La procédure de flagrance fiscale

Selon la Direction Générale des Finances Publiques, la lutte contre la fraude fiscale est un enjeu majeur de souveraineté et de redressement des comptes publics, mais aussi une condition essentielle pour faire respecter le principe d’égalité devant l’impôt.

C’est la raison pour laquelle le législateur accorde des pouvoirs à l’administration fiscale afin que cette dernière puisse contrôler la fiscalité des contribuables. Ce contrôle est perçu comme étant la contrepartie du système déclaratif.

I. Définition de la procédure de flagrance fiscale

A) À quelle forme de contrôle correspond la procédure de flagrance fiscale ? 

On distingue deux principales formes de contrôle : 

  • Le contrôle interne, aussi appelé contrôle de bureau, qui se déroule dans les locaux de l’administration fiscale ;
  • Le contrôle externe, aussi appelé contrôle sur place, qui se déroule généralement chez le contribuable. 

Nous nous intéresserons particulièrement au contrôle externe qui se divise en deux types de procédure, d’une part les procédures d’investigation, et d’autre part les procédures de vérification.

Les procédures d’investigation ont pour but de recueillir des informations. On y retrouve le droit de communication, les demandes d’éclaircissement et de justification ainsi que le droit de visite et de saisie (article L. 16 B du livre des procédures fiscales (LPF)), le droit d’enquête (article L. 80 F du LPF) et enfin la flagrance fiscale. 

Cette dernière a été créée en 2008 à l’article L. 16-0 BA du LPF et permet à l’administration fiscale de pénétrer dans les locaux professionnels ou privés d’un contribuable pour y rechercher des preuves de fraude fiscale. En effet, l’objet même de cette procédure est de lutter contre la fraude fiscale. 

C’est une procédure dite « exceptionnelle ». Elle permet aux agents de réagir face à une situation qu’ils considèrent comme manifestement frauduleuse et ainsi, de procéder à un contrôle immédiat de la période fiscale en cours ainsi qu’à des saisies conservatoires. C’est une notion empruntée au droit pénal puisque, autrement dit, il s’agit de « prendre en flagrant délit la fraude fiscale » d’un contribuable.

B) Quelles sont les conditions de mise en œuvre de la procédure de flagrance fiscale ?

La particularité de cette procédure est qu’elle peut se faire au titre d’une période d’imposition en cours, c’est-à-dire une période qui n’a pas encore donné lieu à déclaration. Elle ne peut concerner que les professionnels pour leurs déclarations d’impôt sur le revenu des personnes physiques (bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles et bénéfices non-commerciaux), d’impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). 

Il existe des conditions essentielles à la mise en œuvre de la procédure. 

Tout d’abord, il faut une obligation déclarative non encore échue. En effet, la procédure de flagrance fiscale permet à l’administration fiscale de contrôler une période d’imposition en cours.  

Ensuite, les agents doivent avoir constaté l’existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement d’une créance fiscale ou de certains faits frauduleux. Dans le premier cas, il peut s’agir de la création d’une société dans un but éphémère telle que la récupération de la TVA. Dans le second cas, il peut s’agir d’une activité occulte, de fausses factures ou de travailleurs non déclarés. Il doit y avoir des indices sérieux et concordants prouvant l’intention du contribuable de frauder. 

De plus, la fraude doit être flagrante. Il peut s’agir par exemple d’une absence totale de comptabilité ou d’une falsification de documents.

En outre, il est important de constater que la procédure de flagrance fiscale doit être utilisée dans le cadre d’un contrôle sur place de sorte qu’il s’agit d’une procédure accessoire à une autre procédure de contrôle. En effet, les agents de l’administration fiscale doivent se rendre directement chez le contribuable ou dans les locaux de l’entreprise qu’ils souhaitent contrôler, dans le cadre d’une procédure ponctuelle ou approfondie.

La flagrance fiscale est donc une forme de procédure “dans la procédure” qui peut être utilisée parallèlement à un droit de visite et de saisie, à un droit d’enquête ou dans le cadre d’un contrôle inopiné à l’occasion d’une vérification de comptabilité. 

II. Les effets de la procédure de flagrance fiscale

A) Quelles sont les conséquences de la procédure de flagrance fiscale ?

