1. Fait d’actualité
Le vendredi 13 décembre 2024, une saisie de jouets a eu lieu au Havre. L’administration douanière a intercepté et saisi 5 160 boîtes de jouets contrefaits, chiffre marquant un record dans la lutte contre la contrefaçon. Cette opération fait suite à un contrôle effectué le 14 novembre sur un conteneur en provenance de Hong Kong, destiné à une entreprise spécialisée dans le commerce de gros. À l’ouverture du conteneur, les agents douaniers ont déjà remarqué des signes d’irrégularité et ont ainsi contacté la marque concernée. Cette marque a confirmé que tous les jouets étaient bel et bien contrefaits.
En réalité, ce cas s’inscrit dans un contexte plus large. En effet, en 2023, la douane française a intercepté 20,5 millions d’articles de contrefaçon, dont 8,5 millions de jeux et jouets, un chiffre déjà en hausse de 48 % par rapport à l’année précédente.
2. Décryptage de la notion de contrefaçon
La contrefaçon se définit comme l’utilisation d’un droit de propriété intellectuelle sans l’autorisation du titulaire de ce droit. Ce délit, à la fois civil, pénal et douanier, peut donner lieu à des poursuites dans ces trois domaines. Ainsi, les sanctions sont particulièrement sévères.
La lutte contre la contrefaçon présente des enjeux multiples. Du côté des entreprises, la contrefaçon représente un véritable danger économique, car elle porte atteinte à leur réputation, leur renommée et menace leurs efforts d’innovation et d’investissement. Pour le consommateur, les risques sont d’ordre sécuritaire et sanitaire, les produits contrefaits sont souvent de mauvaise qualité, voire dangereux pour certains. Enfin, les États sont également concernés, car la contrefaçon engendre des pertes fiscales significatives et entrave les échanges commerciaux légaux, ce qui nuit à l’économie nationale et à la compétitivité des entreprises respectueuses des règles.
3. Les droits de propriété intellectuelle protégés
Les droits de propriété intellectuelle sont répartis en deux grandes catégories protégées : les droits de propriété industrielle et les droits de propriété littéraire et artistique. Les droits de propriété industrielle incluent les marques, les dessins et modèles, les brevets, les droits assimilés et les indications géographiques. Tandis que les droits de propriété littéraire et artistique concernent les droits d’auteur et les droits voisins.
Afin qu’une contrefaçon soit reconnue, il est impératif que le droit en question soit protégé. Il existe différentes protections des droits selon leur catégorie. Les droits de propriété industrielle nécessitent un enregistrement auprès d’un officier compétent contrairement aux droits de propriété littéraire et artistique qui peuvent être prouvés par tout moyen.
La contrefaçon se manifeste sous différentes formes : en matière de contrefaçon de marques, l’article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle précise que la reproduction ou l’imitation d’une marque renommée dans le but de tirer un profit indu de sa renommée constitue une contrefaçon. Ce signe doit créer une confusion dans l’esprit du consommateur ; à défaut, il s’agit simplement de parasitisme. Concernant les marques, il peut s’agir d’une simple reproduction ou d’une imitation, alors que pour les dessins et modèles, la confusion visuelle doit être perceptible par un consommateur averti.
En matière de droits d’auteur, il s’agit de la copie, totale ou partielle, des éléments originaux d’une œuvre.
En ce qui concerne les brevets, la contrefaçon se définit par l’utilisation, la distribution ou la vente du produit breveté à des fins commerciales.
Enfin, pour les indications géographiques, la contrefaçon inclut l’usurpation, l’imitation ou la diffusion d’une fausse indication. La simple utilisation d’une dénomination géographique enregistrée de manière illégale constitue déjà une contrefaçon.
4. Les actions pour protéger les droits de propriété intellectuelle
Dans le cadre de la protection des droits de propriété intellectuelle, trois actions principales peuvent être engagées pour lutter contre la contrefaçon. La première est l’action civile du titulaire du droit, en invoquant le code de procédure civile ainsi que le règlement (UE) 608/2013, qui permettent la mise en place d’une procédure de retenue.
La seconde est l’action douanière, reposant sur le code des douanes. Elle permet la constatation de l’infraction, suivie de la saisie des marchandises contrefaites.
Enfin, la troisième action est l’action publique menée par le parquet, sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale, généralement à la suite d’une dénonciation.
En ce qui concerne spécifiquement la retenue, celle-ci intervient après le dépôt d’une demande d’intervention. Cette demande d’intervention permet au titulaire des droits de solliciter l’administration des douanes afin qu’elle signale la présence de marchandises susceptibles de violer ses droits. Ces marchandises peuvent ensuite être retenues pendant une période de dix jours, reconductible une fois.
Pendant la retenue, le titulaire de droit bénéficie de prérogatives, telles que l’inspection des marchandises, le prélèvement d’échantillons et la levée du secret professionnel.
À l’issue de cette procédure, deux options sont possibles : engager une action en justice pour faire valoir ses droits ou procéder à la destruction simplifiée des produits contrefaits.
Cette procédure, spécifique au droit français, s’applique non seulement aux marchandises en transport, mais également à celles retrouvées en détention, que ce soit chez un particulier ou dans des locaux professionnels.
5. Les suites contentieuses
En cas de contrefaçon, plusieurs actions en justice peuvent être menées. Tout d’abord, le titulaire de droit peut engager une action civile ou pénale pour obtenir des mesures conservatoires, en déposant une plainte auprès du procureur de la République. Dans le cadre de l’action civile, le titulaire peut obtenir des dommages et intérêts, dont le montant sera déterminé en fonction du préjudice subi, tel que le manque à gagner ou l’atteinte à l’image de la marque ainsi qu’à sa réputation.
En outre, l’administration douanière et le procureur de la République peuvent également engager une action en justice. Celle-ci autorise les douanes à procéder à la saisie des marchandises contrefaites, qu’elles soient réelles ou fictives. Toutefois, cette action ne peut être exercée que si le caractère contrefaisant est confirmé et qu’aucune procédure de destruction simplifiée n’a été lancée.
Comme indiqué précédemment, les sanctions pour la contrefaçon sont sévères. En vertu du code des douanes, les contrevenants peuvent être condamnés à une amende comprise entre une et deux fois la valeur des marchandises contrefaites, ainsi qu’à une peine de prison pouvant aller jusqu’à trois ans, accompagnée de la confiscation des marchandises et du moyen de transport utilisé pour l’acheminement de ces dernières.
Si les faits sont commis en bande organisée, la peine d’emprisonnement peut atteindre dix ans et l’amende peut être multipliée par dix. De plus, le tribunal peut prononcer des peines complémentaires, telles que la suspension du permis de conduire ou des interdictions professionnelles.
Le code de la propriété intellectuelle prévoit également des sanctions pénales pour les auteurs de contrefaçon, avec des amendes pouvant aller jusqu’à 300 000 € et des peines de prison allant jusqu’à trois ans.
Si les faits sont commis en bande organisée ou via des réseaux de communication en ligne, les sanctions peuvent être portées à 750 000 € d’amende et sept ans d’emprisonnement. En cas de contrefaçon de produits dangereux pour la santé ou la sécurité publique, des peines supplémentaires peuvent être prononcées, telles que la fermeture de l’établissement ayant servi à commettre l’infraction.
Océane POINET et Marie BOURDET – Étudiantes en Master 2 Droit International Parcours Douanes et Transport
Sources :
Légifrance