La définition du brevet
Selon l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI), le brevet d’invention est un droit de propriété qui se donne pour but de protéger une invention technique apportant une solution innovante à un défi technique. Conformément à l’article L. 611-10 al. 1 du code de la propriété intellectuelle (CPI), toutes les inventions susceptibles d’être brevetées sont admissibles ; à l’exception des procédés mentionnés aux articles L. 611-10, al. 2 et 3 du CPI (1).
Les critères de brevetabilité
Pour qu’une invention puisse être brevetée, elle doit répondre à certaines exigences. Pour être éligible à un brevet, une invention doit intégrer le champ de la brevetabilité et répondre à d’autres critères cruciaux.
D’abord, l’invention doit être innovante (2), c’est-à-dire qu’elle ne doit pas se baser sur une innovation qui a déjà été disponible pour le grand public, peu importe l’auteur, la date, le lieu, le moyen et la forme de cette présentation au public.
Par conséquent, avant de soumettre une demande de brevet, il est crucial de réaliser une recherche d’antériorité pour s’assurer que l’invention n’a pas déjà été brevetée par un tiers. Par la suite, l’invention doit démontrer une activité inventive (3), ce qui signifie qu’elle ne doit pas découler de techniques évidentes pour l’expert dans le domaine, qui possède donc des connaissances théoriques et pratiques standards dans le secteur technique concerné.
En définitif, pour être considérée comme une invention, elle doit être susceptible d’application industrielle (4), c’est-à-dire qu’elle doit pouvoir être « fabriquée ou utilisée dans tout type d’industrie, y compris l’agriculture ».
L’intérêt de la protection par le brevet
Le brevet confère à son détenteur le pouvoir d’obtenir un droit exclusif d’exploitation de l’invention, lui permettant ainsi de poursuivre en justice ceux qui nuisent à ses droits ; en d’autres termes, il peut interdire à des tiers d’exploiter son invention sans permission ; pour une période de protection qui est habituellement de 20 ans.
Ce droit d’exploitation exclusif est effectif dès le dépôt de la demande de brevet (5), supposément avant l’octroi du titre. De cette manière, le titulaire a la possibilité de vendre son brevet ou de céder les droits à une entreprise pour qu’elle puisse l’exploiter sous licence.
Un brevet peut être détenu par l’inventeur lui-même ou son ayant cause. Il peut être possédé, aussi, par une personne morale de droit privé (une société commerciale) ou de droit public (l’État).
Il se peut également qu’il y ait plusieurs détenteurs d’un même brevet.
Le processus de dépôt d’un brevet
Le dépôt d’un brevet est une procédure complexe, étant donné qu’elle est assujettie à des exigences formelles strictes (6). Il est donc crucial de réaliser une recherche d’antériorité avant le dépôt d’une demande de brevet, afin de s’assurer que l’invention n’a pas déjà été protégée par un autre individu.
Par la suite, il est nécessaire de préparer une demande de brevet qui doit inclure une date de dépôt (7), réunir les composants essentiels de la requête, comme la nature de titre sollicité ou encore l’identification de l’inventeur ou des inventeurs.
Toutefois, si le demandeur n’est pas l’inventeur, l’article R. 612-10 du CPI prévoit que la désignation de l’inventeur, y compris toutes les informations caractéristiques, telles que son nom complet, son adresse et surtout sa signature, doit être consignée dans un document séparé.
L’intelligence artificielle n’est pas reconnue par le droit européen des brevets comme pouvant être un inventeur ou un tiers (8). Seules les personnes physiques sont reconnues comme ayant cette qualité. La demande doit également inclure une description de l’invention, si nécessaire, par le biais de schémas ou dessins explicatifs, en plus d’un résumé du contenu technique de l’invention.
Quand le dossier est prêt et complet, il est soumis par le requérant à l’office de brevet compétent pour la délivrance des brevets, que ce soit à l’échelle nationale, internationale ou régionale. Ainsi, en France, ce sera l’INPI (9), tandis qu’en Europe, c’est l’OEB (10).
Après un examen de la demande par l’office du brevet, qui peut durer plusieurs mois ou même plusieurs années en fonction de la complexité de l’invention et du pays dans lequel la demande est déposée, celle-ci pourrait être approuvée. Dans ce scénario, l’agence décerne un brevet accordant à l’inventeur un droit exclusif sur son invention pendant 20 ans, renouvelable sous certaines conditions, et conditionné par le versement d’annuités de maintien. Il est également possible que la demande de brevet soit rejetée.
Les limites de la protection par le brevet
Le brevet est considéré comme un titre fort, étant donné qu’il joue un rôle crucial dans l’actif immatériel d’une entreprise, pouvant contribuer à sa valorisation ou à la création de profits. Néanmoins, cette protection a ses limites.
En effet, la protection offerte par le brevet est d’abord limitée par une durée. Le brevet est accordé pour une durée de 20 ans (11).
Passé ce délai, l’invention devient publique et peut être exploitée par toute personne sans restriction.
Toutefois, pour assurer la validité du brevet pendant toute sa durée, il est nécessaire de s’acquitter d’une redevance annuelle auprès de l’office des brevets. De plus, cette période de validité peut être prolongée sous certaines conditions pour les inventions liées aux médicaments ou aux produits phytopharmaceutiques en obtenant un certificat complémentaire de protection.
Cette durée et ce maintien en vigueur du brevet engendrent inévitablement des coûts importants pour les sociétés. En cela, la protection offerte par le brevet est restreinte.
