Les locations de meublés de tourisme au cœur des débats fiscaux

L’imposition des revenus locatifs en France fait l’objet d’un régime spécifique. En effet, le droit fiscal impose différemment la location des logements nus et celle des logements meublés et ce, sans tenir compte de la durée de la location. Ainsi, le contribuable voulant louer un logement se doit d’être averti sur les différents régimes, et ce, peu importe que la location soit saisonnière, de courte durée, ou sur une plus longue période. Récemment, et notamment dans les discussions pour la loi de finances pour 2024, c’est le régime de la location meublée de logements de tourisme qui a fait débat, le Gouvernement voulant favoriser le logement en résidence principale plutôt que la location touristique, « trop » facilitée par les plateformes telles que « Airbnb » et par les avantages fiscaux dont elle bénéficie.

I/ La fiscalité des locations meublées de tourisme

Au sens de l’article 35-5° bis du Code général des impôts, relèvent de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) par assimilation « [les] Personnes qui donnent en location directe ou indirecte des locaux d’habitation meublés ». La location meublée est donc imposable dans la catégorie des BIC.

Définition de la location des meublés de tourisme : 

En vertu de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, un logement est considéré comme meublé au regard de deux conditions : ce doit être « un logement décent équipé d’un mobilier en nombre et en qualité suffisants pour permettre au locataire d’y dormir, manger et vivre convenablement au regard des exigences de la vie courante ». Aussi, un décret fixe une liste d’éléments que doit comporter un logement pour être considéré comme meublé : une literie avec couverture, un dispositif d’occultation des fenêtres, des plaques de cuisson, un réfrigérateur, un micro-ondes ou un four, de la vaisselle, des ustensiles, des tables et sièges, des étagères, des luminaires… (décret n°2015-981).

Quant à la définition des meublés de tourisme, il faut se référer au Code du tourisme, à l’article L. 324-1-1 : « les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois ».

Parmi les meublés de tourisme, le droit distingue les classés et non-classés, les classés étant ceux dont le loueur a sollicité un classement et a obtenu un « certificat de visite » offrant un nombre d’étoiles croissant selon le confort du logement (Code du tourisme).

Régime fiscal :

Comme dit précédemment, la location meublée relève des BIC, sauf exonérations. Aujourd’hui, hors le cas des loueurs en meublé professionnels, les loueurs peuvent donc faire application du régime micro-BIC prévu à l’article 50-0 bis du CGI. Cet article précise notamment les modalités spécifiques du régime micro-BIC à l’égard de la location meublée de tourisme.

·       La location meublée de tourisme exonérée d’impôt sur le revenu :

La loi de finances pour 2024 est venue proroger le dispositif d’exonération des locations envisagé à l’article 35 bis du CGI, jusqu’au 31 décembre 2026. De ce fait, sont prévus différents cas où la location meublée est exonérée d’impôt, et ce, que la location soit de tourisme ou non. Ainsi, le loueur est exonéré d’impôt sur le revenu selon plusieurs conditions :

  • La location est meublée ;
  • Les pièces louées constituent une partie de l’habitation principale du loueur ;
  • Les pièces louées constituent aussi la résidence principale du locataire ;
  • Le prix de la location est fixé dans des limites raisonnables, fixées par l’administration selon les régions (par exemple, pour 2024, en Île-de-France, le loyer annuel au mètre carré ne doit pas excéder 206€ au mètre carré).

Une seconde exonération d’IR est prévue à l’égard des chambres d’hôtes (= mise à disposition du public d’une ou plusieurs pièces de son habitation principale), si le produit brut annuel de ces locations n’excède pas 760€ (sommes encaissées et prestations attachées). Cette exonération est non-cumulable avec l’article 50-0 du CGI (régime micro-BIC). Cependant, en cas de dépassement de ce plafond, les contribuables sont imposables sur la totalité des produits tirés de cette location et peuvent bénéficier du régime micro de l’article 50-0 du CGI.

