L’Union européenne (UE) a l’ambition d’atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050. Pour ce faire, elle a initié en 2009 le Pacte Vert pour l’Europe puis, le 14 juillet 2021, un ensemble de textes appelé « Ajustement à l’objectif 55 » (Fit for 55). L’objectif est d’atteindre une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 55 % d’ici 2030.
Ce paquet législatif vient non seulement renforcer le système d’échange des quotas d’émissions (SEQE), mais également mettre en place le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.
Il s’agit du règlement (UE) 2023/956 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 établissant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Il a été publié dans le Journal officiel de l’UE le 15 septembre 2023 avant d’entrer en application pour les États membres le 1er octobre 2023. De plus, l’application de ce règlement s’appuie sur le règlement d’exécution (UE) 2023/1773 de la Commission, qui détaille les modalités liées aux obligations de déclaration dans le cadre du MACF prévu par le règlement (UE) 2023/956. Toujours en application transitoire depuis son entrée en vigueur, son application sera pleinement effective d’ici 2026.
I. Quels sont les principaux objectifs et le champ d’application du règlement (UE) 2023/956 ?
Dans ses considérants, le règlement (UE) 956/2023 constate que :
(1) “Dans sa communication du 11 décembre 2019 intitulée ‘Le pacte vert pour l’Europe’, la Commission a défini une nouvelle stratégie de croissance visant à transformer l’Union en une société juste et prospère, dotée d’une infrastructure moderne, efficace dans l’utilisation des ressources et compétitive (…) économie ou il n’ y a pas d’émissions nettes (…) de gaz à effet de serre… au plus tard d’ici 2050 (…)”.
(7) “L’Union a mené une politique ambitieuse dans le domaine de l’action pour le climat et a mis en place un cadre réglementaire en vue d’atteindre son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. La législation mettant en œuvre cet objectif se compose, entre autres, de la directive 2003/87/CE (…) qui introduit des objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 (…) qui oblige les États membres à compenser les émissions de gaz à effet résultant de l’utilisation des terres par l’absorption de gaz à effet de serre dans l’atmosphère”.
(8) “Si l’Union a considérablement réduit les émissions de gaz à effet de serre sur son territoire, les émissions de gaz à effet de serre intrinsèques des importations dans l’Union n’ont cessé d’augmenter, sapant ainsi les efforts déployés par l’Union pour réduire son empreinte mondiale sur le plan des émissions de gaz à effet de serre. L’Union a la responsabilité de continuer à jouer un rôle de premier plan dans l’action mondiale pour le climat.”
L’article premier du règlement MACF vise à lutter contre les « émissions intrinsèques » de GES des produits importés sur le territoire douanier et de lutter contre les fuites de carbone.
Ainsi, les principaux objectifs du MACF sont les suivants :
- Lutter contre les fuites de carbone et renforcer l’ambition climatique au niveau européen ;
- Appliquer un prix carbone sur les produits importés dans l’UE ;
- Assurer des règles équitables entre les producteurs européens et tiers à l’UE ;
- Accompagner progressivement la fin des quotas gratuits.
La fuite de carbone fait référence au risque, qu’en raison des coûts de mise en conformité avec les règles en matière d’émissions de GES, les entreprises choisissent de se délocaliser dans des pays tiers, où les règles sont plus souples, ce qui pourrait entraîner une augmentation des émissions de GES à l’échelle mondiale.
Ce risque est traité par l’article 10 ter de la directive 2003/87/CE sur le système d’échange de quotas d’émission (SEQE) qui prévoit des “mesures transitoires destinées à soutenir certaines industries à forte intensité énergétique en cas de fuite de carbone”.
Pour simplifier le dispositif, le MACF sera initialement limité à certaines marchandises dites « simples » listées dans l’annexe I du règlement. Ces produits, provenant des pays tiers et fortement exposés au risque de fuite de carbone, représentent environ la moitié des émissions industrielles de l’UE. Ils incluent l’acide (hors certains ferro-alliage), l’aluminium, le ciment, les engrais azotés et l’hydrogène. De plus, le MACF s’applique aux émissions indirectes de GES qui découlent de la productivité d’électricité pour produire les marchandises auxquelles le règlement s’applique.
