La procédure simplifiée de changement de nom 

La loi n° 2022-301 du 2 mars 2022 a créé une procédure simplifiée de changement de nom ouverte à toute personne majeure. Quasiment deux ans après son entrée en vigueur, l’INSEE a dévoilé les premières statistiques sur l’utilisation de cette procédure. 

Du 1er août 2022 au 31 décembre 2023, 144 100 individus ont modifié leur nom de famille, (que ce soit par substitution, ajout, suppression ou situation plus complexe). Cette période a connu une multiplication par trois des changements de nom par rapport à l’intervalle du 1er mars 2021 au 31 juillet 2022, où 44 000 cas avaient été enregistrés. La majorité des personnes préfère remplacer leur nom par un autre : entre le 1er août 2022 et le 31 décembre 2023, 97 500 personnes ont pris cette décision. 30 700 ont choisi d’ajouter un second nom, tandis que 5 500 ont décidé de supprimer l’un de leurs deux noms de famille. 

La démarche de changement de nom est généralement initiée par des jeunes : 53 % des demandeurs ont entre 18 et 29 ans, et 23 % entre 30 et 39 ans. Les femmes constituent la majorité des demandeurs, représentant 54 % avant la réforme et 57 % après celle-ci.

Malgré l’enthousiasme pour la procédure simplifiée de changement de nom, il est crucial de ne pas sous-estimer les risques que cette réforme peut poser pour la cellule familiale. Ainsi, nous examinerons la procédure simplifiée de changement de nom telle que mise en place par la réforme de 2022 (I). Ensuite, nous étudierons les menaces que représente la réforme pour la structure familiale (II).

I. La procédure simplifiée de changement de nom 

Historiquement, la loi du 6 fructidor an II rendait impossible la modification du nom figurant sur l’acte de naissance d’une personne. La loi du 11 germinal an XI a introduit des modifications au principe d’immutabilité du nom de famille, en autorisant les changements de nom pour des motifs   d’« intérêt légitime ». On pense plus particulièrement à la volonté d’abandonner un nom ridicule ou infamant, ou bien encore la volonté d’éviter l’extinction d’un nom illustre.

Malgré cela, un grand nombre d’individus en France expriment leur insatisfaction vis-à-vis de leur nom de famille. La procédure de simplification, établie par l’article 2 de la loi du 2 mars 2022 et intégrée à l’article 61-3-1 du Code civil, vise à répondre à cette problématique.

En premier lieu, l’article 61-3-1 du Code civil autorise toute personne majeure à solliciter l’officier d’état civil de son lieu de naissance ou de résidence pour changer son nom légal. Le requérant a le droit de prendre pour nouveau nom celui du père, de la mère, ou d’associer les deux dans l’ordre préféré, conformément à l’article 311-21 alinéa 1 du Code civil, à condition de ne choisir qu’un seul nom de famille pour chaque parent.

En deuxième lieu, la demande de changement de nom doit être soumise à l’officier d’état civil, soit par courrier, soit directement en personne. Cependant, dans la pratique, cette demande s’effectue au moyen du formulaire Cerfa n°16229*02.

En troisième lieu, il est important de souligner que ce changement est irrévocable et ne peut être sollicité qu’une seule fois dans sa vie. C’est un contraste marqué avec la procédure prévue à l’article 61 du Code civil, qui, basée sur l’intérêt légitime, permet à une personne de demander à changer de nom plusieurs fois dans sa vie.

En quatrième lieu, le demandeur doit confirmer sa demande auprès de l’officier d’état civil au moins un mois après avoir reçu la demande. Ce processus sert de période de réflexion, pour prévenir les décisions hâtives. En cas de difficultés, l’officier d’état civil a la possibilité de saisir le procureur de la République, qui pourra s’opposer à la demande et en aviser l’intéressé. La circulaire du 3 juin 2022 précise que si le procureur de la République juge que la demande ne remplit pas les critères légaux, il devra aviser « le demandeur sans délai de son opposition, par décision motivée et selon tous moyens ».

Pour conclure, l’article 61-3-1 du Code indique que le nouveau nom s’étend « de plein droit » aux enfants du bénéficiaire. Néanmoins, conformément aux articles 61-2 et 61-3 du Code civil, les enfants du bénéficiaire doivent dès 13 ans consentir au changement de leur propre nom. Par conséquent, pour les enfants en dessous de ce seuil, le changement de nom leur est applicable de plein droit. 

Il est généralement reconnu que cette loi a pour principale vertu de réduire le volume du contentieux. Cependant, plusieurs objections peuvent être soulevées contre cette réforme et c’est ce que nous allons examiner.

II. Une procédure menaçant la cellule familiale 

Tout d’abord, il est important de souligner que le législateur ne prend aucune mesure préventive pour garantir la liberté, la lucidité ou la légitimité de la démarche en changement de nom. L’officier d’état-civil se limite à un contrôle formel de la demande du majeur. 

En outre, la loi du 2 mars 2022 instaure un droit purement discrétionnaire permettant à toute personne majeure de changer son nom de famille sans avoir à justifier d’un intérêt légitime, ni à se soumettre à l’appréciation d’un tiers (par ex. : juge ou officier d’état civil). Ainsi, le législateur confère à tout majeur une liberté de changer de nom qui rejaillit sur ses enfants, sans que la loi ne puisse faire obstacle à une demande qui n’est pas légitime. 

Par ailleurs, les parents sont contraints, par la loi (art. 311-21 alinéa 3 du Code civil), de donner à tous leurs enfants commun le même nom de famille que l’aîné. Il s’agit du principe d’unité du nom de famille. En revanche, une fois majeur, un enfant pourra demander à changer de nom sans avoir à justifier d’un intérêt ou motif légitime, ni même à demander l’accord ou l’avis de ses frères et sœurs. Ce faisant, le principe d’unité du nom de famille peut être remis en cause, menant à une situation où des frères et sœurs portent des noms différents.

Au surplus, l’unité du nom de famille est également menacée pour les descendants d’un adulte demandeur. Le choix d’un changement de nom pour un adulte entraîne trois conséquences majeures : il impose ce choix aux enfants de moins de 13 ans, requiert une décision pour ceux de plus de 13 ans et rompt le principe d’unité du nom lorsque la fratrie inclut un enfant de plus de 13 ans. De plus, les enfants de moins de 13 ans peuvent également être affectés deux fois par un changement de leur nom si chaque parent en fait la demande … Enfin, cet enfant de moins de 13 ans pourra également attendre sa majorité pour demander à changer de nom lui-même.

Bref, l’histoire est sans fin et une procédure judiciaire devant le juge aux affaires familiales aurait été préférable. 

BLONDEL Sylvain Master 2 Droit privé général

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