Les règles spécifiques au cautionnement

Il existe un adage selon lequel « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». Malgré de bonnes intentions, nos actions peuvent mener à des conséquences parfois inattendues et désastreuses. En matière de cautionnement, l’intention de la caution de réaliser une bonne action et de faciliter l’obtention d’un prêt pour un proche peut parfois se retourner contre lui et le mettre dans une situation d’endettement. C’est pourquoi, certaines règles sont mises en place afin de protéger la caution et d’éviter de la mettre dans une situation difficile.

L’article 2288 alinéa 1er du Code civil définit le cautionnement comme « le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci ». Le cautionnement est le contrat en vertu duquel une personne, se portant caution de l’obligation d’autrui, s’engage envers les créanciers à payer la dette du débiteur, pour le cas où celui-ci n’y satisferait pas lui-même.

L’idée est qu’il y a un rapport principal entre le créancier et le débiteur et pour renforcer les chances du créancier d’être payé, on rajoute un contrat conclu entre le créancier et un tiers, ce tiers est la caution. Ce deuxième contrat comporte un engagement de la caution de payer en cas de défaillance du débiteur.

Historiquement le cautionnement est un acte de bienfaisance, un acte d’ami. Les amis ou la famille du débiteur principal s’engagent comme caution pour rendre service au débiteur principal. Si je me porte caution, je rassure le créancier pour qu’il accepte plus facilement de faire crédit. La cause du cautionnement ne se trouve pas dans le cautionnement, on la trouve dans les relations entre le débiteur principal et la caution (relation affective) ex : les parents qui se portent caution pour leur enfant.

Le cautionnement est un contrat particulièrement dangereux car la caution s’engage à payer la dette d’autrui, et ne maîtrise pas le comportement du débiteur de l’obligation principale. Au regard de cette gravité, il existe plusieurs règles permettant de protéger la caution, notamment, des règles de formalisme, un devoir de mise en garde et le respect du principe de proportionnalité.

Le formalisme – Les règles de formalisme du cautionnement découlent de l’article 2297 du Code civil. Ce texte impose à la caution d’écrire précisément qu’elle s’engage en tant que caution. C’est une innovation de la réforme de 2021, et une rupture avec le droit existant avant 2021. Le principe, en droit commun des contrats, est le principe du consensualisme, le seul consentement des parties au contrat suffit à la formation de celui-ci.  Or, cette règle n’est pas adaptée dans le cadre d’un contrat aussi dangereux. Il était donc nécessaire d’attirer l’attention de la caution sur la gravité de son engagement. Un formalisme s’est progressivement imposé.

L’acte juridique sous seing privé par lequel une personne s’engage à payer une somme d’argent devait, en application de l’ancien article 1326 du Code civil, contenir la mention manuscrite « de la somme (…) en toutes lettres et en chiffre ». La mention manuscrite était destinée à protéger le débiteur contre de possibles altérations de l’acte par le créancier. La portée de cette mention manuscrite était strictement probatoire mais à partir de 1970, cette mention est devenue le moyen de faire prendre conscience à la caution de la réalité de son engagement. La première chambre civile de la Cour de cassation transforma la nature de la mention manuscrite initialement probatoire, en une règle de forme dont dépendait la validité du cautionnement. L’absence de mention manuscrite ou son imprécision devenait irrémédiable car « elle révélait l’absence ou l’incertitude du consentement ». La règle de preuve était devenue une condition de forme dont dépendait la validité du cautionnement.

Aujourd’hui l’ordonnance du 15 septembre 2021 est venue simplifier le régime de la mention manuscrite qui est requise ad validitatem. L’article 2297 du Code civil étend l’exigence à tout cautionnement souscrit par une personne physique peu importe que le créancier soit professionnel ou non. Concernant le contenu de la mention, ce nouvel article n’impose pas à la caution de recopier simplement une formule prédéterminée par la loi. La personne doit librement rédiger sa mention à partir des éléments fournis par le texte. Ainsi, doit apparaître :

▪       L’indication que la caution s’engage, en cette qualité, à payer au créancier ce que lui doit le débiteur principal en cas de défaillance de celui-ci.

▪       Le montant à concurrence duquel la caution peut être appelée en paiement, incluant le principal et l’accessoire de la dette.

▪       La reconnaissance par la caution qu’elle ne peut exiger du créancier en cas de pluralité de cautions, qu’il divise entre elles ses poursuites (bénéfice de division) ou exiger que le créancier poursuive d’abord le débiteur (bénéfice de discussion). À noter que, la durée du cautionnement n’est plus un élément nécessairement inclu dans la mention obligatoire.

