Le statut de témoin assisté

Il y a 37 ans apparaissait l’idée de la création d’un statut particulier, entre le simple témoin et le mis en examen, au sein de la loi du 30 décembre 1987, et notamment en l’article 105 du Code de procédure pénale.

Depuis, de nombreuses lois n’ont eu de cesse d’approfondir ce statut. Tout d’abord, le législateur lui conféra, par l’article 105 alinéa 3 du Code de procédure pénale, tel qu’issu de la loi du 4 janvier 1993, les mêmes droits que ceux reconnus aux personnes mises en examen. 

Néanmoins, il fallut attendre la loi du 15 juin 2000 pour voir apparaître le nom de « témoin assisté » comme titre d’une sous-section entière, synonyme d’une modification profonde de toute la notion. Un objectif ressortait clairement de cette loi : celui de l’équilibre entre l’exercice des droits de la défense et l’efficacité de la procédure pénale par l’audition de la personne visée.

À côté de cet objectif, cette loi fut motivée par la volonté de diminuer le nombre de mises en examen aboutissant par un non-lieu. In fine, l’intervention de la loi du 9 mars 2004 s’inscrit dans la continuité de cet objectif, avec un accroissement des droits de la personne mise en cause sous le statut de témoin assisté. 

Le témoin assisté est donc un statut intermédiaire, prenant place dans un contexte d’information judiciaire, entre : 

  • Le simple témoin, qui est une personne ayant assisté à des faits et pouvant apporter des connaissances sur le déroulé au juge ;
  • Le mis en examen, qui est la personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants, pouvant faire croire à sa culpabilité.

Autrement dit, il s’agit d’un suspect contre lequel, il existe, à défaut d’indices graves ou concordants, des preuves qui rendent vraisemblable sa participation à la commission de l’infraction. En raison de ces preuves, elle ne peut être considérée comme un simple témoin mais elle ne peut être placée sous le statut du mis en examen, par manque d’évidence : on ne peut lui reprocher directement l’infraction. 

Par ailleurs, ce statut particulier permet aux autorités judiciaires de retarder la mise en examen d’une personne. Cela participe alors à la protection améliorée des droits de la personne dans le cadre d’une procédure judiciaire.

Cette définition permet d’appréhender le statut de témoin assisté. Cependant, il est question de se pencher sur la compréhension de cette notion. 

Bien que cette notion soit encadrée par son attribution légale (I), le statut de témoin assisté s’accompagne d’effets prévus par la loi, mais aussi par la jurisprudence (II). 

I. L’attribution du statut de témoin assisté 

Selon le Code de procédure pénale, l’attribution du statut de témoin assisté s’articule en deux catégories. Tout d’abord, cette attribution peut être le fruit d’une obligation posée par la loi (A). À côté de cette obligation d’attribution, ce statut résulte également d’un choix dont dispose le juge en raison de son appréciation souveraine (B). 

A.             Les cas d’attribution obligatoire 

L’article 113-1 du Code de procédure pénale expose le premier cas d’attribution obligatoire. Effectivement, depuis la loi du 9 mars 2004, le statut de témoin assisté sera dévolu à toute personne visée par un réquisitoire introductif, mais qui n’a pas été mis en examen. En pratique, dans les cas les plus fréquents, la présentation au juge aura lieu après sa garde à vue pour un interrogatoire de première comparution, ayant pour finalité sa mise en examen. Néanmoins, il arrive que la personne mise en cause soit convoquée par lettre recommandée devant le juge pour ledit interrogatoire. Il sera notamment notifié dans cette lettre son droit de garder le silence et celui d’être assisté d’un avocat.  

Une personne mise en cause se verra également attribuer le statut de témoin assisté à la suite de son interrogatoire de première comparution, suite auquel le juge d’instruction renonce à la mise en examen, après énonciation des faits pour lesquels celle-ci était envisagée (article 116 alinéa 6 du Code de procédure pénale). 

B.     Les cas d’attribution facultatifs 

Dans un premier temps, selon le premier alinéa de l’article 113-2 du Code de procédure pénale, une personne qui est nommément visée par une plainte ou mise en cause par une victime (sans plainte) peut être entendue comme témoin assisté. Comme le montre cette formulation, cette attribution résulte d’une décision du juge et non d’une obligation. 

Cependant, la liberté d’attribution du juge disparaît en cas de demande expresse de la personne de bénéficier de ce statut. Il s’agit alors d’une obligation. 

Parallèlement à ce cas, et selon l’alinéa 2 de cet article, toute personne mise en cause par un témoin, peut, là encore, bénéficier de ce statut. 

À défaut d’une mise en cause ou d’une plainte de la victime ou d’un témoignage, l’attribution de ce statut intermédiaire peut être envisagée lorsqu’il existe contre elle « des indices rendant vraisemblable qu’elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission des infractions dont le juge d’instruction est saisi ».