De plus, la portée de la protection par brevet est restreinte par des considérations territoriales (12). En effet, le droit des brevets est territorial, ce qui signifie que le brevet est généralement applicable dans le pays ou dans la région où il a été enregistré. Par conséquent, si l’inventeur ou le requérant de brevet désire une protection plus large, éventuellement à l’échelle internationale, il est nécessaire qu’il soumette des demandes auprès de divers bureaux nationaux de brevets ou qu’il recoure à des dispositifs tels que le PCT (Traité de coopération en matière de brevets) pour simplifier la procédure de dépôt international.
Avant l’instauration du système de brevet européen à effet unitaire (13), le brevet européen prévu par la Convention de Munich de 1977 (14) était soumis à un cadre juridique double (15). Sa validité, sa portée et sa propriété étaient régies par les clauses de la convention.
Toutefois, les droits accordés aux détenteurs dépendaient des législations nationales des États choisis lors du dépôt de brevet.
En d’autres termes, la violation du brevet européen par un acte de contrefaçon était évaluée selon les règles de la loi nationale où cette infraction a été commise.
Toutefois, avec l’instauration du brevet unitaire et la création de la juridiction unifiée du brevet, entrée en fonction le 1er juin 2023, les litiges relatifs aux brevets européens à effet unitaire — valides dans les 25 États signataires — relèveront exclusivement de cette juridiction (16).
Finalement, on note que la protection offerte par le brevet est également restreinte par les procédures d’opposition (17) ou de réexamen pouvant remettre en question la validité de l’invention. À l’issue de ces procédures, la demande de brevet peut ne pas être fructueuse.
Conclusion
La protection de son invention par le biais du brevet constitue un outil crucial pour garantir l’innovation et en extraire des avantages économiques. Le brevet, en accordant un monopole temporaire sur l’usage d’une invention, permet aux inventeurs et aux entreprises de sauvegarder leur innovation tout en contribuant à l’accroissement du savoir technique et à la prospérité économique d’un secteur entier. Toutefois, pour qu’un brevet soit véritablement efficace, il faut établir une stratégie de gestion appropriée, ce qui implique d’être attentif, méthodique et d’avoir une expertise ; des qualités essentielles pour que cette protection soit totalement bénéfique.
Rosine DJANMAN – étudiante en Master 2 Droit privé général
Notes de bas de page :
(1) Voir également l’article 52 de la convention sur le brevet européen
(2) articles L. 611-11 à L. 611-13 CPI
(3) article L. 611-14 CPI
(4) article L. 611-15 CPI
(5) article L. 613-1 CPI
(6) articles L. 612-1 et suivants CPI
(7) article L. 612-2 CPI
(8) Un droit des brevets sans inventeur ? – Plaidoyer pour une autre protection juridique des inventions réalisées par l’intelligence artificielle – Etude par Alexandra Mendoza-Caminade, La Semaine Juridique Edition Générale n° 49, 6 décembre 2021, doctr. 1309
(9) Institut national de la propriété intellectuelle
(10) Office européen des brevets
(11) article L. 611-2 CPI
(12) PROTECTION UNITAIRE PAR BREVET. – Brevet européen à effet unitaire, JurisClasseur Brevet
13 Ordonnance n° 2018-341 du 9 mai 2018 relative au brevet européen à effet unitaire et à la juridiction unifiée du brevet, article 23 I : l’ordonnance entre en vigueur à la même date que celle de l’entrée en vigueur de l’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet signé à Bruxelles le 19 février 2013, et dont la loi n° 2014-199 du 24 février 2014 a autorisé la ratification (entrée en vigueur : 1er juin 2023).
(14) Entrée en vigueur le 7 octobre 1977
(15) Convention Munich (1977), Article 2, §2 : Dans chacun des Etats contractants pour lesquels il est délivré, le brevet européen a les mêmes effets et est soumis au même régime qu’un brevet national délivré dans cet Etat, pour autant que la présente convention n’en dispose pas autrement.
(16) article L. 615-18 CPI
(17) article L. 613-23 CPI et article R. 613-44-5 CPI
Sources :
- Fascicule 4221- LexisNexis- LA PROTECTION DES LOGICIELS PAR BREVET D’INVENTION. – Étude du domaine de la brevetabilité – Sebastien Drillon, Docteur en droit privé, Avocat au barreau de Strasbourg : https://www-lexis360intelligence-fr.ezproxy.normandie-univ.fr/encyclopedies/JurisClasseur_Brevets/CX5-TOCID/document/EN_KEJC-171943_0KRC?doc_type=doctrine_fascicule&q=la%20protection%20par%20le%20brevet&sort=score&from=0&to=1737020727562&source=history&index=245180668&t=1737020761120&numero=2
- Droit des Brevets, LexisNexis, Emmanuelle Montguillet : https://www-lexis360intelligence-fr.ezproxy.normandie-univ.fr/fiches-pratiques/document/FP_FP-683517_0KT0?doc_type=pratique&q=la%20protection%20par%20le%20brevet&sort=score&from=0&to=1737020727562&source=history&index=245180668&t=1737020761120&numero=5#etl_title_1
- Fascicule 4400 – Brevet Français, Demande de brevet, Yann Basire : https://www-lexis360intelligence-fr.ezproxy.normandie-univ.fr/encyclopedies/JurisClasseur_Brevets/CX5-TOCID/document/EN_KEJC-152544_0KRC?doc_type=doctrine_fascicule&q=la%20protection%20par%20le%20brevet&sort=score&from=0&to=1737020727562&source=history&index=245180668&t=1737020761120&numero=10
- Droit de la propriété industrielle, Jacques Azéma & Jean Christophe Galloux, Ed. DALLOZ