La criminalité dite « en col blanc » ou plus simplement le « blanchiment d’argent » fait souvent parler d’elle dans les médias sans que l’on sache toujours ce que ce terme évoque ou ce qu’il signifie. Cependant, ce délit peut avoir de nombreuses conséquences.
La fraude fiscale consiste à dissimuler à l’administration fiscale des revenus légalement obtenus. Le blanchiment, en revanche, suit la logique opposée, il s’agit de rendre visible des revenus d’origine illégale, auparavant dissimulés, et ce, afin de leur donner une apparence légale.
Selon la Procureur du parquet national financier Éliane Houlette, « La fraude fiscale est l’acte antisocial par excellence ».
1 – Définition de la fraude fiscale
L’article 1741 du code général des impôts (CGI) définit le délit de fraude fiscale. Il s’agit du fait de ne pas déclarer intentionnellement une partie de ses revenus à l’administration fiscale dans le but de se soustraire au paiement de l’impôt.
En effet, le droit fiscal repose sur un système déclaratif, c’est-à-dire qu’il revient aux contribuables de déclarer eux même leurs revenus.
Ainsi, les personnes poursuivies pour fraude fiscale peuvent être :
- Les entrepreneurs individuels : en cas d’imposition commune, pour les personnes mariées ou pacsés, les deux peuvent être conjointement poursuivis. Toutefois, pour les déclarations catégorielles de revenus d’activité (bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non-commerciaux et bénéfices agricoles), seul le titulaire du revenu sera poursuivi. Le cas échéant, son conjoint ou partenaire de PACS pourra être poursuivi en qualité de coauteur ou de complice.
- Pour les sociétés : l’administration fiscale vise le dirigeant de droit dans la plainte, en outre, la jurisprudence considère qu’il y a présomption de responsabilité pénale du dirigeant de droit. Concernant le dirigeant de fait, il faut apporter la preuve de cette qualité par des éléments objectifs, et si une telle preuve est rapportée, il sera également poursuivi pénalement pour fraude fiscale.
La fraude fiscale peut se manifester sous différentes formes, telles que :
- Le non-respect délibéré des délais de déclaration ;
- La dissimulation intentionnelle de revenus imposables ;
- La mise en place d’une insolvabilité fictive ;
- Toute manœuvre dans le but de faire obstacle au recouvrement de l’impôt.
La fraude fiscale, en tant qu’infraction pénale, requiert la réunion de deux éléments : un élément matériel et un élément moral.
L’élément matériel réside dans la soustraction ou dans la tentative de soustraction à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés au CGI. Quant à l’élément moral, celui-ci réside dans la volonté de fraude animée par l’auteur de l’infraction, c’est-à-dire que celui-ci s’est intentionnellement soustrait à l’établissement ou au paiement de l’impôt.
Le contribuable encourt jusqu’à 500 000 euros d’amende et 5 ans d’emprisonnement dans le cas où l’administration fiscale décide d’engager des poursuites après un avis de la commission des infractions fiscales. Les sanctions peuvent aller jusqu’à 2 000 000 millions d’euros et 7 ans d’emprisonnement si la fraude fiscale a été réalisée en bande organisée.
Il est à noter que depuis la levée du mécanisme du « verrou de Bercy », l’administration fiscale n’a plus l’obligation, qui était systématique, de recueillir l’avis conforme de la commission des infractions fiscales.
Désormais, pour engager des poursuites contre la fraude fiscale, l’administration fiscale doit dénoncer les faits auprès du Ministère public lorsque les manquements portent sur des droits supérieurs à 100 000 euros, ou dans les autres cas, porter plainte, après avoir recueilli l’avis conforme de la commission des infractions fiscales.
Afin de lutter contre la fraude fiscale, plusieurs moyens ont été mis en place, notamment :
- La collaboration entre l’administration fiscale et Tracfin, agence spécialisée dans la détection des fraudes émergentes ;
- La promesse de Bercy d’augmenter de 25 % le nombre de contrôles fiscaux des contribuables les plus aisés, d’ici à 2027.
2 – Définition du blanchiment d’argent
L’article 324-1 du code pénal définit le blanchiment d’argent :
“Le blanchiment est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect.
Constitue également un blanchiment le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit.”
