Le suivi socio-judiciaire

Le 20 mars 2024, la chambre criminelle de la Cour de cassation a effectué un revirement de jurisprudence concernant le suivi socio-judiciaire. Désormais, le défaut de délivrance des avertissements n’est plus susceptible d’emporter la nullité de la décision.

Mais en réalité, qu’est-ce qu’un suivi socio judiciaire ?

Le suivi socio-judiciaire est prévu aux articles 131-36-1 à 131-36-8 du Code pénal et aux articles 763-1 à 763-9 du Code de procédure pénale. Il peut s’appliquer tant aux majeurs qu’aux mineurs. Il s’agit d’une sanction qui emporte, pour le condamné, l’obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l’application des peines et pendant une durée déterminée par la juridiction de jugement, à des mesures de surveillance et d’assistance destinées à prévenir la récidive.

En principe, il s’agit d’une peine complémentaire, mais le suivi socio-judiciaire peut aussi être prononcé à titre de peine principale en matière délictuelle.

La durée du suivi socio-judiciaire ne peut pas excéder 10 ans en matière délictuelle et 20 ans en matière criminelle sauf décision spécialement motivée de la juridiction de jugement.

Le suivi socio-judiciaire ne peut être prononcé que dans les cas prévus par la loi. Pour une liste non-exhaustive des infractions qui peuvent faire l’objet d’un prononcé d’une peine de suivi socio-judiciaire, on retrouve :

–       Le viol ;

–       La corruption de mineurs ;

–       L’enlèvement et la séquestration ;

–       Les violences aggravées …

Le suivi socio-judiciaire est obligatoire en matière d’infractions relatives aux articles 222-8, 222-10, 222-12, 222-13 et 222-14 du Code pénal, lorsqu’elles sont commises sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif et constituent des violences habituelles, comme l’indique l’article 222-48-1 alinéa 3 du Code pénal. Il est aussi obligatoire lorsqu’on est en présence de tortures ou d’actes de barbarie ou des infractions définies aux articles 222-18-4 et 222-23 à 222-32.

Toutefois, cette obligation disparaît en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement assortie du sursis probatoire ou de décision spécialement motivée du tribunal correctionnel.

En cas de condamnation à une peine de suivi socio-judiciaire, la personne condamnée doit se soumettre aux mesures de surveillance de l’article 132-44 du Code pénal, à savoir, entre autres :

–       Répondre aux convocations du juge de l’application des peines ;

–       Prévenir le SPIP de ses changements d’emplois ou de résidences ou de tout déplacement pour une durée supérieure à 15 jours ;

–       Informer préalablement le juge de l’application des peines de tout déplacement à l’étranger.

Cette liste n’est évidemment pas exhaustive, elle ne représente qu’un échantillon de ce que prévoit l’article 132-44 du code pénal.

Enfin, et comme pour toute mesure prononcée, en cas de non-respect de ce suivi socio judiciaire, des sanctions peuvent être prononcées. Ces sanctions sont prévues directement par la juridiction de jugement, qui indique lors du prononcé de la peine, la sanction encourue en cas de non-respect de ce suivi socio-judiciaire. Un maximum légal est tout de même fixé à l’article 131-36-1 du code pénal, et qui prévoit qu’en matière délictuelle, la sanction maximale est de 3 ans d’emprisonnement et en matière criminelle de 7 ans d’emprisonnement en cas de violation des obligations du suivi socio-judiciaire.

Qu’en est-il de la portée de ce revirement de jurisprudence ?

Pour en revenir à ce revirement de jurisprudence du 20 mars 2024, à l’origine, la Haute Cour exigeait un avertissement non-discutable c’est-à-dire qu’elle estimait que les juges du fond, lorsqu’ils prononçaient cette peine, devaient avertir le condamné des obligations découlant de ce suivi socio-judiciaire et des conséquences en cas de non-respect. C’est par exemple ce qui ressort de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 10 novembre 2021. Par conséquent, le défaut de délivrance de cet avertissement menait inévitablement à la cassation des arrêts se prononçant sur les peines encourues en cas de violation des obligations du suivi socio-judiciaire.

Mais par cette récente décision, le défaut de délivrance de cet avertissement n’est plus susceptible de mener à la nullité de la décision portant sur la peine prononcée en cas de violation des obligations du suivi socio-judiciaire.

Une critique peut être soulevée à la suite de cette décision. En effet, comme la Cour de cassation l’indique, le Code pénal ne prévoit pas que la délivrance des avertissements se fait à peine de nullité. Cependant, le Code pénal impose au président de la juridiction de jugement d’avertir le condamné des obligations qui résultent de ce suivi socio-judiciaire et des conséquences qu’entraîneraient leur inobservation, ce qui ne semble pas être le cas dans cet arrêt du 20 mars 2024.

Laura LOIZEL Master 2 Justice, Procès, Procédures

Sources :

Crim. 20 mars 2024, FS-B, n° 23-80.886

Crim. 10 nov. 2021, n° 20-86.292

Charlent, Fanny. « Suivi socio-judiciaire : revirement de jurisprudence au sujet du défaut de délivrance des avertissements.» Dalloz – Pénal (4 avril 2024).

Code de procédure pénale . 2024. articles 763-1 à 763-9.

Code pénal. 2024. articles 131-36-1 à 131-36-8.

Ferrand, Clémence et Bitton Avi. «Le suivi socio-judiciare: obligations et sanctions du condamné.» (18 mai 2021).

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