Avant de disséquer la fiscalité de la cryptomonnaie, il est nécessaire de comprendre en quoi elle consiste.
La cryptomonnaie, aussi appelée monnaie virtuelle d’un point de vue plus juridique, correspond à unité de compte n’ayant pas cours de monnaie légale. Il s’agit donc d’une unité de compte stockée sur un support électronique créée par un groupe de personnes, hors Etat et groupe monétaire, ayant pour but de comptabiliser les échanges de biens et services au sein d’un groupe.
Il est essentiel de comprendre qu’une monnaie virtuelle n’est pas constitutive d’une créance mais d’un titre. C’est en ça qu’elle se distingue de la monnaie électronique qui possède quant à elle une valeur monétaire et est constitutive d’une créance.
Fiscalement, la monnaie virtuelle se voit imposer à différents moments, notamment lorsque celle-ci génère une plus-value due à la cession de cette monnaie virtuelle ou lorsqu’elle est cédée en contrepartie d’une activité de minage.
I- L’imposition des plus-values de vente de crypto monnaies
A- Plus-values réalisées par des professionnels
Depuis le 1er janvier 2023, les cessions de monnaie virtuelle réalisées de façon habituelle entraînent une plus-value imposée dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC). Cette nouvelle imposition a été introduite par l’article 70 de la loi de finances pour 2022.
Les cessions réalisées avant le 1er janvier 2023 étaient quant à elles imposées dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).
B- Plus-values réalisées par des particuliers
Avant la loi de finances pour 2019, l’administration taxait les gains de cessions à titre onéreux d’unités d’actifs numériques par un particulier dans la catégorie des BNC.
Depuis le 1er janvier 2019, les plus-values constatées par un particulier à l’occasion de cessions occasionnelles d’actif numérique à titre onéreux sont soumises à l’IR au taux forfaitaire de 12,8%.
Il existe cependant quatre conditions cumulatives :
- La cession porte sur des actifs numériques au sens de l’article 150 V H Bis du code général des impôts (CGI).
- Il s’agit d’une cession à titre onéreux. Il existe un cas particulier qui est celui des opérations d’échange d’actifs numériques sans soulte. Ces cessions sont appelées opérations intercalaires non imposables. Elles ne sont donc pas imposables et bénéficient d’un sursis d’imposition.
- L’opération doit être réalisée par une personne domiciliée fiscalement en France au sens de l’article 4 B du CGI.
- La cession doit revêtir un caractère occasionnel. il peut y avoir plusieurs cessions d’actif numérique sans pour autant que celles-ci revêtent un caractère commercial.
Le bénéfice de cet article s’étend aux sociétés et groupements relevant de l’article 8 du CGI, c’est-à-dire des sociétés de personnes qui exercent une activité non professionnelle.
L’article 150 V H bis précise que ne sont imposables que les opérations d’échanges supérieures à 305 €.
Cet article ajoute que les moins-values réalisées lors de la cession d’actifs numériques ne s’imputent que les plus-values de même nature réalisées au cours de la même année d’imposition.
L’article 92 II 1° bis du CGI considère qu’un particulier réalisant des produits d’opérations d’échange d’achat, de vente, et d’échange d’actif numérique et réalisant son activité de façon analogue à celle exercée par une personne se livrant à une activité professionnelle sera imposée au titre des BNC.
En pratique, la jurisprudence a gardé cette qualification en présence d’outils professionnels ou de pratiques de trading complexes ou lorsque des personnes bénéficient de frais de transaction préférentiels en contrepartie d’un engagement d’effectuer un certain volume d’opération par mois.
La loi de finances pour 2022 permet depuis le 1er janvier 2023 d’opter pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu sur la déclaration n° 2 042 C.
Lorsque les actifs numériques sont attribués à titre gratuit, les produits ne seront pas imposables en BNC, il y aura une imposition au titre des droits de mutation à titre gratuit à hauteur de 60%.