Le blanchiment d’argent, en tant qu’infraction pénale, requiert la réunion de deux éléments : un élément matériel et un élément moral.
L’élément matériel réside dans l’opération qui est utilisée pour masquer l’origine frauduleuse des fonds fruits d’un crime ou d’un délit. Quant à l’élément moral, celui-ci réside dans la double connaissance de l’auteur, d’une part de l’origine frauduleuse des fonds, et d’autre part, de l’infraction de blanchiment.
Ainsi, le blanchiment d’argent peut être défini comme l’introduction du produit d’une infraction dans l’économie légale pour en dissimuler l’origine. Autrement dit, il s’agit de donner une apparence légitime à une somme d’argent constituant le fruit d’une infraction pénale. C’est une infraction de conséquence, elle est donc le prolongement d’un délit initial. Tel est le cas lorsque l’auteur de ce délit convertit des revenus issus, par exemple, du trafic de stupéfiants, en revenus légaux, sans être inquiété par l’administration fiscale et donc en conserve la jouissance.
En effet, le blanchiment d’argent se réalise souvent en 3 étapes :
- La première étape est celle du placement : l’argent sale doit intégrer le circuit économique.
- La deuxième étape est celle de l’empilement qui consiste à dissimuler la provenance des fonds par l’emploi de divers mécanismes.
- La troisième étape est celle de l’intégration qui consiste à retirer ou à investir l’argent pour la rendre propre.
Le blanchiment d’argent est puni d’une peine pouvant aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende. Toutefois, s’il est commis en bande organisée, ce qui constitue une circonstance aggravante, il est puni d’une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende.
3 – Qu’est-ce que le blanchiment de fraude fiscale ?
Le délit de blanchiment de fraude fiscale suit le délit initial de fraude fiscale. Il consiste à réintroduire dans le circuit légal les sommes d’argent qui ont été détournées des déclarations qui auraient dû être réalisées auprès de l’administration fiscale, et ce, tout en évitant le paiement de l’impôt. Ainsi, cette infraction requiert la preuve d’une fraude fiscale préalable.
Il est à noter que contrairement à la fraude fiscale, le blanchiment de fraude fiscale ne dépend pas de l’avis de la commission des infractions fiscales, sous la tutelle du ministère chargé du budget, mais dépend du Ministère public, qui possède une grande autonomie.
Les sanctions sont une amende de 375 000 euros et 5 ans d’emprisonnement. Il est important de noter que si le contribuable occupe un poste important ou s’il s’agit d’une personne morale, les sanctions sont plus conséquentes. La découverte des faits entraîne alors le délai de prescription de 3 ans.
Comment blanchir la fraude fiscale ? Voici un exemple d’un montage classique de blanchiment de fraude fiscale.
La plupart du temps, il s’agit de mettre en place une opération symétrique ou d’utiliser la méthode du prêt adossé.
En effet, le contribuable va recevoir des honoraires, paiements sur un compte placé à l’étranger souvent dans un État qualifié d’État ou de territoire non-coopératif (ETNC) ou dans un pays à fiscalité privilégiée comme la Suisse.
Par définition, les ETNC sont des territoires à fiscalité très basse ; ce critère de « basse fiscalité » se traduit par une différence accrue entre les régimes de taxation des pays de l’OCDE et les pays dits ETNC. Outre leurs régimes d’imposition attrayants, ces ETNC permettent aux contribuables de bénéficier d’un secret bancaire, ce dernier, très présent, se traduit par le fait que les banques refusent de divulguer certaines données sur des comptes.
Le contribuable contracte alors un prêt dans cette même banque en utilisant la somme obtenue en guise de garantie. Les sommes ainsi créditées ont alors pour origine un emprunt français et la manœuvre de blanchiment de fraude est ainsi réalisée.
4 – Le cumul des sanctions en cas de blanchiment et de fraude fiscale
Un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 13 décembre 2023 a apporté des renseignements sur le cumul des sanctions pénales et fiscales en cas de fraude fiscale et de blanchiment.
Dans cette affaire, un contribuable était poursuivi au titre de fraude fiscale à raison de la dissimulation de sommes imposables à l’impôt sur le revenu et à l’impôt de solidarité sur la fortune entre 2009 et 2012.