·       La location meublée de tourisme imposable :

Ce qui intéresse principalement la politique actuelle est la location meublée de tourisme et tout particulièrement, les loueurs occasionnels agissant par le biais des plateformes dédiées (Airbnb). 

Avant la loi de finances pour 2024 : 

En dehors des cas précités, l’article 50-0 disposait que « la location directe ou indirecte de locaux d’habitation meublés ou destinés à être loués meublés » parmi donc, la location meublée de tourisme, relevait de plein droit du micro-BIC :

  • Par principe, si le chiffre d’affaires hors taxes du loueur au cours de l’année civile précédente n’excédait pas 77 700€. Ce régime permettait de bénéficier de l’abattement forfaitaire sur le résultat imposable de 50%, à l’exclusion des plus ou moins-values de cession des biens loués ;
  • Par exception, si le chiffre d’affaires hors taxes n’atteignait pas la limite de 188 700€ pour les locations de locaux « classés » meublés de tourisme et les chambres d’hôtes (articles L. 324-1 et 3 Code du tourisme), cela permettait de bénéficier d’un abattement de 71%.

Article 45 de la loi de finances pour 2024 : 

Aujourd’hui, le 1° bis modifie les modalités d’application du régime pour les revenus tirés de location des meublés de tourisme et leur institue un régime propre :

  • Par principe, la limite de chiffre d’affaires hors taxes pour « la location directe ou indirecte de meublés de tourisme au sens de l’article L. 324-1-1 du Code du tourisme », est abaissée, passant de 77 700€ à 15 000€ par an. De plus, ces activités bénéficient d’un abattement forfaitaire de 30%. Ces limites ne sont pas sans rappeler celles applicables au régime micro-foncier pour la location nue (art. 32 CGI). Ainsi, le champ d’application du régime réel avec dépôt de la liasse fiscale est étendu ; 
  • Pour les locations de meublés de tourisme « classés », les loueurs pourront bénéficier d’un abattement supplémentaire de 21% (soit un abattement total de 51%) dans les zones rurales sous deux conditions : ces derniers ne sont pas situés dans des zones caractérisées par un déséquilibre significatif entre l’offre et la demande de logements, et leur chiffre d’affaires hors taxes n’excède pas 15 000€ pour l’année civile précédente.

Désormais, la fiscalité des meublés de tourisme est la même que pour la location traditionnelle à l’année, à l’exception des règles propres aux BIC pour l’un et aux revenus fonciers pour l’autre. 

De surcroît, ces nouvelles dispositions viennent exclure le bénéfice du régime micro-BIC au loueur en meublé professionnel (LMP). En effet, l’article 155-2 du CGI prévoit un statut particulier de loueur en meublé professionnel (LMP) si deux conditions sont réunies : 

  • Les recettes annuelles perçues par cette activité par l’ensemble du foyer fiscal excèdent 23 000€ ;
  • Ces mêmes recettes constituent la principale source de revenus d’activité du foyer fiscal, soit excèdent le montant total des autres revenus d’activité (salaires et autres BIC).

Ce statut s’applique à l’ensemble des locations meublées du foyer, qu’elles soient saisonnières ou annuelles, du moment qu’elles sont exercées à titre « professionnel et habituel ». Aussi, il n’oblige pas le LMP à une inscription au Registre du Commerce et des Sociétés ou au Registre National des Entreprises.  

Le LMP est ainsi soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des BIC s’il exerce son activité en tant qu’entreprise individuelle ou à l’impôt sur les sociétés s’il l’exerce par le biais d’une société (SCI notamment). 

Ce statut permet de bénéficier de certains avantages notamment pour l’impôt sur la fortune immobilière et les déficits à l’IR.

Or, le statut de LMP suppose des recettes annuelles dépassant 23 000€ tandis que le régime micro-BIC ne s’applique que si les recettes ne franchissent pas 15 000€. Les LMP dépassent donc de plein droit, le seuil des micros-BIC. 

