Le 2 décembre 2024, l’ancien Premier ministre, Michel Barnier, a eu recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution permettant de faire adopter sans vote le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).
Le 4 décembre 2024, les députés ont adopté une motion de censure à la suite du recours à cet article, rejetant ainsi le PLFSS.
Présentation des lois de financement de la Sécurité sociale (LFSS) :
Suite à la réforme constitutionnelle du 22 février 1996, la loi de financement de la Sécurité sociale est une loi spécifique qui est votée chaque année par le Parlement.
L’article 34 de la Constitution dispose que, « Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »
De ce fait, cette loi de financement permet de maîtriser les dépenses sociales et de santé en fixant un objectif national de dépenses d’Assurance maladie. Ainsi, la loi fixe les prévisions de recettes et de dépenses. Cet objectif est couramment appelé l’ONDAM. Il est voté par le Parlement en même temps que le budget de l’État.
Néanmoins, il est essentiel de comprendre que cet objectif n’est qu’indicatif, il ne constitue en rien un budget maximal restrictif pour les acteurs de la santé et de la Sécurité sociale.
Le projet de loi est conçu conjointement entre la direction du Budget et la direction de la Sécurité sociale. Il est ensuite transmis au Conseil d’État pour avis. Le PLFSS est par la suite proposé par le Gouvernement au Parlement avant le 15 octobre de chaque année.
Les mesures prévues par le PLFSS pour 2025 :
Le PLFSS pour 2025 s’inscrit dans un contexte budgétaire particulier.
En effet, en 2024, le déficit de la Sécurité sociale a atteint 18,5 milliards d’euros au lieu des 10,5 milliards d’euros prévus par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024. Cette hausse exponentielle est majoritairement liée à la baisse des recettes, mais également à une hausse des dépenses des soins de ville. Pour augmenter les recettes, il était prévu dans le PLFSS pour 2025 la hausse de taxes « comportementales » sur les jeux d’argent et les sodas.
Il a également été constaté une hausse de 2,4 % de l’ONDAM en 2025 par rapport à celui de 2024. Pour pallier cela, il était prévu pour l’Assurance maladie des économies à l’échelle de 6,2 milliards d’euros. Les mesures prévues permettant ces économies ont été par exemple, la baisse de 5 % de la part de la Sécurité sociale dans le remboursement des consultations médicales, le plafonnement des rémunérations des intérimaires paramédicaux à l’hôpital, etc.
D’autres mesures avaient été prévues concernant la prévention, la santé et l’accès aux soins avec, par exemple, l’augmentation de la consultation à 30 euros permettant de renforcer le rôle du médecin traitant. Également, une « taxe lapin » avait été envisagée, sous la forme d’une pénalité pour les patients qui ne se rendent pas à leurs rendez-vous médicaux. Il était également prévu l’attribution de crédits supplémentaires pour les soins palliatifs.
Les mesures prises dans une LFSS concernent également les retraites et la branche vieillesse. Un objectif de dépenses pour cette branche avait été envisagé et était fixé à plus de 300 milliards d’euros, permettant de réduire le déficit de 5 %. Différentes mesures avaient été envisagées, telles que la revalorisation des retraites ou encore la simplification du cumul emploi-retraite pour les médecins se trouvant dans des zones avec peu de densité.
S’ajoutent à ces différentes mesures une baisse prévue des allégements de cotisations patronales sur les salaires de 1,6 milliard d’euros ou encore des mesures de soutien au secteur agricole.
Les conséquences du rejet du PLFSS :
Il faut noter que le rejet d’un PLFSS n’a jamais eu lieu depuis la création du PLFSS en 1996 et la loi organique ne détaille pas ce cas de figure.
Avant que la motion de censure ne soit adoptée par les députés, l’ancienne Première ministre, Élisabeth Borne, avait affirmé que « si le budget sur la Sécurité sociale était censuré, ça veut dire qu’au 1er janvier, votre carte Vitale ne marche plus. Ça veut dire que les retraites ne sont plus versées ».
Cette déclaration démontre les inquiétudes liées au rejet de ce PLFSS pour 2025. Pour autant, il est important de rappeler que la LFSS ne constitue pas un budget avec des autorisations de dépenses, ce n’est « que » la formulation d’objectifs de dépenses. Ainsi, les conséquences annoncées par Mme Borne en cas de rejet du PLFSS ne reflètent pas la réalité.
L’article 47-1 de la Constitution n’a retenu qu’une hypothèse concernant le PLFSS. Cela concerne le cas où le Parlement ne se serait pas prononcé dans un délai de cinquante jours. Or, en l’espèce, le Parlement s’est prononcé dans le délai qui lui était imparti et a rejeté le texte. Ainsi, l’hypothèse du rejet du PLFSS n’a pas été prévue dans les textes.
Pour autant, puisque qu’une LFSS formule des objectifs, il est possible de commencer l’année sans LFSS.
Néanmoins, pour assurer la continuité de la vie nationale et le fonctionnement régulier des services publics, les parlementaires ont intégré dans la loi spéciale (article 45 de loi organique relative aux lois de finances), l’autorisation pour l’État et plusieurs organismes de Sécurité sociale d’emprunter (article 3 de la loi spéciale). Ce texte, adopté par la majorité des parlementaires le 16 décembre 2024 permet d’éviter des difficultés de trésorerie trop importantes pour la Sécurité sociale.
En conclusion, le rejet du PLFSS n’entraînera pas de conséquences trop importantes pour le monde médical et pour la Sécurité sociale par le recours à la loi spéciale.
Néanmoins, une LFSS pour 2025 est attendue par les usagers et les professionnels de santé afin d’avoir des objectifs clairs de dépenses.
Anna DELAUNE – étudiante en Master 2 Droit public, Services et politiques publics
Sources :
https://www.economie.gouv.fr/actualites/budget-2025-quoi-sert-la-loi-speciale
https://www.senat.fr/leg/pjl24-207.html