Il lui était également reproché, entre 1996 et 2016, d’avoir placé des avoirs sur des comptes détenus à l’étranger non déclarés à l’administration fiscale, la constitution d’un trust aux Bahamas (qui est un ETNC), et l’acquisition d’un bien en Colombie par l’intermédiaire d’une société-écran, faits constitutifs de blanchiment de fraude fiscale.
Le 22 février 2022, il est condamné par la cour d’appel de Paris à 18 mois d’emprisonnement, 300 000 euros d’amende, et à 150 000 euros au titre de la réparation du préjudice subi par l’État, pour fraude fiscale et blanchiment aggravé.
Le contribuable reproche à la cour d’appel de l’avoir condamné deux fois au titre des mêmes faits et par voie de conséquence, d’avoir violé le principe non bis in idem. En effet, il considérait que les faits de fraude fiscale et de blanchiment d’argent constituaient une action unique ne pouvant donner lieu à deux sanctions.
Ainsi, la question posée à la Cour de cassation était la suivante : lorsque le contribuable blanchit le produit d’une fraude fiscale qu’il a commise, est-il possible de cumuler les sanctions de fraude fiscale et de blanchiment d’argent sans porter atteinte au principe non bis in idem ?
Toutefois, la Cour de cassation précise que les faits de fraude fiscale caractérisés par l’omission dans les déclarations des avoirs détenus à l’étranger et des revenus tirés doivent être distingués des faits de blanchiment caractérisés par des “opérations successives de dissimulation du produit de cette fraude, notamment réalisées au travers de l’ouverture et du fonctionnement de comptes bancaires à l’étranger”.
La Cour de cassation rappelle sa solution adoptée dans les arrêts de la chambre criminelle du 15 décembre 2021, n° 21-81.864 et du 22 juin 2022, n° 21-83.36. En effet, elle retient qu’ ”en cas de poursuites concomitantes, le principe non bis in idem n’interdit le cumul de qualifications lors de la déclaration de culpabilité que lorsque les infractions retenues répriment des faits identiques« .
Loan Millot – étudiant en Master 2 Droit des affaires et fiscalité
Principales sources utilisées :
La criminalité dite « en col blanc » ou plus simplement le « blanchiment d’argent » fait souvent parler d’elle dans les médias sans que l’on sache toujours ce que ce terme évoque ou ce qu’il signifie. Cependant, ce délit peut avoir de nombreuses conséquences.
La fraude fiscale consiste à dissimuler à l’administration fiscale des revenus légalement obtenus. Le blanchiment, en revanche, suit la logique opposée, il s’agit de rendre visible des revenus d’origine illégale, auparavant dissimulés, et ce, afin de leur donner une apparence légale.
Selon la Procureur du parquet national financier Éliane Houlette, « La fraude fiscale est l’acte antisocial par excellence ».
1 – Définition de la fraude fiscale
L’article 1741 du code général des impôts (CGI) définit le délit de fraude fiscale. Il s’agit du fait de ne pas déclarer intentionnellement une partie de ses revenus à l’administration fiscale dans le but de se soustraire au paiement de l’impôt.
En effet, le droit fiscal repose sur un système déclaratif, c’est-à-dire qu’il revient aux contribuables de déclarer eux même leurs revenus.
Ainsi, les personnes poursuivies pour fraude fiscale peuvent être :
- Les entrepreneurs individuels : en cas d’imposition commune, pour les personnes mariées ou pacsés, les deux peuvent être conjointement poursuivis. Toutefois, pour les déclarations catégorielles de revenus d’activité (bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non-commerciaux et bénéfices agricoles), seul le titulaire du revenu sera poursuivi. Le cas échéant, son conjoint ou partenaire de PACS pourra être poursuivi en qualité de coauteur ou de complice.
- Pour les sociétés : l’administration fiscale vise le dirigeant de droit dans la plainte, en outre, la jurisprudence considère qu’il y a présomption de responsabilité pénale du dirigeant de droit. Concernant le dirigeant de fait, il faut apporter la preuve de cette qualité par des éléments objectifs, et si une telle preuve est rapportée, il sera également poursuivi pénalement pour fraude fiscale.
