Impôt sur les sociétés : le report du déficit fiscal

Lorsqu’une société soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) subit un déficit au cours d’un exercice, deux possibilités s’offrent à elles. 

La première possibilité, correspondant au régime de droit commun, consiste à reporter en avant le déficit fiscal sur les futurs bénéfices de la société (I). La seconde possibilité, qui nécessite pour la société d’en faire la demande, consiste à reporter en arrière le déficit fiscal, on parle du carry-back (II).

I. Le report en avant du déficit fiscal

Le report en avant du déficit fiscal, s’appliquant automatiquement, est régi par l’article 209 du code général des impôts (CGI). Il consiste pour l’entreprise à imputer le déficit fiscal de l’exercice clos l’année N sur les bénéfices futurs de la société, sans limitation de durée. Ainsi, le déficit fiscal est considéré comme une charge déductible, venant en déduction des bénéfices ultérieurs imposables à l’IS. 

Exemple : Une société à l’IS enregistre un bénéfice imposable d’un montant de 15 000 € au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2024. Sur l’exercice précédent, clos le 31 décembre 2023, elle avait enregistré un déficit fiscal de 10 000 € qui a été reporté en avant. Ainsi, grâce au report en avant, la base de calcul de l’IS est égale à 5 000 € (15 000 – 10 000).

Toutefois, le report en avant du déficit fiscal est limité dans son montant. En effet, au titre d’un exercice, le report en avant ne peut excéder un montant égal à 1 000 000 €, majoré de 50 % de la fraction du bénéfice excédant ce seuil. Le solde de déficit non imputé sera imputable sur les exercices suivants, dans les mêmes conditions de plafond. 

Exemple : Une société à l’IS enregistre un déficit de 10 000 000 € au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2023. Elle réalise, sur l’exercice clos le 31 décembre 2024, un bénéfice de 5 000 000 €. Le déficit de 2023 imputable en 2024 est de 3 000 000 € (1 000 000 + (50 % x 4 000 000)). L’excédent du déficit qui n’a pas été imputé en 2024, soit 7 000 000 € (10 000 000 – 3 000 000), sera imputable sur les exercices suivants, dans les mêmes conditions de plafond.

Lorsque la société est absorbée par une autre société dans le cadre d’une fusion, la société absorbée peut apporter à la société absorbante le solde du déficit non encore imputé.

Pour finir, en application de la règle de l’identité de l’entreprise, il existe des situations dans lesquelles la société perd son droit au report du déficit. C’est le cas lorsque la société change de régime fiscal (option pour le régime fiscal des sociétés de personnes), d’objet social ou d’activité réelle.

Exemple : Une société dont l’activité est commerciale se transforme en société holding, ce changement d’activité entraîne la perte du droit au report du déficit constaté lors de l’exercice de son activité commerciale sur le bénéfice dégagé au cours de sa nouvelle activité.

II. Le report en arrière du déficit fiscal, également appelé carry-back

Le report en arrière du déficit fiscal est un régime applicable sur option, nécessitant pour la société de réaliser certaines formalités. 

Tout d’abord, la société doit faire une demande d’application du carry-back dans sa déclaration de résultats au service des impôts des entreprises dont elle dépend territorialement. À défaut d’en faire la demande, la société se verra appliquer le régime de droit commun, c’est-à-dire le report en avant du déficit. 

En outre, une déclaration spéciale n° 2039-SD doit être déposée avec le relevé du solde de l’IS à la date de liquidation de l’IS de l’exercice au titre duquel l’option est exercée ou lors de la déclaration de résultats si l’option intervient après le dépôt du relevé de solde.

Le report en arrière du déficit fiscal, régit par l’article 220 quinquies du CGI consiste pour l’entreprise à déduire son déficit actuel sur le bénéfice précédent.  

