L’entreprise individuelle est une structure flexible, dirigée par une seule personne, exploitant une activité économique en son nom propre.
L’entreprise individuelle ne possède pas de personnalité juridique distincte de celle de l’entrepreneur individuel. Toutefois, depuis la loi n° 2022-172 du 14 février 2022, il existe un principe selon lequel l’entrepreneur individuel dispose de plein droit de deux patrimoines : un patrimoine professionnel comprenant les biens, les droits, les obligations et les sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité professionnelle, et un patrimoine personnel qui comporte les autres éléments de son patrimoine.
Par voie de conséquence, les créanciers professionnels exercent leur droit de gage uniquement sur le patrimoine professionnel, sauf pour les créanciers publics en cas de fraude ou de manquements graves aux obligations comptables et sociales.
De plein droit, l’entreprise individuelle est soumise à l’impôt sur le revenu (IR) dans la catégorie de revenu qui dépend de la nature de l’activité réalisée. Toutefois, les entrepreneurs individuels peuvent opter pour l’impôt sur les sociétés (IS), leur entreprise individuelle sera alors assimilée à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL).
La cession d’une entreprise individuelle, qu’elle soit volontaire (départ à la retraite, réorientation professionnelle) ou subie (redressement judiciaire), entraîne des conséquences fiscales importantes. Cette cession conduit à l’imposition des plus-values professionnelles (I.) et à d’autres obligations fiscales, telles que l’imposition immédiate des bénéfices de l’exercice, ainsi que des obligations à la charge du cessionnaire (II.).
I. Imposition des plus-values professionnelles
Lors de la cession, le cédant peut réaliser une plus-value professionnelle. La plus-value correspond à la différence entre le prix de cession (qui peut être minoré des frais afférents à la cession acquittés par le cédant) et la valeur d’origine de l’entreprise ou son prix d’acquisition (qui peut être majoré des coûts directs liés à la mise en place de certains éléments acquittés par le cédant).
Le régime fiscal applicable diffère selon qu’il s’agit d’une plus-value à court terme ou d’une plus-value à long terme.
A. L’imposition de la plus-value à court terme
La plus-value est à court terme dans deux cas :
- sur les éléments détenus depuis moins de deux ans ;
- et sur les éléments détenus depuis au moins deux ans, à hauteur des amortissements déduits.
La moins-value est à court terme dans deux cas :
- sur les éléments non-amortissables détenus depuis moins de deux ans ;
- et sur les éléments amortissables, quelle que soit leur durée de détention.
La plus-value nette à court terme imposable doit être calculée en compensant les plus-values à court terme et les moins-values à court terme.
La plus-value nette à court terme est imposable en tant que produit exceptionnel dans le résultat fiscal soumis au barème progressif de l’IR, auquel s’ajoutent des cotisations sociales.
Toutefois, l’entrepreneur peut demander un étalement de l’imposition de la plus-value nette à court terme sur trois ans à parts égales, c’est-à-dire l’année de la réalisation et les deux années suivantes.
Lorsque la compensation des plus-values et des moins-values à court terme fait naître une moins-value nette à court terme, celle-ci s’impute sur le résultat de l’exercice.
B. L’imposition de la plus-value à long terme
La plus-value est à long terme sur les éléments amortissables détenus depuis au moins deux ans pour la fraction dépassant le montant des amortissements déduits.
La moins-value est à long terme sur les éléments non-amortissables détenus depuis au moins deux ans.
La plus-value nette à long terme imposable doit être calculée en compensant les plus-values à long terme et les moins-values à long terme. En outre, l’entreprise peut imputer les moins-values à long terme qui ont été subies au cours des 10 exercices antérieurs sur la plus-value nette à long terme réalisée au titre d’un exercice.
Elle est soumise à un taux spécifique global de 30 % qui se décompose de la façon suivante :
- 12,8 % au titre de l’IR ;
- et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux.
