L’abandon de créance, également appelé remise de dette, est un acte juridique par lequel une entité renonce volontairement à tout ou partie d’une créance qu’elle détient sur une autre. La notion de créance correspond au droit que détient une personne, le créancier, à l’encontre d’une autre personne, le débiteur, qui doit la réalisation d’une prestation. Ainsi, par l’abandon de créance, le créancier libère le débiteur de son obligation. Généralement, l’abandon de créance est réalisé au bénéfice d’une entreprise partenaire ou d’une filiale lorsque ces dernières font face à des difficultés financières.
On distingue deux types d’abandon de créance : l’abandon de créance à caractère commercial (I.) et l’abandon de créance à caractère financier (II.).
I. L’abandon de créance à caractère commercial
L’abandon de créance revêt un caractère commercial lorsqu’il trouve son origine dans les relations commerciales entre deux entités juridiques indépendantes.
L’objectif principal dans le cadre de l’abandon de créance à caractère commercial réside dans la volonté de l’entreprise créancière de maintenir une source de débouchés ou de préserver des sources d’approvisionnement.
L’abandon de créance à caractère commercial constitue pour l’entreprise créancière une charge déductible de son résultat fiscal dès lors qu’elle agit dans le cadre d’une gestion normale de ses intérêts. En effet, afin que l’abandon de créance puisse constituer une charge déductible, l’entreprise créancière doit avoir profité d’une contrepartie réelle et suffisante, autrement dit, l’abandon doit avoir été effectué dans son intérêt propre. À défaut, l’abandon de créance revêt le caractère d’un acte anormal de gestion, et sera réintégré au résultat fiscal imposable de l’entreprise créancière.
Par principe, l’administration fiscale n’a pas à juger de l’opportunité des décisions de gestion prises par l’entreprise (Conseil d’État, 20 décembre 1963, n° 52308), il s’agit du principe de liberté de gestion de l’entreprise. Toutefois, pour déterminer le résultat fiscal imposable, il ne peut être tenu compte des opérations qui ne relèvent pas d’une gestion commerciale normale. Ainsi, en vertu de la théorie de l’acte anormal de gestion, toute dépense qui n’est pas dictée par l’intérêt de l’entreprise ne peut être admise en déduction du résultat fiscal imposable. Ce principe a été rappelé par la cour administrative d’appel de Douai dans un arrêt en date du 19 mai 2022, n° 20DA01172.
En vertu du principe de liberté de gestion de l’entreprise, il incombe à l’administration fiscale de prouver que l’opération a été effectuée à des fins étrangères à son intérêt.
Ainsi, relève d’une gestion normale un abandon de créance à une société cliente en difficulté dont la mise en liquidation judiciaire compromettrait la poursuite de l’activité de l’entreprise créancière (Conseil d’État, 26 juin 1992, n° 68646). À l’inverse, lorsque l’abandon de créance est d’un montant excessif au regard du faible niveau de relations commerciales entre les entreprises concernées, celui-ci revêt un caractère anormal et ne sera pas admis en déduction (cour administrative d’appel de Nantes, 30 juin 1996, n° 93NT00811).
Par ailleurs, l’article 39, I 8° du code général des impôts (CGI) dispose que « les abandons de créances à caractère commercial consentis ou supportés dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement ainsi que ceux consentis en application d’un accord constaté ou homologué dans les conditions prévues à l’article L. 611-8 du code de commerce » constituent des charges déductibles du bénéfice imposable de l’entreprise aidante. Cette déduction n’est pas subordonnée à la condition que l’entreprise aidante ait agi dans son intérêt propre.
Corrélativement, l’entreprise bénéficiaire de l’abandon de créance sera imposée sur le montant de cet abandon. En réalité, l’imposition de l’abandon de créance est neutralisée par l’imputation du déficit. En effet, l’abandon permet de compenser le déficit, ce qui entraîne l’absence d’imposition.