Lorsque les conditions sont respectées, les agents de l’administration fiscale sont habilités à dresser un procès-verbal qui va constater la flagrance fiscale

Le procès-verbal de flagrance fiscale permet aux agents de procéder à des saisies conservatoires sans autorisation préalable du juge, mais également d’infliger au contribuable des sanctions telles que des amendes tant spécifiques que de droit commun. Par exemple, il peut s’agir d’une amende variant de 5 000 € à 20 000 € selon le chiffre d’affaires du contribuable. 

Les saisies conservatoires ne peuvent porter que sur des éléments du stock, des meubles meublants ou encore des créances. Toutefois, elles ne peuvent pas porter sur un immeuble ou un fonds de commerce. Le montant des saisies est déterminé en fonction du chiffre d’affaires.

Les saisies sont conservatoires, autrement dit, temporaires. En effet, elles visent à préserver le recouvrement d’un impôt futur dont le délai de déclaration n’est pas encore échu. Ainsi, si le contribuable adresse une déclaration de revenus conforme et acquitte le montant de l’impôt, il sera procédé à la mainlevée des saisies conservatoires effectuées.

La mise en œuvre de cette procédure conduit également à des conséquences négatives pour le contribuable : 

  • Elle opère une extension du délai de reprise, porté à 10 ans au lieu de 3 ans ;
  • L’administration fiscale pourra procéder à un nouveau contrôle de la période ayant déjà fait l’objet d’un procès-verbal de flagrance fiscale ;
  • La durée de la vérification de comptabilité de l’entreprise n’est plus limitée à trois mois.

B) Quelles sont les voies de recours envisageables ?

Il est possible d’envisager deux voies de recours

  • Le recours contre le procès-verbal de flagrance fiscale ; 
  • Le recours contre le procès-verbal de mise en œuvre des saisies conservatoires. 

Le recours contre le procès-verbal de flagrance fiscale est énoncé à l’article L. 279 du LPF qui dispose que les personnes qui font l’objet d’un procès-verbal de flagrance fiscale peuvent contester la régularité de la procédure dans les quinze jours de la réception du procès-verbal devant le juge administratif des référés

Ce dernier statue dans un délai d’un mois et il met fin à la procédure s’il est fait état d’un moyen propre à créer un doute sérieux sur la régularité de la procédure. 

Il vérifie si les conditions d’ouverture de la procédure ont bien été respectées. De plus, il vérifie que le procès-verbal de flagrance fiscale a été correctement rédigé et régulièrement notifié au contribuable.

L’ordonnance rendue par le juge des référés est elle-même susceptible d’un appel dans les huit jours suivant sa date, ensuite, l’arrêt d’appel est susceptible d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État.

Ensuite, le recours contre le procès-verbal de saisies conservatoires, prévu à l’article L. 252 B du LFP, permet au contribuable de saisir le juge administratif des référés pour obtenir la main levée des saisies conservatoires dans les quinze jours de leur signification. 

Le juge administratif des référés va se prononcer sur le bien-fondé de la saisie conservatoire en veillant à l’existence même d’une créance dont le recouvrement serait menacé et à ce que le montant de la saisie conservatoire soit conforme au chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise. 

Il apprécie également le préjudice causé à l’entreprise du fait de cette saisie conservatoire. 

Enfin, il vérifie que le procès-verbal des saisies conservatoires a été correctement rédigé et régulièrement notifié au contribuable. 

En revanche, le juge administratif des référés n’est pas compétent pour apprécier la forme de la saisie, la forme relève de la compétence du juge judiciaire.

Le juge administratif des référés rend une ordonnance dans les quinze jours de sa saisine, ordonnance susceptible d’appel introduit dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de recours contre le procès-verbal de flagrance fiscale

Il est important de constater que les deux procédures de référé sont potentiellement cumulatives. Dès lors, le contribuable est autorisé à introduire de façon simultanée ou de façon très rapprochée le référé pour contester le procès-verbal de flagrance fiscale et le référé pour contester la mise en œuvre des saisies conservatoires.

Si le juge des référés constate l’irrégularité du procès-verbal de flagrance fiscale, cela va emporter l’annulation de tous les effets de la procédure et automatiquement la main levée des saisies conservatoires.

En revanche, si le juge des référés constate l’irrégularité des saisies conservatoires, cela emporte la mainlevée immédiate des saisies conservatoires, mais il n’y aura aucune incidence sur la procédure de flagrance fiscale.

Concernant les sanctions autonomes pouvant être appliquées par l’administration fiscale, le juge administratif des référés n’est pas compétent pour se prononcer sur leur bien-fondé.

Cléo BENOIT – Étudiante en Master 2 Droit des affaires et fiscalité

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