C. L’exonération des plus-values de cession
Il existe plusieurs dispositifs permettant d’exonérer en totalité ou partiellement la plus-value de cession :
- L’article 238 quindecies du code général des impôts (CGI) prévoit que la plus-value sur les biens mobiliers est totalement exonérée d’IR et de prélèvements sociaux lorsque le prix de cession est inférieur à 500 000 €, et partiellement exonérée lorsque le prix de cession se situe entre 500 000 € et 1 000 000 €. Pour cela, plusieurs conditions doivent être respectées, telles que l’exercice d’une activité professionnelle pendant au moins cinq ans et que le cédant ne doit avoir aucun lien avec le cessionnaire.
- L’article 151 septies A du CGI prévoit que la plus-value sur les biens mobiliers est totalement exonérée d’IR lorsque l’entrepreneur individuel part à la retraite. Pour cela, plusieurs conditions doivent être respectées, telles que l’exercice d’une activité professionnelle pendant au moins cinq ans et que l’entrepreneur fasse valoir ses droits à la retraite dans un délai de deux ans suivant la cession et qu’il cesse toute fonction au sein de l’entreprise. En outre, l’entreprise doit être une petite et moyenne entreprise au sens communautaire, c’est-à-dire employer moins de 250 salariés et réaliser un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros ou avoir un total bilan inférieur à 43 millions d’euros.
- L’article 151 septies du CGI prévoit que la plus-value est totalement exonérée d’IR et de prélèvements sociaux lorsque la moyenne des recettes réalisées par l’entreprise au cours des deux années qui précèdent la cession ne dépasse pas : 350 000 € pour les activités agricoles, 250 000 € pour les activités de vente, et 90 000 € pour les activités de prestations de services. L’exonération est partielle lorsque ladite moyenne se situe entre 450 000 € et 350 000 € pour les activités agricoles, 350 000 € et 250 000 € pour les activités de vente et 126 000 € et 90 000 € pour les activités de prestations de services.
II. Les autres obligations fiscales
A. Imposition immédiate des bénéfices
La cession entraîne l’imposition immédiate des bénéfices non encore taxés au titre de l’exercice en cours.
Le cédant doit effectuer une déclaration de cessation d’activité dans un délai de 30 jours suivant l’opération de cession pour les redevables de la TVA, et dans un délai de 45 jours pour les non-redevables. Il doit établir, dans le même délai, une déclaration de TVA.
Enfin, il doit effectuer, dans les 60 jours de la date de publication de l’opération, une déclaration des bénéfices de l’exercice en cours.
B. Les formalités de publicité
Pour rendre la cession opposable aux tiers, le cessionnaire doit respecter des formalités de publicité obligatoires. Outre la déclaration au service fiscal d’enregistrement, le cédant doit :
- Dans un premier temps, publier l’acte de cession dans un support d’annonces légales dans un délai de 15 jours suivants la signature de l’acte. L’annonce doit comporter plusieurs mentions telles que la date de l’acte, le prix de vente et sa ventilation entre les éléments corporels et incorporels, le délai d’opposition pour les créanciers, etc. Pour un acte sous seing privé, cette publication doit être précédée de son enregistrement auprès du service fiscal.
- Dans un second temps, dans un délai de trois jours suivant la publication dans le support d’annonces légales, informer le greffe du tribunal de commerce de la cession, afin qu’un avis soit publié au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC).
C. Les droits d’enregistrement
Le repreneur de l’entreprise individuelle doit s’acquitter des droits d’enregistrement. Ceux-ci sont fixés selon un barème progressif dont le taux varie en fonction du prix de cession : 0 % pour la fraction inférieure à 23 000 €, 3 % pour celle se situant entre 23 001 € et 200 000 €, et 5 % pour celle excédant 200 000 €. Lorsque l’entreprise individuelle est fiscalement assimilée à une EURL (option pour l’IS), la cession est assimilée à une cession de parts sociales et le taux des droits d’enregistrement est alors de 3 %.
Émeline VERGUCHT – étudiante en Master 2 Droit des affaires et fiscalité