Nouveauté : Le bail réel solidaire d’activité


La loi Différenciation, Décentralisation, Déconcentration et Simplification dite loi 3DS a élargi les compétences des organismes de foncier solidaire (OFS) pour inclure la réalisation et la cession de locaux d’activité, sur le modèle du bail réel solidaire (BRS). En conséquence, l’ordonnance n° 2023-80 du 8 février 2023 a institué le cadre juridique du bail réel solidaire d’activité (BRSA), défini aux articles L. 256-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation (CCH).

  1. Définition

L’article L. 256-1 du CCH définit le bail réel solidaire d’activité comme un bail d’une durée comprise entre 12 et 99 ans, consenti par un organisme de foncier solidaire et permettant la location ou l’accession à la propriété de locaux professionnels ou commerciaux selon des conditions de prix et des obligations liées à la construction ou la réhabilitation fixées à l’article L. 329-1 du code de l’urbanisme.

Cet article définit les missions des OFS, qui consistent principalement à gérer des terrains et des biens immobiliers pour construire des logements abordables et des équipements collectifs, tout en favorisant la mixité fonctionnelle.

  1. La création du bail réel solidaire d’activité (BRSA) s’inscrit dans un dispositif juridique défini

Les organismes de foncier solidaire (OFS), créés par la loi ALUR (L. n° 2014-366, 24 mars 2014), visent à développer une offre de logement basée sur l’accession sociale à la propriété, notamment en proposant des prix durablement abordables. 

Le dispositif repose sur le principe de la dissociation de la propriété foncière et de la propriété bâtie mis en œuvre par le BRS (CCH, art. L. 255-1 et s.). Cette dissociation signifie que le propriétaire du terrain (qui peut être un OFS) reste distinct du propriétaire des constructions ou des bâtiments qui y sont érigés. Dans le cadre du bail réel solidaire, le propriétaire du terrain consent un bail à long terme à un tiers (par exemple, un locataire ou un acquéreur) pour la construction ou l’occupation de logements ou de locaux commerciaux. Le locataire ou l’acquéreur devient ainsi propriétaire des constructions tout en étant locataire du terrain. Cette dissociation permet au propriétaire du terrain de maintenir le contrôle sur l’utilisation du foncier tout en facilitant l’accès à la propriété ou à la location des bâtiments pour des personnes aux ressources modestes.

Le caractère abordable réside dans le fait qu’en dissociant la propriété foncière de la propriété bâtie, le BRS permet d’abaisser le prix de commercialisation des logements à des prix pouvant être de 30 à 50 % plus faibles que sur le marché.

Cette dissociation entraîne une diminution des prix pour plusieurs raisons :

–        Contrôle sur le foncier : Le propriétaire foncier garde la propriété du terrain tout en accordant un bail à long terme pour la construction ou l’occupation des bâtiments. Ceci lui permet de contrôler l’utilisation du terrain sans le vendre, évitant ainsi de répercuter le coût initial de l’acquisition du terrain sur le prix de vente ou de location des bâtiments ;

–        Baisse des coûts de construction : Les coûts liés à l’acquisition du terrain représentent souvent une part importante du coût total de construction d’un logement ou d’un bâtiment. En dissociant la propriété foncière, le BRS permet de réduire ces coûts initiaux, ce qui se traduit par une diminution du prix de commercialisation des logements ;

–        Accessibilité aux ressources modestes : En offrant des prix de vente ou de location de 30 à 50 % moins élevés que ceux du marché, le BRS facilite l’accès à la propriété ou à la location pour des personnes aux ressources modestes. Cette accessibilité accrue contribue à réduire les inégalités en matière de logement et favorise l’inclusion sociale.

Le caractère social réside dans le fait que les prix de vente des logements sont plafonnés et que les acquéreurs doivent satisfaire des critères de conditions de ressources. Les ménages sont titulaires d’un droit réel immobilier (droit sur des biens), de façon temporaire, et doivent s’acquitter d’une redevance pour le foncier qui reste la propriété de l’OFS. Cette redevance pour le foncier vise à compenser l’utilisation du terrain sur lequel les logements sont construits, tout en restant la propriété de l’OFS. Cela signifie que les ménages, bien qu’ils détiennent un droit réel immobilier sur les bâtiments, doivent payer une redevance pour l’occupation du terrain, qui reste la propriété de l’OFS.

La conservation du caractère abordable de cette offre de logement est garantie par l’encadrement des prix de cession et par une durée du bail réinitialisée à chaque cession des droits réels.

Le dispositif a été une première fois élargi par la loi ELAN (L. n° 2018-1021, 23 novembre 2018) qui permet aux organismes de logements sociaux et aux sociétés d’économie mixte de se voir agréer en tant qu’OFS. De plus, la loi ELAN a inscrit les OFS et le BRS dans le champ de la politique du logement social, en intégrant le décompte de ces logements dans l’inventaire de l’article 55 de la loi SRU (L. n° 200-1208, 13 déc. 2000).

