Lors d’un contrôle fiscal, les rehaussements de droits simples peuvent être déduits immédiatement des rehaussements des bases d’imposition d’autres impôts également vérifiés. Ce système, appelé « mécanisme de la cascade », n’est en principe applicable qu’en cas de vérification de comptabilité. Toutefois, la doctrine administrative en a étendu le champ d’application aux contrôles sur pièces. Ce mécanisme offre deux possibilités :
- Le mécanisme dit de la cascade « simple » (I)
- Le mécanisme dit de la cascade « complète » (II)
I. Le mécanisme de la cascade simple
Si, à l’occasion d’une vérification de comptabilité ou d’un contrôle sur pièces, l’administration fiscale procède à la fois à des rehaussements de taxes sur le chiffre d’affaires et d’impôt sur les bénéfices (impôt sur le revenu (IR) ou impôt sur les sociétés (IS)) ou, en cas de vérifications séparées, lorsque la vérification de la taxe sur le chiffre d’affaires est achevée la première, l’article L. 77 du livre des procédures fiscales (LPF) permet d’imputer le supplément de taxes sur le chiffre d’affaires sur le bénéfice imposable du même exercice.
En effet, certaines taxes, et notamment la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), sont déductibles du bénéfice imposable.
En principe, la charge de rappel de TVA est comptabilisée lors de la mise en recouvrement de la taxe, c’est-à-dire après réception de la proposition de rectification.
Toutefois, pour éviter le décalage dans le temps, entre le moment où la taxe aurait normalement dû être versée à l’administration fiscale et le moment où sa déduction est possible, le mécanisme de la cascade simple offre la possibilité de déduire directement sur l’exercice des rectifications le montant du rappel de TVA.
L’imputation est effectuée automatiquement par l’administration fiscale dans la proposition de rectification. Le contribuable dispose toutefois de la possibilité d’y renoncer en formulant une demande expresse en ce sens dans le délai imparti pour répondre à la proposition de rectification, soit 30 jours à compter de la notification de cette proposition.
Exemple : Une entreprise reçoit en 2023 une proposition de rectification relative à l’exercice clos le 31/12/2022. L’administration fiscale l’informe d’un rehaussement de bénéfice imposable à l’IS à hauteur de 150 000 €, ainsi que d’un rappel de TVA à hauteur de 100 000 €.
- Sans application du mécanisme de la cascade simple :
L’entreprise sera tenue d’acquitter un supplément d’IS d’un montant de 37 500 € (150 000 x 25 %), ainsi qu’un rappel de TVA d’un montant de 100 000 €.
Ce n’est que dans un second temps, l’année de la mise en recouvrement de la taxe, que l’entreprise pourra déduire le rappel de TVA de 100 000 €.
- Avec application du mécanisme de la cascade simple :
L’entreprise sera tenue d’acquitter un supplément d’IS sur la base de 150 000 – 100 000, soit 50 000 €, puisqu’en effet, le rappel de TVA de 100 000 € est immédiatement déduit. Le montant d’IS à acquitter s’élève à 12 500 € (50 000 x 25 %).
II. Le mécanisme de la cascade complète
Lorsqu’une société passible de l’IS fait l’objet de rehaussements de bénéfices et que ceux-ci sont considérées comme fiscalement distribués, le mécanisme de la cascade complète permet d’imputer le rappel d’IS sur les bénéfices distribués – eux-mêmes déjà diminués, éventuellement, des suppléments de taxes sur le chiffre d’affaires par application du mécanisme de la cascade simple -, afin de déterminer l’assiette des impôts dus à raison de la distribution.
Ainsi, dans le cadre de ce mécanisme, le rehaussement de bénéfices réputés distribués va être imputé du rappel d’IS, ainsi qu’éventuellement du rappel de TVA.
