L’article 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, qui dispose que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité », érige la propriété en droit inviolable et sacré, ce qui constitue le fondement des réformes législatives qui visent à renforcer la protection des propriétaires, comme en témoigne la loi du 27 juillet 2023. Cette dernière illustre la volonté du législateur de préserver ce droit contre les atteintes que représentent les occupations illicites. L’article 17 établit un équilibre entre la défense des droits individuels et les besoins collectifs. C’est cet équilibre que cette loi tente de traduire dans un contexte de tensions croissantes autour du droit au logement et de la gestion des conflits locatifs.
La loi du 27 juillet 2023, dite « loi anti-squat », résulte d’une proposition de loi déposée par le député Guillaume Kasbarian, ainsi que plusieurs autres députés, le 22 octobre 2022. Elle s’inscrit dans un contexte marqué par une montée en visibilité des conflits liés à l’occupation illicite des logements. Ces dernières années, plusieurs affaires très médiatisées ont suscité l’indignation de la part des propriétaires et ont provoqué une forte émotion publique. De plus, la lenteur des procédures judiciaires d’expulsion, liée à leur complexité et à la trêve hivernale, a alimenté un sentiment d’injustice envers les propriétaires. Ainsi, face à la pression de l’opinion publique et des associations de propriétaires, le législateur a été contraint d’agir afin d’accélérer les expulsions et de renforcer la protection du droit de propriété. Les dispositions pénales de la loi du 27 juillet 2023 visent à protéger les logements contre l’occupation illicite. Cette dernière n’est désormais plus appréhendée comme une atteinte à la vie privée, mais comme une atteinte à la propriété.
La définition du domicile a longtemps été au cœur des débats sur la violation de domicile. Cette notion protège avant tout la liberté et la sécurité des citoyens dans leurs demeures. La jurisprudence a ainsi limité le domicile à des lieux habitables et occupés en excluant les locaux vides ou inhabités. Ainsi, la loi a cherché à étendre le champ d’application en incluant les logements non meublés. Le Conseil constitutionnel a émis une réserve d’interprétation sur ce point.
La loi a introduit une innovation majeure avec la création d’un nouveau délit d’occupation illicite. Celui-ci, défini par l’article 315-1 du code pénal, réprime « l’introduction ou le maintien dans des locaux à usage d’habitation, commercial, agricole ou professionnel », même lorsqu’ils ne constituent pas un domicile au sens strict. Ce nouvel article étend donc la protection pénale à des locaux non couverts jusqu’à maintenant. Cette extension marque une rupture claire avec les interprétations passées en dissociant les notions de domicile et de local à usage d’habitation. Cela permet de sanctionner le squat dans des cas où la qualification de domicile était avant inapplicable.
De plus, le législateur, en distinguant le délit de violation de domicile comme une atteinte à la vie privée et l’occupation illicite de locaux à usage professionnel ou d’habitation comme une atteinte à la propriété, réaffirme l’importance de la propriété privée. Cependant, cette dualité engendre des complications. Elle crée un chevauchement entre ces deux infractions. En effet, la frontière entre domicile et lieu d’habitation reste encore floue même si le Conseil constitutionnel a justifié la distinction en s’appuyant sur les valeurs sociales protégées, avec notamment, les biens d’une part et les personnes de l’autre. Cela pourrait entraîner des interprétations divergentes comme l’application du délit de violation de domicile à des locaux professionnels sous prétexte de protéger la vie privée des personnes morales.
La loi modifie également la procédure d’expulsion forcée qui était auparavant réservée aux cas de violation de domicile. Elle est aujourd’hui étendue aux logements non meublés. Toutefois, elle exclut les locaux professionnels. Le législateur entend ainsi protéger le droit de propriété, mais cette extension complexifie les démarches en introduisant des distinctions supplémentaires.
La loi introduit aussi un délit spécifique pour les locataires défaillants qui refusent de quitter un logement malgré une décision judiciaire définitive. Ces derniers sont punis moins sévèrement que les squatteurs traditionnels, mais cette incrimination a suscité des débats. Certains y voient une confusion entre défaut de paiement et squat.
Un autre élément est important : celui de la création d’un délit sanctionnant la promotion du squat. En effet, toute publicité en faveur de pratiques facilitant ces infractions est désormais punie. Cette mesure a été validée par le Conseil constitutionnel comme n’entravant pas la liberté d’expression. De plus, les peines pour violation de domicile et mise à disposition illicite de biens immobiliers ont été aggravées permettant un recours à la comparution immédiate. Néanmoins, ces ajustements ne modifieront probablement pas les pratiques judiciaires en matière de personnalisation des peines.
La loi du 27 juillet 2023 impose également l’insertion obligatoire d’une clause résolutoire permettant la résiliation automatique du bail en cas de loyers impayés. Même si cette clause figure déjà dans la plupart des contrats, cette mesure permet de sécuriser les rares exceptions. Les délais de procédure ont également été raccourcis. Le locataire sommé de payer dispose désormais de six semaines, contre deux mois auparavant, pour s’acquitter de sa dette avant activation de la clause résolutoire. De plus, le délai entre la notification de l’assignation et l’audience est réduit à six semaines. Toutefois, ces changements risquent de ne pas atteindre leur objectif. Le juge peut également continuer à accorder des délais de paiement, mais sous des conditions plus strictes. Le locataire doit avoir commencé à rembourser sa dette et à régler le loyer courant avant l’audience. La notion de « loyer courant » reste à préciser par la jurisprudence, mais les premiers retours suggèrent que seuls les loyers du mois de l’audience pourraient être requis.
Enfin, il est important de souligner que le Conseil constitutionnel a censuré l’article 7 réformant le régime de responsabilité applicable en cas de dommage résultant du défaut d’entretien d’un bâtiment en ruine, il portait une atteinte disproportionnée aux droits des victimes en exonérant le propriétaire de cette obligation d’entretien. Selon le juge constitutionnel, ces dispositions manquaient de garanties. Par exemple, le propriétaire n’était pas tenu de prouver que l’occupant illégal avait entravé les travaux d’entretien. De plus, elles portaient atteinte de manière disproportionnée au droit des victimes tierces d’obtenir réparation. En effet, ces victimes ne pouvaient se tourner que contre l’occupant illégal, dont l’identité n’était pas toujours établie et qui ne disposait pas toujours des mêmes garanties que le propriétaire en matière d’assurance. Ainsi, l’article 1244 actuel du code civil reste applicable : « Le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu’elle est arrivée par une suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa construction. ».
Valentine MANCEL – étudiante en Master 2 Droit privé général
Sources :
LOI n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047897040
Lettre de la DAJ, Ministère de l’économie :
Lexbase, Loi « anti-squat » : commentaire des dispositions pénales de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023, par S. Husser :