Le secret des affaires 

Le secret des affaires est une notion fondamentale en droit commercial et en droit des affaires. La loi du 30 juillet 2018 est venue combler un vide juridique relatif à la protection d’une information au titre du secret des affaires en créant un titre V « de la protection du secret des affaires », inséré dans le livre 1er du Code de commerce. Ce texte avait fait l’objet d’une validation au préalable par le Conseil constitutionnel qui n’opposa pas de réserve (Cons. const., 26 juillet 2018, n° 2018-768 DC).

Le dessein de cette loi consiste à étendre la sphère des informations gardées secrètes afin de protéger les entreprises contre le pillage d’innovations, étant un élément inhérent au développement d’une entreprise. 

Sa mise en œuvre doit également conduire à lutter contre la concurrence déloyale ; celle-ci est caractérisée lorsqu’une entreprise, par son comportement sur le marché, cause à une autre entité une atteinte préjudiciable telle qu’une perte d’exploitation ou de clientèle notamment à la suite d’un dénigrement ou d’un vol d’informations essentielles à l’activité de l’entreprise.

La notion de secret des affaires n’est pas nouvelle en droit français, seulement, elle n’était pas codifiée dans le code de commerce. Il fallait alors se reporter au droit commun (droit civil, pénal, ou droit de la propriété industrielle). Avec cette nouvelle loi, qui insère dans le Code de commerce les articles 151-1 et suivants, il existe désormais un principe codifié de la protection du secret des affaires (A), d’où la nécessité de prévoir les sanctions de sa violation (B). Cependant, ce principe n’est pas absolu, c’est pourquoi certains cas nécessitent que des limites soient posées (C).   

A.   La protection du secret des affaires

Dans le nouvel article L.151-1, le Code de commerce établit les conditions pour que l’information entre dans le champ de la protection du secret des affaires. Ces conditions sont au nombre de trois, l’information doit être secrète, elle doit avoir une valeur commerciale et elle doit faire l’objet de protection raisonnable par son détenteur. À noter que ces conditions sont cumulatives.

  • Une information secrète 

Dans un premier temps, le 1° de l’art L.151-1 indique que l’information ne doit pas être “généralement connue ou aisément accessible”. Cela vise ainsi une information disposant d’un caractère secret et n’ayant pas été délivrée au public ou à l’ensemble d’un secteur d’activité.

L’information peut être : commerciale, industrielle, technique, stratégique ou encore être un savoir-faire. La loi n’opère pas de restriction quant à la nature de l’information concernée ou le support sur lequel elle a été diffusée.

  • Une information à valeur commerciale

De plus, l’article L.151-1 du Code de commerce impose que l’information dispose d’une valeur commerciale. Cette valeur marchande de l’information doit résulter de son caractère confidentiel. En effet, ne pas dévoiler l’existence de l’information permet à la structure la détenant de préserver son intérêt commercial.

  • Une information ayant fait l’objet d’une protection par son détenteur

En vertu de l’article L.151-1 3°, afin de préserver son caractère confidentiel, l’information doit avoir fait l’objet de mesures raisonnables de protection de la part de son détenteur. Il reviendra au juge d’apprécier la teneur juridique et matérielle de la protection mise en place par le détenteur.

Parmi les mesures matérielles de protection exercées par le détenteur, un cadre informatique tel qu’un pare-feu pourra être mis en œuvre. Une protection physique peut également être instaurée comme un contrôle de l’accès à l’entreprise où se situe l’information. La conservation peut encore être réalisée juridiquement. Ces règles protectrices prendront notamment la forme d’une clause de confidentialité insérée dans le contrat.

Le Code de commerce a apporté une précision ; est qualifié de détenteur légitime d’un secret des affaires au sens de l’article L.151-2 celui qui en a le contrôle de façon licite. 

B. Les sanctions en cas d’atteinte au secret des affaires

La loi de 2018 donne un rôle actif au juge, elle lui permet de prévenir, faire cesser et réparer une atteinte au secret des affaires.

Les sanctions sont généralement d’ordre civil, bien que la directive de juin 2016 prévoit une faculté pour les États membres d’établir des sanctions pénales. Elles sont désormais prévues aux articles L.152-1 et suivant du code de commerce.

Le délai de prescription de l’action civile est de 5 ans (délai de droit commun), il court à compter de l’exécution des faits en cause de l’action.