La fraude fiscale peut se manifester sous différentes formes, telles que :
- Le non-respect délibéré des délais de déclaration ;
- La dissimulation intentionnelle de revenus imposables ;
- La mise en place d’une insolvabilité fictive ;
- Toute manœuvre dans le but de faire obstacle au recouvrement de l’impôt.
La fraude fiscale, en tant qu’infraction pénale, requiert la réunion de deux éléments : un élément matériel et un élément moral.
L’élément matériel réside dans la soustraction ou dans la tentative de soustraction à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés au CGI. Quant à l’élément moral, celui-ci réside dans la volonté de fraude animée par l’auteur de l’infraction, c’est-à-dire que celui-ci s’est intentionnellement soustrait à l’établissement ou au paiement de l’impôt.
Le contribuable encourt jusqu’à 500 000 euros d’amende et 5 ans d’emprisonnement dans le cas où l’administration fiscale décide d’engager des poursuites après un avis de la commission des infractions fiscales. Les sanctions peuvent aller jusqu’à 2 000 000 millions d’euros et 7 ans d’emprisonnement si la fraude fiscale a été réalisée en bande organisée.
Il est à noter que depuis la levée du mécanisme du « verrou de Bercy », l’administration fiscale n’a plus l’obligation, qui était systématique, de recueillir l’avis conforme de la commission des infractions fiscales.
Désormais, pour engager des poursuites contre la fraude fiscale, l’administration fiscale doit dénoncer les faits auprès du Ministère public lorsque les manquements portent sur des droits supérieurs à 100 000 euros, ou dans les autres cas, porter plainte, après avoir recueilli l’avis conforme de la commission des infractions fiscales.
Afin de lutter contre la fraude fiscale, plusieurs moyens ont été mis en place, notamment :
- La collaboration entre l’administration fiscale et Tracfin, agence spécialisée dans la détection des fraudes émergentes ;
- La promesse de Bercy d’augmenter de 25 % le nombre de contrôles fiscaux des contribuables les plus aisés, d’ici à 2027.
2 – Définition du blanchiment d’argent
L’article 324-1 du code pénal définit le blanchiment d’argent :
“Le blanchiment est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect.
Constitue également un blanchiment le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit.”
Le blanchiment d’argent, en tant qu’infraction pénale, requiert la réunion de deux éléments : un élément matériel et un élément moral.
L’élément matériel réside dans l’opération qui est utilisée pour masquer l’origine frauduleuse des fonds fruits d’un crime ou d’un délit. Quant à l’élément moral, celui-ci réside dans la double connaissance de l’auteur, d’une part de l’origine frauduleuse des fonds, et d’autre part, de l’infraction de blanchiment.
Ainsi, le blanchiment d’argent peut être défini comme l’introduction du produit d’une infraction dans l’économie légale pour en dissimuler l’origine. Autrement dit, il s’agit de donner une apparence légitime à une somme d’argent constituant le fruit d’une infraction pénale. C’est une infraction de conséquence, elle est donc le prolongement d’un délit initial. Tel est le cas lorsque l’auteur de ce délit convertit des revenus issus, par exemple, du trafic de stupéfiants, en revenus légaux, sans être inquiété par l’administration fiscale et donc en conserve la jouissance.
En effet, le blanchiment d’argent se réalise souvent en 3 étapes :
- La première étape est celle du placement : l’argent sale doit intégrer le circuit économique.
- La deuxième étape est celle de l’empilement qui consiste à dissimuler la provenance des fonds par l’emploi de divers mécanismes.
- La troisième étape est celle de l’intégration qui consiste à retirer ou à investir l’argent pour la rendre propre.
Le blanchiment d’argent est puni d’une peine pouvant aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende. Toutefois, s’il est commis en bande organisée, ce qui constitue une circonstance aggravante, il est puni d’une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende.
3 – Qu’est-ce que le blanchiment de fraude fiscale ?
Le délit de blanchiment de fraude fiscale suit le délit initial de fraude fiscale. Il consiste à réintroduire dans le circuit légal les sommes d’argent qui ont été détournées des déclarations qui auraient dû être réalisées auprès de l’administration fiscale, et ce, tout en évitant le paiement de l’impôt. Ainsi, cette infraction requiert la preuve d’une fraude fiscale préalable.
