En France, toute personne est par principe apte à succéder au de cujus si elle remplit plusieurs conditions. Il existe néanmoins un cas particulier où un héritier peut être déclaré indigne de succéder à un défunt. Dans ce cas, ce dernier se voit alors écarté de la succession et ne touchera alors aucun héritage.
L’indignité survient lorsque l’héritier présumé a adopté un comportement d’une gravité telle envers le défunt que cela justifie alors son exclusion de la succession. Elle est donc perçue comme une sanction civile de nature personnelle et est interprétée de manière stricte. Ce caractère a été d’abord démontré dans un arrêt n°83-16.028 du 18 décembre 1984 et est depuis fréquemment réaffirmé par la jurisprudence.
À la différence de l’exhérédation, elle se produit sous l’effet de la loi et non pas par la volonté propre du défunt. Ainsi, cela ne peut être effectué que pour une succession dite ab intestat, c’est-à-dire une succession sans testament dévolue entièrement par la loi. En effet, dans le cadre d’une libéralité, soit l’acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens au profit d’une autre personne, on parlera cette fois de révocation pour cause d’ingratitude en cas de mauvaise conduite et non pas d’indignité successorale.
Dans quels cas un héritier présomptif peut-il être exclu d’une succession pour indignité successorale ?
Avant 2001, seuls trois cas d’indignités successorales de plein droit étaient prévus. Depuis la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 modernisant diverses dispositions de droit successoral, ce sont les articles 726 et 727 du code civil qui énoncent ce principe. L’indignité est depuis divisée en deux catégories :
- L’indignité automatique
- L’indignité facultative
Le premier article énonce que sont automatiquement déclarées indignes les personnes condamnées à une peine criminelle pour avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt, ou encore pour avoir porté des coups ayant entraîné sa mort. Quant au second, il traite d’autres infractions punies d’une peine correctionnelle, telles que les atteintes à l’intégrité physique du défunt ayant entraîné sa mort volontairement ou non ou celles qui y sont liées (torture, témoignage mensonger dans une procédure criminelle, dénonciation calomnieuse, non-assistance à personne en danger, etc.).
Comment prononcer l’indignité successorale ?
Concernant l’indignité automatique, elle exclut donc directement l’indigné de la succession. Elle devra cependant être constatée devant le tribunal en cas de litige ou de contestation avec la famille. Pour celle facultative, ayant aussi de lourdes conséquences pour l’héritier, cette sanction ne peut intervenir que via une procédure spécifique prévue par la loi afin d’obtenir une déclaration d’indignité. Ce mécanisme est, en effet, subordonné à une condamnation pénale : en cas de prescription, relaxe ou encore décès avant le prononcé de la peine, l’indignité ne sera pas prononcée.
Selon l’article 727-1 du code civil, la déclaration sera prononcée après l’ouverture de la succession par l’héritier ou, à défaut, par le ministère public. Concernant le délai, « la demande doit être formée dans les six mois du décès si la décision de condamnation ou de déclaration de culpabilité est antérieure au décès, ou dans les six mois de cette décision si elle est postérieure au décès ».
Quelles sont les conséquences de l’indignité ?
Le principe est que la personne frappée de cette peine sera exclue purement et simplement de la succession. On considère donc qu’elle n’a jamais eu la qualité d’héritier : l’indignité a alors un caractère rétroactif. Elle ne sera pas non plus prise en compte dans le calcul de la réserve héréditaire (part du patrimoine que la loi réserve obligatoirement à certains héritiers, notamment les enfants) depuis la seconde réforme du droit des successions du 23 juin 2006.
Si jamais l’indigne a déjà reçu tout ou partie de l’héritage entre le décès du de cujus et le prononcé de la peine, il est soumis à une obligation de restitution, notamment des fruits et revenus dont il a eu la jouissance en vertu de l’article 729 du code civil car il est considéré comme un possesseur de mauvaise foi. Les biens entrés dans son patrimoine doivent également être remis aux autres cohéritiers.
Bon à savoir : l’indignité n’affecte que la relation entre la victime et l’héritier indigne en question. Dans le cas où cet héritier est un enfant ou un collatéral du défunt, ses propres descendants ne sont pas exclus en raison de la faute de l’auteur de l’infraction. La réforme de 2001 a donc permis de mettre fin à une injustice dont ces derniers étaient victimes. Ils ont la possibilité de le représenter ou de venir à la succession de leur propre chef. Cependant, il existe une précision : l’indigne ne peut pas réclamer, sur les biens entrés dans la succession, la jouissance que la loi accorde par principe aux père et mère sur les biens de leurs enfants mineurs, cela afin qu’il ne puisse en tirer profit malgré la peine prononcée.
Est-il possible de pardonner l’indigné ?
Le législateur a tout d’abord prévu la possibilité pour les cohéritiers d’un individu frappé d’indignité facultative de leur accorder leur pardon : dans les faits, ces derniers doivent simplement s’abstenir d’agir auprès du juge judiciaire afin qu’il ne prononce aucune peine à l’encontre de l’héritier. Si aucun co-héritier n’existe, seul le ministère public peut intervenir.
Il est également possible pour la victime elle-même de pardonner l’héritier condamné : elle « relève » l’indignité. Pour cela, elle doit effectuer une déclaration expresse de volonté en la forme testamentaire postérieurement aux faits (article 728 du code civil). La victime peut alors le maintenir dans ses droits héréditaires ou lui faire une libéralité universelle ou à titre universel par testament.
L’actualité en matière d’indignité successorale
Grâce à la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, le législateur a introduit un cas inédit d’indignité facultative pour violences conjugales. Peut donc être déclaré indigne selon l’article 8 de ladite loi « celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle ou correctionnelle pour avoir commis des tortures et actes de barbarie, des violences volontaires, un viol ou une agression sexuelle envers le défunt ». Ce nouveau cas d’indignité ne s’applique qu’aux faits commis à partir du 1er août 2020.
Si, depuis 1804, le code civil n’autorisait pour prononcer une indignité successorale que les infractions liées au décès de la victime, cette loi récente a ajouté une nouvelle cause d’indignité pour les atteintes graves ayant été commises au sein du cadre familial même si cela n’entraîne pas nécessairement le décès de la victime.
LEBAS Sarah, Master 2 Droit Privé Général
Sources :
Droit des successions et des libéralités LGDJ – Philippe Malaurie et Claude Brenner
Arrêt 18 décembre 1984 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007012830/
Réforme du 3 décembre 2001 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000582185/
Réforme du 23 juin 2006 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000637158/
Loi du 30 janvier 2020 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042176652
Pour aller plus loin sur l’indignité pour violences conjugales :
https://www.cridon-ne.org/violences-conjugales-devolution-successorale-nouveau-cas-indignite/