugé le 22 février 2017 (n°388887) qu’il ne pouvait y avoir qu’un seul maître de l’affaire. En effet, dans un arrêt du 16 mars 2019 (n°433098), il a qualifié de “maître de l’affaire” un couple qui faisait l’objet d’une imposition commune à l’impôt sur le revenu et qui gérait  conjointement l’affaire.  

    Mélinda ROUSSEAU, 

    Master 2 Droit des Affaires et Fiscalité

    Sources :

    CGI 

    Cours de statuts professionnels par M. Hemery 

    https://www.village-justice.com/articles/Revenus-reputes-distribues-majoration,25530.html

    https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/3781-PGP.html/identifiant%3DBOI-RPPM-RCM-10-20-10-20120912#:~:text=Les%20bénéfices%20désinvestis%20par%20les,égard%20à%20la%20qualité%20des

    https://www.village-justice.com/articles/revenus-reputes-distribues-dirigeant-article-109,49198.html

    https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=DZ%2FOASIS%2F001139

    https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/2614-PGP.html/identifiant%3DBOI-RPPM-RCM-10-20-20-40-20170822

    https://www.efl.fr/actualite/seul-maitre-affaire-revenus-reputes-distribues_UI-455e65a9-435a-44e0-aa38-b9a7dde85570#:~:text=Le%20contribuable%20disposant%20seul%20des,la%20société%20qu’il%20contrôle.

    Revenus réputés distribués et maître de l’affaireCMS Law Taxhttps://cms.law › fra › publication › revenus-reputes-dis…

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