Initialement issus de la pratique, c’est depuis la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 que les dispositifs de traitement amiable des difficultés des entreprises bénéficient d’une place autonome dans le code de commerce aux articles L. 611-1 à L. 611-17. En effet, c’est en 2005 que la prévention des difficultés est devenue une préoccupation du droit des entreprises en difficultés dans l’objectif d’amener les entreprises à se présenter au tribunal avant que les difficultés ne soient insurmontables. En réalité, et nous le verrons dans notre développement, le choix d’une procédure de traitement amiable des difficultés plutôt qu’une procédure de traitement judiciaire des difficultés est animé par la volonté de recourir à une procédure souple et confidentielle, permettant pour l’entreprise de conserver la confiance de ses cocontractants.
Il existe deux procédures de traitement amiable des difficultés des entreprises : le mandat ad hoc et la procédure de conciliation. Ces deux procédures ont pour objectif la négociation d’un accord entre le débiteur et ses créanciers, de manière confidentielle avec l’appui du président du tribunal compétent et d’un mandataire ou d’un conciliateur, désigné à cet effet.
Bon à savoir : En matière agricole, il existe la procédure de règlement amiable agricole (articles L. 351-1 à L. 351-7-1 du code rural et de la pêche maritime) destinée à prévenir et à régler les difficultés financières des exploitations agricoles dès qu’elles sont prévisibles ou dès leur apparition, notamment par la conclusion d’un accord amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers.
I. Comment bénéficier d’une procédure de traitement amiable des difficultés des entreprises ?
Les deux procédures de traitement amiable des difficultés des entreprises sont initiées par le débiteur lui-même. En effet, il revient au débiteur seul de formuler une demande au président du tribunal compétent afin d’obtenir la nomination d’un mandataire ad hoc ou d’un conciliateur. En outre, le débiteur peut proposer le nom d’un mandataire ad hoc ou d’un conciliateur.
La compétence d’attribution du tribunal dépend de la nature de l’activité de l’entreprise, les articles L. 611-3 à L. 611-5 du code de commerce précisent qu’il s’agit du tribunal de commerce pour les entreprises ayant une activité commerciale ou artisanale et du tribunal judiciaire dans les autres cas.
Le tribunal territorialement compétent est celui dans le ressort duquel le débiteur personne morale a son siège ou le débiteur personne physique à déclaré l’adresse de son activité ou de son entreprise.
La demande d’ouverture doit être formulée par écrit et être motivée. En effet, il est essentiel pour le débiteur de communiquer au président du tribunal l’ensemble des éléments permettant de justifier les difficultés qu’il rencontre. En outre, dès réception de la demande, le président du tribunal convoque le débiteur pour recueillir ses explications lors d’un entretien confidentiel.
Les conditions d’ouverture d’un mandat ad hoc (article L. 611-3 du code de commerce) :
- L’entreprise doit rencontrer des difficultés de nature économique (perte d’un marché), financière (difficulté dans le remboursement d’un emprunt) ou juridique (litige avec un salarié).
- L’entreprise ne doit pas être en état de cessation des paiements, c’est-à-dire dans l’incapacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Autrement dit, elle doit disposer d’une trésorerie suffisante afin de régler ses dettes.
Les conditions d’ouverture d’une procédure de conciliation (article L. 611-4 du code de commerce) :
- L’entreprise doit rencontrer des difficultés de nature économique, financière ou juridique, avérées ou prévisibles.
- L’entreprise ne doit pas être en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours.
- L’entreprise doit être susceptible d’être sauvée.
À défaut de remplir les conditions cumulatives précitées, le président du tribunal refusera l’ouverture de la procédure de conciliation.
Le mandataire ad hoc ou le conciliateur sont désignés par le président du tribunal. Pour rappel, le débiteur peut proposer un nom dans sa demande (article L. 611-6 alinéa 1 du code de commerce pour la conciliation) et le président a tout intérêt à y faire droit dans la mesure où le succès de la procédure réside également dans la relation de confiance que peuvent entretenir le débiteur et le mandataire ad hoc ou le conciliateur. Enfin, conformément à l’article L. 611-13 du code de commerce, « les missions de mandataire ad hoc ou de conciliateur ne peuvent être exercées par une personne ayant, au cours des vingt-quatre mois précédents, perçu, à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, une rémunération ou un paiement de la part du débiteur intéressé, de tout créancier du débiteur ou d’une personne qui en détient le contrôle ou est contrôlée par lui au sens de l’article L. 233-16 […] ».
Concernant la rémunération du mandataire ad hoc ou du conciliateur, celle-ci est réglementée par l’article L. 611-14 du code de commerce qui dispose qu’elle est fixée par le président du tribunal au moment où il procède à la nomination après avoir recueilli l’avis du ministère public.
II. Comment se déroule la procédure ?
Comme expliqué précédemment, le mandat ad hoc et la procédure de conciliation sont des procédures marquées par une forte confidentialité précisée par l’article L. 611-15 du code de commerce, tant pour le débiteur que pour les créanciers et plus largement toute personne appelée à la procédure.
En effet, le débiteur peut négocier avec ses créanciers sans que ses clients ou ses principaux fournisseurs n’en aient connaissance, et inversement, un créancier peut accorder au débiteur des délais de paiement sans que ses autres clients n’en soient informés.