Il est à noter que contrairement à la fraude fiscale, le blanchiment de fraude fiscale ne dépend pas de l’avis de la commission des infractions fiscales, sous la tutelle du ministère chargé du budget, mais dépend du Ministère public, qui possède une grande autonomie.
Les sanctions sont une amende de 375 000 euros et 5 ans d’emprisonnement. Il est important de noter que si le contribuable occupe un poste important ou s’il s’agit d’une personne morale, les sanctions sont plus conséquentes. La découverte des faits entraîne alors le délai de prescription de 3 ans.
Comment blanchir la fraude fiscale ? Voici un exemple d’un montage classique de blanchiment de fraude fiscale.
La plupart du temps, il s’agit de mettre en place une opération symétrique ou d’utiliser la méthode du prêt adossé.
En effet, le contribuable va recevoir des honoraires, paiements sur un compte placé à l’étranger souvent dans un État qualifié d’État ou de territoire non-coopératif (ETNC) ou dans un pays à fiscalité privilégiée comme la Suisse.
Par définition, les ETNC sont des territoires à fiscalité très basse ; ce critère de « basse fiscalité » se traduit par une différence accrue entre les régimes de taxation des pays de l’OCDE et les pays dits ETNC. Outre leurs régimes d’imposition attrayants, ces ETNC permettent aux contribuables de bénéficier d’un secret bancaire, ce dernier, très présent, se traduit par le fait que les banques refusent de divulguer certaines données sur des comptes.
Le contribuable contracte alors un prêt dans cette même banque en utilisant la somme obtenue en guise de garantie. Les sommes ainsi créditées ont alors pour origine un emprunt français et la manœuvre de blanchiment de fraude est ainsi réalisée.
4 – Le cumul des sanctions en cas de blanchiment et de fraude fiscale
Un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 13 décembre 2023 a apporté des renseignements sur le cumul des sanctions pénales et fiscales en cas de fraude fiscale et de blanchiment.
Dans cette affaire, un contribuable était poursuivi au titre de fraude fiscale à raison de la dissimulation de sommes imposables à l’impôt sur le revenu et à l’impôt de solidarité sur la fortune entre 2009 et 2012.
Il lui était également reproché, entre 1996 et 2016, d’avoir placé des avoirs sur des comptes détenus à l’étranger non déclarés à l’administration fiscale, la constitution d’un trust aux Bahamas (qui est un ETNC), et l’acquisition d’un bien en Colombie par l’intermédiaire d’une société-écran, faits constitutifs de blanchiment de fraude fiscale.
Le 22 février 2022, il est condamné par la cour d’appel de Paris à 18 mois d’emprisonnement, 300 000 euros d’amende, et à 150 000 euros au titre de la réparation du préjudice subi par l’État, pour fraude fiscale et blanchiment aggravé.
Le contribuable reproche à la cour d’appel de l’avoir condamné deux fois au titre des mêmes faits et par voie de conséquence, d’avoir violé le principe non bis in idem. En effet, il considérait que les faits de fraude fiscale et de blanchiment d’argent constituaient une action unique ne pouvant donner lieu à deux sanctions.
Ainsi, la question posée à la Cour de cassation était la suivante : lorsque le contribuable blanchit le produit d’une fraude fiscale qu’il a commise, est-il possible de cumuler les sanctions de fraude fiscale et de blanchiment d’argent sans porter atteinte au principe non bis in idem ?
Toutefois, la Cour de cassation précise que les faits de fraude fiscale caractérisés par l’omission dans les déclarations des avoirs détenus à l’étranger et des revenus tirés doivent être distingués des faits de blanchiment caractérisés par des “opérations successives de dissimulation du produit de cette fraude, notamment réalisées au travers de l’ouverture et du fonctionnement de comptes bancaires à l’étranger”.
La Cour de cassation rappelle sa solution adoptée dans les arrêts de la chambre criminelle du 15 décembre 2021, n° 21-81.864 et du 22 juin 2022, n° 21-83.36. En effet, elle retient qu’ ”en cas de poursuites concomitantes, le principe non bis in idem n’interdit le cumul de qualifications lors de la déclaration de culpabilité que lorsque les infractions retenues répriment des faits identiques« .
Loan Millot – étudiant en Master 2 Droit des affaires et fiscalité