Pour résumer :

Recettes annuelles en 2023Régime MICRO BICStatut de loueur meublé 
Moins de 15 000€MICRO BIC / Option régime réelNON PROFESSIONNEL
Entre 15 000 et 23 000€Régime réelNON PROFESSIONNEL
Plus de 23 000€Régime réelPROFESSIONNEL

Nous voyons donc bien que les loueurs en meublé professionnels sont exclus du régime du micro-BIC dans tous les cas.

II/ Une modification discutée au regard du contexte de son adoption

À la lecture du projet de loi de finances pour 2024 (PLF), celui-ci prévoyait un simple alignement du régime des meublés de tourisme classés, au régime des meublés classiques (de tourisme ou non). Il était prévu que les meublés de tourisme, location classée et non classée, relèveraient du seuil de 77 700€ et donc de l’abattement de 50%. Alors même que les députés avaient voté cet amendement, les sénateurs ont voulu aller plus loin en appliquant les modalités du régime micro-foncier en matière de location de meublés de tourisme, en maintenant simplement l’abattement supplémentaire des locations classées. 

Ensuite, par l’usage de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, le Gouvernement a intégré par erreur cet amendement, le ministère de l’Économie ayant admis cette maladresse ; il explique que l’article sera « modifié à l’occasion d’un prochain vecteur législatif au plus tard dans le budget 2025 », la disposition n’ayant « pas vocation à s’appliquer dans l’intervalle ». Cette erreur n’est pas passée inaperçue aux yeux de l’opposition et des spécialistes du droit fiscal : « Bercy a laissé dans le budget l’amendement parlementaire qui règle son sort à la niche fiscale Airbnb », Sébastien Jumel, député communiste, 15 décembre 2023 sur X (ex-Twitter).

III/ La réaction de la doctrine administrative

Pour mettre fin aux débats et à la confusion, le 14 février 2024 est apparue dans le BOFIP une « actualisation du seuil de tolérance administrative » qui suit la position du Gouvernement. Par principe, l’article 45 de la loi de finances s’applique aux revenus locatifs perçus durant l’année 2024. On comprend alors de suite que les contribuables passant du régime micro au régime réel, du fait de la baisse du seuil de chiffre d’affaires, se voient confronter à une difficulté : l’obligation d’une comptabilité pour l’année 2023. Ils sont donc contraints de la reconstituer a posteriori, l’année 2023 étant achevée. Aussi, comme vu précédemment, le statut de loueur meublé professionnel est exclu du bénéfice du micro-BIC et de ses déclarations simplifiées. L’administration est alors venue admettre une tolérance pour surmonter ces obstacles. De ce fait, uniquement pour leurs revenus locatifs de 2023, les contribuables auront le choix d’appliquer le nouveau régime ou le régime antérieur à la loi de finances, sans préciser si cette tolérance est applicable de droit ou sur option. La doctrine vient donc autoriser l’application d’une disposition fictive car abrogée et donc l’admission d’une doctrine contra legem. 

De ce fait, par une requête le 14 mars 2024  auprès du Conseil d’Etat, l’Association pour un tourisme professionnel, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie et le Groupement des hôtelleries et restaurations de France demandent au juge des référés du Conseil d’Etat de suspendre l’exécution des commentaires administratifs publiés le 14 février 2024 au BOFiP. La réponse du Conseil d’État est la suivante : “Toutefois, dès lors que les recours pour excès de pouvoir introduits par les requérants seront appelés à une audience dans les prochaines semaines au rapport de la 8ème chambre de la section du contentieux du Conseil d’Etat et qu’il n’apparaît pas (…) que la mise en oeuvre de la mesure contestée caractériserait une situation d’urgence telle qu’elle justifie la suspension de son exécution sans attendre le jugement au fond, les présentes requêtes doivent être rejetées.”

La location de meublé de tourisme est donc une affaire à suivre attentivement dans les prochains mois.

Charline BLIAULT, 

Étudiante en Master 2 Droit des Affaires et Fiscalité.

Sources : 

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