Le carry-back est soumis à certaines conditions :

– Le déficit est reportable en arrière uniquement sur le bénéfice de l’exercice clos l’année précédente

– Le déficit est reportable en arrière uniquement sur le bénéfice imposable au taux normal, c’est-à-dire au taux normal de l’IS de 25 % ou au taux réduit de l’IS de 15 %. En revanche, il n’est pas reportable sur la partie du bénéfice relevant par exemple de produits de la propriété industrielle imposables au taux de 10 %.

– Le déficit est reportable en arrière uniquement sur le bénéfice effectivement imposé. Autrement dit, il n’est pas reportable sur un bénéfice exonéré ou diminué par un crédit d’impôt.

– Le déficit est reportable en arrière sur un bénéfice qui n’a pas été distribué aux associés.

– Le montant du déficit reportable en arrière est plafonné au montant le plus faible entre le bénéfice déclaré au titre de l’exercice précédent et 1 000 000 €. La partie du déficit qui n’a pas pu être imputée en arrière en raison du plafonnement peut être reporté en avant. 

– Le report en arrière est exclu lorsqu’intervient en cours d’exercice une cession d’entreprise, une cessation d’activité ou une fusion.

Exemple : Une société à l’IS constate un déficit de 1 500 000 € en 2024. Elle avait réalisé un bénéfice de 750 000 € en 2023. Le montant du déficit reportable en arrière est plafonné au montant le plus faible entre le bénéfice déclaré au titre de l’exercice précédent et 1 000 000 €, soit dans notre cas, 750 000 €.

Si elle avait réalisé un bénéfice de 1 200 000 € en 2023, le déficit de 2024 imputable serait de 1 000 000 €. Les 500 000 € (1 500 000 – 1 000 000) ne pouvant pas être imputés en arrière, peuvent être imputés en avant sur les futurs bénéfices de la société.

Le report en arrière fait naître une créance fiscale. En effet, lors de l’exercice bénéficiaire précédent, la société a calculé et payé un montant d’IS sur le bénéfice réalisé. Ensuite, l’année d’après, elle réalise un déficit qu’elle décide de reporter en arrière. Ainsi, elle récupère une partie de la somme d’IS payée au cours de l’exercice bénéficiaire précédant. La créance fiscale est égale au déficit reporté en arrière multiplié par le taux d’IS appliqué dans les mêmes conditions que celles applicables lors de l’année bénéficiaire.

Exemple : Une société à l’IS constate un déficit de 1 500 000 € en 2024. Elle avait réalisé un bénéfice de 750 000 € en 2023. Le montant du déficit reportable en arrière est plafonné au montant le plus faible entre le bénéfice déclaré au titre de l’exercice précédent et 1 000 000 €, soit dans notre cas, 750 000 €. La créance fiscale s’élève à 750 000 x 25 %, soit 187 500 €. 

La créance fiscale obtenue s’impute sur les montants d’IS à payer pendant les cinq années qui suivent celle du report en arrière. À l’issue de ces cinq ans, la société peut demander le remboursement du montant de la créance fiscale non encore imputée.

Le délai de remboursement de cette créance peut être réduit lorsque la société fait l’objet d’une procédure collective. En effet, la société en difficulté peut en demander le remboursement à compter de la date du jugement qui a ouvert la procédure collective. 

La créance fiscale dont bénéficie la société va également avoir des conséquences positives sur ses documents comptables : bilan et compte de résultat. D’une part, la créance fiscale va apparaître à l’actif du bilan de la société, d’autre part, au moment de son remboursement, la créance fiscale améliorera la trésorerie de l’entreprise.

Enfin, si la société est absorbée par une autre dans le cadre d’une fusion, la société absorbante pourra se voir transférer la créance fiscale.

Waafa BENSIMOH – Étudiante en Master 2 Droit des affaires et fiscalité

Principales sources utilisées : 

  • Service public :
https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F23628
  • BOFiP Impôts : 
https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/2103-PGP.html/identifiant%3DBOI-IS-DEF-10-30-20130410#IV._Obligations_declaratives_13
  • Droit fiscal 2024, Régis Vabres, HyperCours, 2024, p. 302 à 306, Dalloz

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