Après avoir éclairci les différentes circonstances d’attribution du statut de témoin assisté, il est nécessaire de distinguer l’implication dévolue à ce statut. 

II. L’implication du statut de témoin assisté

Le statut de témoin assisté fut créé afin de parvenir à un équilibre entre l’efficacité de la procédure pénale et les droits de la personne. À cette fin, la loi va lui accorder un certain nombre de droits, à l’orée de ceux accordés au mis en examen (A). 

A contrario, puisque ce statut diffère de celui du mis en examen, certaines actions applicables contre ce dernier ne pourront être mises en œuvre à l’égard du témoin assisté. De plus, certains droits relèveront  exclusivement du régime du mis en examen (B).

A.             Les droits accordés au témoin assisté 

Depuis la loi du 15 juin 2000, le témoin assisté s’est vu reconnaître les principaux droits de la défense, ce qui a amorcé un rapprochement net avec la personne mise en examen. Ce rapprochement fut renforcé par une extension des droits du témoin assisté, grâce aux lois du 9 mars 2004 et du 27 mai 2014. 

Selon l’article 113-3 du Code de procédure pénale (CPP), le témoin assisté s’est vu octroyé : 

·       Le droit d’être assisté par un avocat qui a accès au dossier de la procédure dans les mêmes conditions que les parties à la procédure ;

·       Le droit à l’interprétation et à la traduction des pièces essentielles du dossier ;

·       Le droit de demander une confrontation selon les modalités de l’article 82-1 du CPP.

À côté de ces droits, il existe d’autres droits plus épars au sein du Code de procédure pénale : 

  • Le droit au silence (article 113-4 CPP) ;
  • Le droit de refuser d’être entendu par un officier de police judiciaire (article 152 CPP) ;
  • Le droit de demander l’annulation d’un acte ou d’une pièce de la procédure (article 173 CPP) ;
  • Le droit de demander des actes tels que les compléments d’expertise et les contre-expertises (article 175 CPP, dernier alinéa.) ; 
  • Le droit de demander la clôture de l’information judiciaire.

Ces droits seront d’ailleurs notifiés au témoin assisté par le juge d’instruction au cours de sa première comparution ou au sein de la lettre recommandée en cas de convocation.

B.     L’exclusion du témoin assisté 

En dépit de ces droits qui lui sont accordés, le témoin assisté ne s’est pas vu reconnaître l’entièreté des droits dont bénéficie le mis en examen. Effectivement, le témoin assisté n’est pas considéré comme une véritable partie à la procédure. Telle fut la position de la Cour de cassation dans son arrêt du 21 juin 2005. 

À cet égard, le témoin assisté ne dispose pas :

  • Du droit de demander de nouveaux actes d’expertise ;
  • Du droit de contester la constitution de partie civile ;
  • Du droit d’exercer les voies de recours (Cass, crim, 21 juin 2005) 

·       Ni contre les ordonnances rendues par le juge d’instruction ;

·       Ni par un pourvoi de cassation contre les arrêts de la chambre d’instruction.

Toutefois, certaines exceptions relatives à cette dernière interdiction furent admises par la Cour de cassation. Il est question spécifiquement de la saisine de la chambre d’instruction d’une requête aux fins d’annulation d’acte de procédure (Cass, Crim, 21 juin 2005) ainsi que le droit de faire valoir ses observations devant la chambre d’instruction en cas d’appel d’une ordonnance de non-lieu (Cass, crim, 16 juin 2011). Enfin, une dernière exception a été retenue par la Cour de cassation le 31 octobre 2017, lors d’un pourvoi en cassation contre un arrêt de la chambre d’instruction portant atteinte à ses intérêts.

À l’occasion d’une QPC, le Conseil Constitutionnel s’est exprimé sur l’interdiction pour le témoin d’interjeter appel de la décision de refus du juge d’instruction de constater la prescription de l’action publique. Dans une décision du 17 juin 2022, le Conseil pose l’inconstitutionnalité de ces dispositions, qui ont été abrogées le 31 mars 2023.

En dehors de ces exclusions, la personne bénéficiant du statut de témoin assisté est là encore exclue dans une optique protectrice. En effet, certaines mesures que l’on peut appliquer au mis en examen ne sont pas applicables à l’égard du témoin assisté. 

Par conséquent, en dehors du fait que le témoin assisté ne prête pas serment, il ne peut faire l’objet : 

  • D’un contrôle judiciaire ; 
  • D’une assignation à résidence avec surveillance électronique ; 
  • D’un placement en détention provisoire ; 
  • D’une ordonnance de renvoi ou de mise en accusation (article 113-5 CPP).

En conclusion, le statut de témoin assisté est un statut strictement encadré par la loi. Néanmoins, la Cour de cassation est intervenue à différentes occasions afin d’éclaircir non seulement la notion de témoin assisté mais aussi ses effets dans la pratique.

Typhaine Georgelin, Master 2, Justice, procès et procédures

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