Ces marchandises sont soumises au MACF dès lors qu’elles sont mises en circulation sur le territoire douanier de l’UE, que ce soit après importation ou lors de leur mise à la consommation après un perfectionnement actif. Cependant, l’application du MACF connaît quelques exceptions, notamment lorsque la valeur en douane à l’importation est inférieure à 150 euros, lorsque l’expédition est réalisée en provenance de certains pays limitativement énumérés (l’Islande, la Suisse, la Norvège et le Liechtenstein) et lorsque l’importation est relative à une opération militaire.
La Commission vise à étendre progressivement le périmètre des marchandises couvertes par le MACF à d’autres secteurs industriels tels que le raffinage et la chimie, ainsi qu’à certains produits en aval. Cette extension vise à réduire les risques de contournement via l’importation de produits semi-transformés exclus du champ d’application actuel. En réponse aux préoccupations de certains pays européens concernant l’augmentation des importations d’électricité en provenance de pays voisins de l’UE, le règlement inclut également les importations d’électricité.
II. Quels sont les acteurs concernés par cette réglementation ?
Le règlement MACF crée de nouvelles obligations règlementaires pour les importateurs, notamment les acteurs économiques (identifiés par leur numéro EORI) responsables de la mise en libre pratique des produits répertoriés à l’annexe I du règlement MACF (identifiés par leurs codes CN) sur le territoire douanier de l’UE. Selon le règlement MACF, les opérateurs concernés incluent les importateurs de produits soumis au MACF dans l’UE ainsi que les représentants en douane enregistrés agissant sous un mandat de représentation indirecte. Dans ce cas, le représentant en douane indirect sera considéré comme le déclarant MACF au regard de la réglementation.
III. Quelles sont les autorités chargées du contrôle du règlement et quelles en sont les sanctions applicables ?
La question du contrôle de l’autorité compétente est réglée par l’article 11 du règlement MACF qui prévoit que : “Chaque État membre désigne l’autorité compétente chargée de s’acquitter des fonctions et des tâches prévues au présent règlement et en informe la Commission. La Commission met à la disposition des États membres une liste de toutes les autorités compétentes, publie cette information au Journal officiel de l’Union européenne et met cette information à disposition dans le registre MACF. Les autorités compétentes s’échangent toutes les informations essentielles ou utiles à l’exercice de leurs fonctions et de leurs tâches au titre du présent règlement”.
En cas de non-respect de ces obligations, les importateurs seront soumis à des sanctions. En effet, les opérateurs doivent veiller à éviter tout manquement pouvant entraîner des sanctions notamment en cas d’importation de marchandises MACF sans le statut du “déclarant MACF autorisé”, de fausses déclarations en douane ou d’écarts entre le nombre de certificats MACF restitués et la quantité réellement due. Il y a fausse déclaration lorsque l’importateur ou le déclarant MACF autorisé, fournit des informations qui ne respectent pas les conditions posées par l’article 6 du règlement MACF.
En plus des sanctions classiques de l’administration des douanes, telles que le blocage des marchandises et des pénalités douanières, des sanctions spécifiques pourront être appliquées. Celles-ci incluent les amendes financières basées sur le volume d’émissions importées ou sur les écarts entre le nombre de certificats MACF restitués et la quantité due, le retrait du “statut du déclarant MACF autorisé” et l’obligation de restituer les certificats MACF.
Le règlement d’exécution pour la période de transition prévoit une pénalité de 10 à 50 euros par tonne d’émission non déclarée en cas d’absence de rapport MACF ou de dépôt d’un rapport incomplet ou incorrect.
Inoussa NABOLLE – étudiant en Master 2 Droit international parcours Douanes et Transports
SOURCES :
Règlement (UE) 2023/956 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 établissant le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ;
Règlement d’exécution (UE) 2023/1773 de la commission du 17 août 2023 portant modalités d’application du règlement (UE) 2023/956 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les obligations de déclaration aux fins du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pendant la période transitoire ;
Directive (UE) 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’union et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil ;
Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n 9.7.2021, p. 1) ;
Règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030.