En complément du bail réel solidaire pour les logements, la loi 3DS n° 2022-217 du 21 février 2022 (art. 106), a élargi le rôle des OFS pour permettre la réalisation et la vente de locaux d’activité sur les terrains destinés à la construction de logements. L’objectif est de promouvoir la mixité dans les projets immobiliers et d’encourager l’implantation d’entreprises dans des zones à revitaliser. Une ordonnance du 8 février 2023, prise sur le fondement de cette loi, a créé le bail réel solidaire d’activité (BRSA).

  1. Le bail réel solidaire d’activité (BRSA) s’inspire des principes du bail réel solidaire (BRS)

L’ordonnance crée un nouveau chapitre dans le Code de la construction et de l’habitation dédié au BRSA. Ce contrat s’inspire largement des éléments constitutifs du BRS, notamment :

–        le principe de la dissociation de la propriété foncière et de la propriété bâtie, avec le versement d’une redevance foncière à l’OFS ;

–        un bail de longue durée (entre 12 et 99 ans), avec un caractère rechargeable après chaque cession ;

–        la possibilité de céder les droits réels à tout moment sous réserve d’un encadrement des prix de cession.

  1. Les spécificités du bail réel solidaire d’activité (BRSA)

Le BRSA se distingue du BRS, avec notamment :

–        La qualité du preneur (articles L.256-2 à L.256-5 CCH) : Il ne peut être qu’une micro entreprise au sens de la recommandation de la Commission européenne n° 2003/361/CE du 6 mai 2003 (moins de 10 salariés et 2 millions d’euros de bilan ou de chiffre d’affaires). L’entreprise occupe et exploite les locaux sans les louer ;

–        L’adaptation de la durée minimale du bail (nouvel article L.256-1 CCH) : 12 ans pour le BRSA contre 18 pour le BRS ;

–        La nature de l’activité exercée dans le local (nouvel article L.256-7 CCH) : L’ordonnance prévoit la possibilité pour les OFS de déterminer dans le bail la nature des activités exercées dans le local ;

–        Evolution de la redevance versée par le preneur (article L.256-8 CCH) : Elle tient compte des avantages de toute nature procurés au preneur et peut être composée d’une part fixe et d’une part variable ;

–        L’OFS dispose d’un droit de préemption à l’occasion de toute cession ou donation. Il peut donc racheter les droits réels immobiliers afférents au local ou les faire acquérir par un bénéficiaire répondant aux conditions d’acquisition. L’OFS doit faire connaître sa décision d’exercer son droit de préemption dans un délai de 2 mois à compter de la transmission de l’offre préalable de cession ou de donation (ce délai est prorogé d’un mois en cas de refus de l’agrément) ;

–        La transmission des droits du preneur : Les droits réels afférents au bien objet du BRSA sont transmis à l’ayant droit en cas de décès du preneur, transfert du patrimoine ou transfert universel du patrimoine professionnel.

Avec ce nouveau bail, les OFS pourront céder des locaux d’activité à des micro entreprises à des conditions avantageuses.

Pour conclure, deux possibilités de mise à disposition de ces locaux sont offertes :

–        les OFS peuvent céder les droits réels des locaux directement à des micro entreprises qui pourront être titulaires du bail, moyennant une redevance foncière et sans possibilité de sous-location ;

–        les établissements publics locaux et les entreprises publiques locales peuvent acquérir les droits réels auprès des OFS et être ainsi titulaires du bail afin de les louer à des micro entreprises à des niveaux de loyers modérés, sans possibilité de sous-location.

L’ordonnance précise par ailleurs les conditions de cession de ces locaux et prévoit notamment l’obligation d’une publicité préalable dans un objectif de transparence des contrats conclus.

« Ce nouveau dispositif répond donc aux attentes de nombreux élus locaux. Il est un outil de plus à la main des territoires et des élus afin de créer durablement de la mixité, de l’animation et de la proximité« , assure le Gouvernement.

Kassandra DEBEUGNY – Master 2 Droit des Affaires et Fiscalité

SOURCES :

●      Légifrance : Ordonnance n°2023-80 du 8 février 2023 relative au bail réel solidaire d’activité

●      Légifrance : Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2023-80 du 8 février 2023 relative au bail réel solidaire d’activité

●      Collection des discours publics : Conseil des ministres du 8 février 2023

●      Lexis 360 Intelligence : Droit des affaires – Création du bail réel solidaire d’activité. – Veille –

●      Dalloz : Un nouveau-né : le bail réel solidaire d’activité – Christophe Otero – AJCT 2023. 137

●      La base Lextenso : Création du bail réel solidaire d’activité

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