La mission du mandataire ad hoc et celle du conciliateur sont différentes mais se rejoignent sur un point : le débiteur n’est pas dessaisi de ses pouvoirs. En effet, il reste en fonction pendant toute la durée du mandat ad hoc ou de la procédure de conciliation et en aucun cas le mandataire ad hoc ou le conciliateur ne doivent intervenir dans la gestion de l’entreprise.
Dans le mandat ad hoc, procédure plus flexible, il revient au président du tribunal de déterminer la mission et sa durée en fonction des besoins spécifiques du débiteur. Ainsi, le mandataire ad hoc peut être chargé d’assister le débiteur dans un conflit ou encore de l’accompagner dans le cadre d’une négociation.
Lorsque le mandat ad hoc est un succès, il aboutit à la signature d’un accord entre le débiteur et ses créanciers, qui aura force obligatoire entre les parties.
À l’inverse, la mission du conciliateur est encadrée par le code de commerce à l’article L. 611-6 pour sa durée, qui est de quatre mois, prorogeable d’un mois par le président du tribunal sur demande du débiteur et par une décision motivée. L’article L. 611-7 précise que le conciliateur peut avoir pour mission :
- de favoriser la conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise ;
- de présenter toute proposition se rapportant à la sauvegarde de l’entreprise, à la poursuite de l’activité économique et au maintien de l’emploi ;
- et, à la demande du débiteur et après avis des créanciers participants, d’organiser une cession partielle ou totale de l’entreprise (également appelée prepack-cession) qui pourrait être mise en œuvre, le cas échéant, dans le cadre d’une procédure ultérieure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.
Lorsque la procédure de conciliation est un succès, elle aboutit à la signature d’un accord de conciliation entre le débiteur et ses créanciers. Cet accord de conciliation peut contenir des délais de paiement pour les dettes de l’entreprise, des remises de dettes ou encore des remises d’intérêts et pénalités de retard.
Cet accord de conciliation peut ensuite être constaté par une ordonnance du président du tribunal (article L. 611-8 I du code de commerce) ou homologué par un jugement du tribunal (article L. 611-8 II du code de commerce).
Sur demande conjointe du débiteur et des créanciers signataires, le président du tribunal procède à la constatation de l’accord, lui donnant ainsi force exécutoire. Pour constater l’accord et lui donner force exécutoire, le président du tribunal procède à la vérification de deux conditions :
- L’existence formelle de l’accord
- L’absence d’état de cessation des paiements ou que l’accord met fin à cet état
À l’issue de la constatation de l’accord, la procédure de conciliation prend fin et aucune publication n’est réalisée, puisque la constatation est réalisée par le biais d’une ordonnance non-susceptible de publication.
Sur demande du débiteur, le tribunal procède à l’homologation de l’accord. Pour homologuer l’accord, le tribunal procède à la vérification de trois conditions :
- L’existence d’un accord qui assure la pérennité de l’entreprise
- L’absence d’état de cessation des paiements ou que l’accord met fin à cet état
- L’accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non-signataires
À l’issue de l’homologation de l’accord, la procédure de conciliation prend fin et il y a une publication du jugement d’homologation au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC), en revanche, le contenu de l’accord de conciliation n’est pas publié.
III. Quels sont les effets du mandat ad hoc et de la procédure de conciliation ?
Le mandat ad hoc et la procédure de conciliation se distinguent particulièrement par leurs effets.
Dans le cadre d’un mandat ad hoc, il s’agit d’un accord ordinaire qui oblige les parties signataires sur le fondement du droit des obligations, ainsi, l’accord reste secret et aucune voie de recours ne sera recevable.
À l’inverse, l’accord de conciliation, en fonction du type de formalisation, revêt une force particulière. Depuis l’Ordonnance du 18 décembre 2008, les effets de l’accord constaté et de l’accord homologué sont proches.
Les effets communs de l’accord constaté et de l’accord homologué :
- L’arrêt des poursuites et des procédures d’exécution de la part des créanciers parties à l’accord (L. 611-10-1 alinéa 1 du code de commerce). Concernant les créanciers non-signataires de l’accord, l’alinéa 2 prévoit que le débiteur peut demander des délais de paiement sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil.
- Les coobligés et les personnes qui ont fourni au débiteur une sûreté personnelle ou affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des délais et remises de l’accord (article L. 611-10-2 alinéa 1 du code de commerce).
Les effets de l’accord homologué :
- Si par la suite, le débiteur fait l’objet d’une procédure judiciaire (article L. 631-8 du code de commerce), les créanciers sont protégés contre les nullités de la période suspecte (articles L. 632-1 à L. 632-4 du code de commerce) en raison de l’absence de report de la date de cessation des paiements à une date antérieure à la date d’homologation de l’accord.
- Les personnes qui consentent dans l’accord homologué un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d’assurer la poursuite de l’activité et sa pérennité bénéficient du privilège de la conciliation (article L. 611-11 du code de commerce).
- La levée de plein droit de l’interdiction d’émettre des chèques (article L. 611-10-2, alinéa 2 du code de commerce).
Waafa Bensimoh – Étudiante en Master 2 Droit des affaires et fiscalité
Principales sources utilisées :
- Code de commerce, articles L.611-1 et suivants
- Entreprendre.service-public.fr :
https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F22290
https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F22295
- Tribunal-de-Commerce-de-Paris.fr :
https://www.tribunal-de-commerce-de-paris.fr/fr/comparaison-mandat-ad-hoc—conciliation