II- Activité de minage
L’activité de minage de cryptomonnaie aussi appelée de minage de bitcoin doit être comprise comme la création de calcul complexe visant à protéger les transactions de monnaie virtuelle. Leur mise à disposition est rémunérée par de nouvelles monnaies virtuelles. En d’autres termes, un particulier participe à la création ou au fonctionnement du système d’unité de compte virtuelle et est rémunéré pour cette action.
Cette activité est bien entendu fiscalisée mais sa fiscalité a fait l’objet de certaines évolutions.
Avant 2018, il était nécessaire de distinguer plusieurs cas de figure :
- A l’IR : activité à titre habituel : imposée en BIC par nature
- A l’IR : activité à titre non habituel : imposée en BNC professionnel
- A l’IS : produit compris dans son résultat imposable et soumis à l’IS dans les conditions de droit commun.
Depuis 2018, les produits de cette activité de minage relèvent de l’article 92 du CGI et sont donc imposés en BNC. Il n’existe plus de distinction entre particulier et professionnel concernant cette activité.
Il est à noter que l’activité de minage n’est pas soumise à TVA mais est soumise à la taxe sur les salaires au taux de 4,25% dès lors qu’un mineur professionnel rémunère un salarié.
III- Obligation déclarative
L’article 1649 bis C du CGI introduit l’obligation déclarative des comptes d’actifs numériques ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger par des personnes physiques et certaines personnes morales, domiciliées fiscalement en France.
Les associations et les sociétés n’ayant pas la forme commerciale sont concernées par cette obligation. Elles sont cependant dispensées de répondre à cette obligation lorsqu’elles sont dispensées de souscrire une déclaration de résultats.
Par actifs numériques, il faut comprendre “des données numériques dont le droit d’usage ou la propriété constitue un élément du patrimoine d’une personne”. Ces actifs numériques peuvent donc être des jetons de crypto-monnaies, des logiciels, des comptes bancaires en ligne ou des contenus numériques comme des films, des livres ou de la musique.
En pratique, cette déclaration a lieu au numéro 3916-3916 bis.
L’article 1736 du CGI sanctionne le non-respect de cette obligation déclarative par une amende de 750 € par compte non déclaré. En outre, il existe une amende forfaitaire de 125 € par omission ou inexactitude. Le montant de ces sanctions peut être doublé lorsque la valeur vénale des comptes dépasse 50 000 euros à un moment quelconque de l’année. Il existe cependant une limite de 10 000 euros de sanction par déclaration.
Tableau récapitulatif :
Cession à titre occasionnel | Cession à titre habituel | Activité de minage |
Article 150 V H bis CGI : A l’IR au taux forfaitaire de 12,8%. Moins-values ne sont imputables que sur plus-values de même nature au cours de la même année d’imposition. Exonération si le prix total de la cession est inférieur à 305€ LF 2022, à partir du 01/01/2023 : possible option pour le barème à travers la déclaration n° 2042 C. Article 92 II 1° bis du CGI : particulier se comportant de façon analogue à un professionnel est imposé en BNC. | Avant 2023 : imposition en BIC. A partir 01/01/2023 : Article 70 LF 2022 : imposition en BNC. | Relève de l’article 92 du CGI : imposition en BNC. |
Déclaration n° 2 086. La différence entre le caractère occasionnel et habituel réside dans la durée entre l’achat et la revente. S’ajoute à l’IR, les prélèvements sociaux à hauteur de 17,2%. PV = prix de cession – [ (prix de cession x prix d’acquisition) / valeur globale du portefeuille au jour de la cession ] |
HUET Elsa, Master 2 Droit des Affaires et Fiscalité
Sources :
- Fiscalité 2.0 Fiscalité du numérique ; Frédéric Douet; 25/01/2023; 4e édition; LexisNexis
- https://www.economie.gouv.fr/cedef/regime-fiscal-cryptomonnaies
- https://www.capital.fr/votre-argent/compte-dactif-numerique-definition-et-declaration-1439664