Le devoir de mise en garde Le devoir de mise en garde est originairement une création prétorienne, et a été consacré par l’ordonnance du 15 septembre 2021. Avant la réforme, la jurisprudence mettait à la charge du créancier professionnel, l’obligation d’attirer l’attention de la caution non avertie sur les dangers et les risques d’un tel contrat au regard de sa situation, ou de l’étendue de l’engagement. Le risque pour la caution non avertie est un engagement excessif ou un endettement. En cas de non-respect de cette obligation par le créancier professionnel, celui-ci s’exposait à une condamnation à des dommages et intérêts pour une « perte de chance de ne pas contracter ». Dans son arrêt du 19 mai 2021, la Cour de cassation nous disait que « la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non-avertie, si au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté à ses capacités financières ».

L’introduction de l’article 2299 Code civil par l’ordonnance du 15 septembre 2021 apportent plusieurs changements. Cet article prévoit que « Le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l’engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier. A défaut, le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci. ». Trois nouveautés ressortent de cet article :

▪       Le législateur ouvre le bénéfice de cette mise en garde aux cautions personnes physiques et plus seulement aux cautions « non-averties »

▪       Concernant le contenu de la mise en garde, elle se limite désormais à la seule insuffisance des capacités financières du débiteur principal de faire face à son obligation. Le caractère excessif de l’engagement souscrit par la caution ne relève plus du devoir de mise en garde mais relève du principe de proportionnalité. La personne physique ne doit pas mettre en garde la caution, elle doit mettre en garde le débiteur de l’obligation principale.

▪       Enfin, en cas de violation de l’obligation de mise en garde, le législateur met à la place de l’allocation de dommages et intérêts, en place un système de déchéance du créancier dans le bénéfice du cautionnement à hauteur du préjudice subi par la caution.

L’exigence de proportionnalité Comme pour la mention manuscrite et le devoir de mise en garde, l’ordonnance du 15 septembre 2021 a intégré l’exigence de proportionnalité du cautionnement au sein du code civil et plus particulièrement à l’article 2300 du Code civil qui prévoit que « Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s’engager à cette date. »

Le principe de proportionnalité est apparu par une loi du 31 décembre 1989 « loi Neiertz », instituant la procédure de surendettement. Dans cette loi le législateur a visé l’hypothèse du cautionnement souscrit par une personne physique au bénéfice d’un établissement de crédit et a exigé que ce cautionnement soit proportionné, qu’il soit en rapport avec l’actif de la caution (ses biens et ses revenus).

La jurisprudence a ensuite étendu contra legem le champ de cette proportionnalité ; notamment dans l’arrêt « Macron » de la chambre commerciale en 1998. La Cour d’appel a retenu la faute de la banque qui selon elle, a fait souscrire un cautionnement « sans aucun rapport avec le patrimoine et les revenus ». La chambre commerciale de la Cour de cassation va approuver la décision de la cour d’appel de sanctionner la faute commise par le créancier par une condamnation à des dommages et intérêts dont le montant est fixé à ce qui excède l’actif de la caution au jour de son cautionnement.  La jurisprudence a ensuite précisé le principe de proportionnalité dans l’arrêt « Nahoum » de la chambre commerciale le 8 octobre 2002. Cet arrêt exclu le principe de proportionnalité pour les cautions « intégrées ».  Enfin, la loi « Dutreil » du 1er août 2003 étant l’exigence de proportionnalité à tous les cautionnements donnés par des cautions personnes physiques au bénéfice de créanciers professionnels.

L’article 2300 du Code civil est un texte de continuité et de rupture avec la jurisprudence ; concernant la continuité, le texte maintient une exigence générale de proportionnalité. Pour établir la disproportion, il faut tenir compte de l’ensemble des charges auxquelles doit faire face la caution au jour de son engagement, y compris les cautionnements antérieurs. Seules les charges connues de la caution sont prises en compte. En plus des charges, il faut prendre en compte les biens et revenus de la caution. Les biens correspondent à ceux dont pourrait disposer la caution.

Le texte est aussi en rupture avec la jurisprudence concernant la sanction. La sanction d’un cautionnement disproportionné est la réduction de la caution au montant à hauteur duquel elle pouvait s’engager à cette date. On se rapproche de la jurisprudence “Macron” mais la différence est qu’on distingue le moment d’appréciation du cautionnement disproportionné. Dans l’arrêt “Macron” on appréciait le préjudice au jour de l’appel en garantie, c’est-à-dire au moment de l’appel en cause par le défendeur en vue d’obtenir garantie. Avec l’article 2300 le cautionnement est réduit à hauteur de ce que la caution aurait pu s’engager au jour de la souscription du contrat de cautionnement.

                                                                  Ronan Capron – – Litique, Master 2 droit privé général

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