Définition de la règle de conflit de lois
La règle de conflit de lois est une règle qui va permettre dans sa finalité de désigner une loi applicable dans un litige, en présence d’un ou plusieurs éléments d’extranéité qui rend au conflit un caractère international.
Celle-ci ne va pas directement donner la solution du litige, bien que lorsque l’on est en présence d’une règle de conflit de lois à coloration matérielle, celle-ci recherche un but matériel, par exemple, elle donnera la loi applicable à la filiation d’un enfant. Celle-ci est dite unilatérale lorsqu’elle a pour unique but de déterminer le champ d’application de la loi française.
A contrario, certaines RCL sont bilatérales par nature ou bilatéralisées par la jurisprudence. La RCL dite bilatérale peut désigner textuellement la loi française ou une loi étrangère en fonction de l’élément d’extranéité qu’elle retient. En revanche, la RCL bilatéralisée par les juges correspond en réalité à une RCL a priori unilatérale dont le champ d’application sera étendu afin de pouvoir potentiellement désigner une loi étrangère.
Par exemple, l’article 3 alinéa 3 du Code civil énonce que la loi compétente concernant l’état et la capacité des personnes françaises sera la loi française. En principe, il s’agit ici d’une RCL unilatérale, car cet article se limite uniquement à déterminer le domaine d’application de la loi française et ne dit rien sur la potentielle compétence d’une loi étrangère. Mais par le jeu de la bilatéralisation instaurée par l’arrêt Busqueta du 13 juin 1814, cette loi pourra ainsi selon le cas d’espèce désigner une loi étrangère. En effet, il est déduit que si la loi française est compétente concernant les prérogatives relatives à l’état et à la capacité des personnes françaises, on appliquera la loi étrangère pour les individus ayant une nationalité étrangère pour ces mêmes prérogatives.
Mais elle ne donnera jamais de solution de fond.
En d’autres termes, la règle de conflit de lois permet de déterminer la ‟nationalité” de la loi applicable au litige qui présente des éléments d’extranéité.
Mais avant de déterminer la loi applicable, il est nécessaire de savoir quel élément d’extranéité est visé par cette règle de conflit de lois. Certaines retiennent la loi nationale d’une des parties, d’autres la loi du pays de naissance, ou encore le lieu de domicile ou résidence habituelle.
Cas d’espèce : un mariage Suédo-marocaine célébré en France
Par exemple, un homme de nationalité suédoise vivant en Italie épouse une femme de nationalité marocaine, les deux célèbrent leur union devant l’officier d’état-civil français. Quelques années plus tard, l’époux souhaite annuler son mariage avec son épouse en invoquant, auprès d’une juridiction française, que la nécessité d’avoir deux témoins de sexe masculin n’a pas été respecté dans la mesure où ce sont les deux sœurs de ce dernier qui étaient les témoins. En effet, selon la loi marocaine, loi nationale de son épouse, les témoins doivent obligatoirement être de sexe masculin sans quoi le mariage n’est pas valable.
Nous sommes en présence d’un conflit relatif à un mariage Suédo-marocain célébré en France, dont un époux vit en Italie. Nous avons donc 4 éléments d’extranéité, les nationalités suédoise et marocaine, la résidence en Italie ainsi que le lieu de célébration en France.
Pour résoudre ce conflit, il faut déterminer en premier lieu quel est le domaine applicable, c’est-à-dire la catégorie juridique sous laquelle la question devra être traitée ?
Néanmoins, ce domaine d’application sera-t-il apprécié selon la loi française, italienne, marocaine ou la loi suédoise ?
La jurisprudence de l’arrêt Caraslanis du 22 juin 1955 retient que la qualification se fait lege fori, c’est-à-dire à l’aune du droit duquel le juge est saisi. Appliquée à notre cas d’espèce, la qualification du régime sera faite selon le droit français, car le juge saisi est le juge français.
Le domaine est donc celui du régime relatif aux conditions de forme du mariage. La RCL dans cette matière est l’article 202-2 du Code Civil qui dispose que « Le mariage est valablement célébré s’il l’a été conformément aux formalités prévues par la loi de l’État sur le territoire duquel la célébration a eu lieu. »
Autrement dit, la loi qui s’applique dans ce conflit sera celle du lieu où le mariage a été célébré.
Ainsi, le mariage a été célébré en France. Ce qui signifie que la nécessité imposée par la loi marocaine d’avoir deux témoins masculins ne peut être susceptible de s’appliquer au mariage célébré en France.
Ce mariage a valablement été célébré en respectant les conditions de forme imposée par la loi française et ne peut être a. nnulé sur ce fondement.
Il est toutefois possible de déterminer conventionnellement, dans certains cas, la loi qui sera applicable à un litige présentant des éléments d’extranéité. En effet, à la conclusion d’un contrat, les parties peuvent formuler une clause de choix de lois, également appelée clause compromissoire pour désigner la loi nationale applicable. Par exemple, les parties peuvent choisir en cas de litige d’appliquer sous certaines conditions la loi d’un État alors même que la situation ne présente aucun lien avec cet État, c’est le principe de la liberté contractuelle.
Il est également permis pour certaines questions de recourir à l’accord procédural. Cet accord procédural permet aux parties de permettre au juge de ne pas faire usage de la loi désignée par la RCL lorsque celles-ci n’ont pas formulé de clause de choix de lois ou encore ont changé d’avis concernant celle-ci..
I. N.
Master 1 Droit international, Douanes et Transports