II. L’abandon de créance à caractère financier
L’abandon de créance revêt un caractère financier lorsqu’il trouve son origine dans la volonté, pour la société qui les accorde, de maintenir la valeur de sa participation dans l’autre société, d’assurer la pérennité d’une filiale en difficulté, ou de sauvegarder son propre renom (Conseil d’État, 30 avril 1980, n° 16253). Ainsi, les abandons de créances à caractère financier, à l’inverse des abandons de créances à caractère commercial, n’ont vocation à être effectués qu’entre des sociétés juridiquement liées entre elles et ayant des relations capitalistiques entre elles.
Par principe, l’abandon de créance à caractère financier ne constitue pas une charge déductible pour la société aidante, et ce, en vertu de l’article 39, 13. alinéa 3 du CGI.
Corrélativement, l’abandon de créance à caractère financier constitue un produit d’exploitation imposable pour la société qui en bénéficie. Toutefois, l’article 216 A du CGI prévoit une exonération sous conditions en faveur de certains abandons de créances à caractère financier.
Ainsi, les abandons de créances non-déductibles du résultat imposable d’une société créancière sont exonérés pour la société débitrice sous réserve de respecter certaines conditions :
- La société créancière doit détenir une participation au sens de l’article 145 du CGI, c’est-à-dire détenir une participation égale à au moins 5 % du capital social de la société débitrice.
- La société débitrice doit s’engager à augmenter son capital social au profit de la société créancière, d’un montant au moins égal aux abandons de créances, avant la clôture du second exercice suivant.
Par exception, en vertu de l’article 39, 13. alinéa 2 du CGI, afin de favoriser le sauvetage des entreprises en difficulté, les aides, répondant à des motivations autres que commerciales, accordées dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement ou liquidation judiciaires, ou lors d’une procédure de conciliation en application d’un accord ayant fait l’objet d’une constatation ou d’une homologation dans les conditions prévues à l’article L. 611-8 du code de commerce sont déductibles. L’administration fiscale étend cette mesure aux abandons de créances qui sont consentis dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité mentionnée à l’annexe A du règlement CE 1346/2000 du 29 mai 2000, remplacé par le règlement UE 2017/353 du 15 février 2017. La déduction est subordonnée à l’existence d’un intérêt de la société créancière à consentir l’aide.
Dans ces hypothèses, l’abandon de créance à caractère financier est déductible du résultat imposable de la société créancière dans la limite suivante :
- L’abandon est intégralement déductible dans la limite de l’apurement du passif de la société débitrice ;
- Au-delà, l’abandon est déductible dans la limite du pourcentage de droits des associés minoritaires dans la société bénéficiaire.
Exemple : Une société possède une créance de 110 000 € sur sa filiale détenue à 80 %. Une filiale présente une situation nette négative à hauteur de 50 000 €. Dans le cadre d’une procédure de conciliation ayant fait l’objet d’une homologation, la société mère, détenant une participation à hauteur de 80 %, consent un abandon de créance de 110 000 €. Cet abandon de créance a pour effet d’apurer le passif de la filiale et de créer une situation bénéficiaire à hauteur de 60 000 € (110 000 – 50 000).
L’abandon de créance sera intégralement déductible pour la société créancière dans la limite de l’apurement du passif de la société débitrice, soit 50 000 €. Corrélativement, la société débitrice est imposable sur ce même montant.
L’abandon de créance sera partiellement déductible pour la société créancière à hauteur de la fraction du résultat devenue bénéficiaire en fonction du pourcentage de droits détenus par les associés minoritaires, soit en l’occurrence 12 000 € (60 000 x 20 %). Corrélativement, la société débitrice est imposable sur ce même montant.
Enfin, lorsque les motivations de l’abandon de créance sont à la fois commerciales et financières, il ressort de la jurisprudence du Conseil d’État qu’il faut rechercher les motifs prépondérants de l’abandon de créance (Conseil d’État, 27 juin 1984, n° 35030).
Waafa BENSIMOH – étudiante en Master 2 Droit des affaires et fiscalité
Principales sources utilisées :
Mémento Pratique Fiscal 2023, Éditions Francis Lefebvre, p. 207 à 211
BOI-BIC-BASE-50-20-10 : https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/4601-PGP.html/identifiant=BOI-BIC-BASE-50-20-10-20130129BOI-BIC-BASE-50-20-20 : https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/7867-PGP.html/identifiant=BOI-BIC-BASE-50-20-20-20230628