L’auteur de la violation est alors tenu responsable selon les règles générales du droit civil. Il devra réparer le préjudice, en versant des dommages et intérêts qui seront évalués par le juge selon la gravité des conséquences économiques de l’atteinte au secret des affaires telles que le manque à gagner, les préjudices moraux, ainsi que les bénéfices réalisés par l’auteur de la violation (art L. 152-6 c. com).

De plus, le tribunal peut ordonner la publication de sa décision tout en préservant le secret des affaires. Cette publication se fera aux frais de l’auteur de l’atteinte.

Le juge peut également prendre des mesures préventives ou faire cesser une atteinte au secret professionnel. En effet, l’article L.152-3 dispose qu’il peut « prescrire, y compris sous astreinte, toute mesure proportionnée de nature à empêcher ou à faire cesser une telle atteinte », telles que l’interdiction d’utilisation ou de divulgation du secret des affaires, la destruction de documents contenant le secret des affaires, ou encore le rappel des produits issus de la violation du secret des affaires. De nouveau, ces mesures devront être ordonnées aux frais de l’auteur de l’atteinte, sauf circonstances particulières. 

Les articles L152-4 du Code de commerce et R557-3 du Code de justice administrative (pour la procédure administrative) permettent à la juridiction, sur requête ou en référé, de prendre par voie d’ordonnance des mesures dans le but de prévenir ou faire cesser une atteinte illicite au secret des affaires. Ces articles renvoient à l’article R152-1 du Code de commerce qui dresse une liste non exhaustive des mesures qu’elle peut notamment prendre.

Toutefois, l’auteur de la violation peut demander à la juridiction de substituer aux mesures précédentes le versement d’une indemnité à la victime, sous réserve qu’elle n’ai pas eu connaissance de l’illégalité de l’utilisation de l’information entrant dans le domaine du secret des affaires au moment de son utilisation ou de sa divulgation. 

C. Les limites à la protection 

Il existe des exceptions à ce cadre protecteur au titre d’un usage légitime d’une information au nom de la préservation de multiples intérêts. Les articles L.151-7 et suivants énumèrent ces limites à la protection du secret des affaires. 

La loi de juin 2018 prévoit les cas dans lesquels la divulgation du secret des affaires est licite, sans que le détenteur légitime n’ait à donner son consentement. Ces exceptions sont au nombre de trois (art. L.151-7 à L151-9 c. com).

  • Le secret des affaires n’est pas opposable aux autorités juridictionnelles ou administratives dans l’exercice de leur pouvoir d’enquête, de contrôle, d’autorisation ou de sanction. C’est notamment le cas de l’instruction in futurum prévue par l’article 145 du Code de procédure civil. Cet article permet au Président du Tribunal d’ordonner des mesures d’instruction s’il y a un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige.
  • Il n’est pas applicable lorsque l’information est divulguée pour permettre l’exercice de droits fondamentaux tels que la liberté d’expression et de communication, ou encore la liberté d’information protégée à l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La liberté de la presse entre dans le champ de la protection offrant ainsi une préservation du travail des journalistes. Pour preuve, la révélation du scandale fiscal des “Panama Papers” – qui a contribué au redressement fiscal de 219 contribuables en France pour un montant de 195,5 millions d’euros – n’aurait pas été permise en cas de blocage de l’information. De même, l’information n’entre pas dans le champ protecteur du secret des affaires lorsqu’elle a pour objet d’éclairer sur une activité illégale afin de protéger l’intérêt général.
  • Enfin, il n’est pas opposable aux salariés lorsque son obtention est intervenue dans le cadre de l’exercice du droit à l’information et à la consultation de ceux-ci ou de leurs représentants. Les salariés sont également protégés lorsque la divulgation du secret est intervenue dans le cadre de l’exercice légitime de leurs fonctions. 

Ces exceptions ne jouent pas en matière de sécurité nationale eu égard à la nature particulièrement sensible de ce domaine. La compromission d’une information touchant à la défense nationale est sanctionnée par l’article 413-10 du Code pénal d’une peine d’emprisonnement et d’une amende dont le montant peut atteindre 100 000 euros.

Max Virey et Victorien Cosson – Master 1 Droit des Affaires et Fiscalité

SOURCES : 

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