Contrairement au mécanisme de la cascade simple, la cascade complète n’est pas automatique. Deux conditions doivent être respectées pour pouvoir en bénéficier :
- La société doit en faire la demande ;
- Les sommes, nécessaires au paiement de la TVA et de l’IS, doivent être versées par les associés ou les actionnaires, avant l’établissement de leur imposition personnelle, dans la caisse sociale.
Actualité : Enfin, par une décision en date du 19 juillet 2024, publiée aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’État a précisé qu’en l’absence d’application du mécanisme de la cascade simple, les sommes réputées distribuées doivent être retenues pour leur montant TTC. En revanche, lorsque le mécanisme est appliqué, les sommes réputées distribuées sont retenues pour leur montant HT, mais le rappel de TVA peut toutefois être taxé entre les mains de l’associé.
Exemple : Une entreprise reçoit en 2023 une proposition de rectification relative à l’exercice clos le 31/12/2022. L’administration fiscale l’informe d’un rehaussement de bénéfice imposable à l’IS à hauteur de 80 000 €, dont l’intégralité est réputée distribuée à un associé, ainsi que d’un rappel de TVA à hauteur de 16 000 €. Le taux de TVA est de 20 %.
- Sans application du mécanisme de la cascade :
L’entreprise sera tenue d’acquitter un supplément d’IS d’un montant de 20 000 € (80 000 x 25 %), ainsi qu’un rappel de TVA d’un montant de 16 000 €.
Dans un second temps, l’année de la mise en recouvrement de la taxe, l’entreprise pourra déduire le rappel de TVA de 16 000 €.
Concernant l’associé, dans la mesure où le rehaussement de bénéfice imposable est réputé lui être distribué, il sera tenu d’acquitter le prélèvement forfaitaire unique (PFU), au taux global de 30 % (12,8 % au titre de l’IR et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux), sur une base majorée de 25 % pour l’IR, sur le fondement de l’article 158 7-2° du code général des impôts.
En outre, dans la mesure où la TVA sera déduite l’année de la mise en recouvrement de la taxe, par application de la décision précitée du Conseil d’État du 19 juillet 2024, la somme réputée distribuée doit être retenue pour son montant TTC, soit 96 000 € (80 000 x 20 %).
Ainsi, l’associé doit s’acquitter :
- de 15 360 € au titre de l’IR ((96 000 x 1,25) x 12,8 %)
- et de 16 512 € au titre des prélèvements sociaux (96 000 x 17,2 %).
- Avec application du mécanisme de la cascade :
L’entreprise sera tenue d’acquitter un supplément d’IS sur la base de 80 000 – 16 000, soit 64 000 €, puisqu’en effet, le rappel de TVA de 16 000 € est immédiatement déduit.
Le montant d’IS à acquitter s’élève à 16 000 € (64 000 x 25 %).
Concernant l’associé, dans la mesure où le rehaussement de bénéfice imposable est réputé lui être distribué, il sera tenu d’acquitter le PFU, au taux global de 30 % sur une base majorée de 25 % pour l’IR.
En outre, dans la mesure où le mécanisme de la cascade a été appliqué, la somme réputée distribuée doit être retenue pour son montant HT, soit 80 000 €.
Ainsi, l’associé doit s’acquitter :
- de 12 800 € au titre de l’IR ((80 000 x 1,25) x 12,8 %)
- et de 13 760 € au titre des prélèvements sociaux (80 000 x 17,2 %).
Julien RENAULT – étudiant en Master 2 Droit des affaires et fiscalité
Sources :
- Mémento Pratique Fiscal 2023, Éditions Francis Lefebvre, p. 1466 et 1467
- Éditions Francis Lefebvre : https://www.efl.fr/actualite/revenus-reputes-distribues-majoration-25-calcul-prelevements-sociaux_UI-18a336de-8bc8-484f-969b-0d85dfde42ea
- Décision du Conseil d’État, n° 491690, du 19 juillet 2024 : https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2024-07-19/491690