« La destruction du patrimoine culturel, qui est une manifestation de la diversité de la culture humaine, efface la mémoire collective d’une nation, déstabilise les populations et fragilise leur identité culturelle ». La protection des biens culturels en période de conflit armé est un enjeu majeur du droit international humanitaire, mais qui touche également le patrimoine culturel. Ces biens, témoins de notre histoire et de notre diversité, sont souvent les premières victimes des conflits. La destruction ou le pillage de ces trésors inestimables représentent une perte irréparable pour l’humanité. Depuis des millénaires, l’évolution socio-culturelle s’est exprimée à travers la création et la construction que ce soit de temples, de théâtres, de monuments, de sculptures ou de toutes autres œuvres d’art. Ces chefs-d’œuvre contribuent à façonner notre identité, et pourtant, ils sont souvent endommagés, voire détruits à la suite d’un conflit armé. Cette destruction peut avoir des conséquences catastrophiques pour les générations actuelles et futures.
La Convention de La Haye de 1954 protège le patrimoine culturel en période de conflit armé, préservant monuments, architecture, sites archéologiques, bâtiments religieux, manuscrits, livres, objets artistiques et historiques, ainsi que collections scientifiques. Elle interdit l’utilisation militaire de ces biens et exige leur protection et leur restitution. La Convention inclut deux protocoles : le Premier Protocole, de 1954, empêche l’exportation de biens culturels d’un territoire occupé et exige leur retour, et le Deuxième Protocole, de 1999, renforce la protection, criminalise la destruction de biens culturels, crée un fonds spécial d’assistance et établit un comité intergouvernemental pour surveiller sa mise en œuvre. La guerre du Golfe illustre une application réussie de la Convention, où les forces de la coalition ont protégé les biens culturels contre les destructions, en respectant ses règles. Les Protocoles additionnels de 1977 aux Conventions de Genève de 1949 renforcent cette protection en étendant son application aux conflits armés non-internationaux.
L’Organisation des Nations-Unies pour l’éducation, la science et la culture (l’UNESCO) joue un rôle essentiel dans la mise en œuvre de la Convention de La Haye de 1954 pour protéger le patrimoine culturel en période de conflit armé. Agissant comme secrétariat de la Convention, l’UNESCO organise des réunions statutaires, aide les États membres à mieux protéger leur patrimoine culturel et améliore la mise en œuvre des conventions culturelles. Malgré les efforts de la communauté internationale, le patrimoine culturel reste menacé, et sa destruction impacte la paix mondiale. La coopération internationale est essentielle pour défendre et préserver notre patrimoine commun.
Plusieurs enjeux concernant la protection des biens culturels apparaissent. Le patrimoine mondial fait face à de nombreuses menaces. Les conflits armés ont causé des dommages irréparables à des sites comme la vieille ville d’Alep en Syrie ou les mausolées de Tombouctou au Mali. Le terrorisme a ciblé délibérément des sites culturels, comme l’a montré la destruction des Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan. En 2001, les Talibans ont dynamité ces statues colossales que même le terrible et cruel Gengis Khan avait épargnées. Ou encore, les soldats de l’État islamique ont incendié la bibliothèque de Mossoul, en Irak, le 22 février 2015, brûlant au passage plus de 8 000 manuscrits et livres rares, et ont saccagé la cité antique de Palmyre, en Syrie, pendant toute l’année où ils l’ont occupée, du printemps 2015 au printemps 2016.
La guerre menée sous l’étendard wahhabite depuis 2015 est aussi culturelle. La dynastie des Saoud ne fait preuve ni de délicatesse, ni de mansuétude et encore moins de tolérance à l’égard des sites historiques et de leur protection en cas de conflit armé. Elle transgresse une après l’autre les dispositions édictées par la Convention de la Haye que le royaume a pourtant signée en 1954 et ratifiée en 1971. Les forces aériennes ne cessent de lâcher des bombes qui ont pour effet, outre le massacre des populations civiles, de gommer une à une les attestations du patrimoine yéménite. Sur les 19 278 frappes recensées entre le 26 mars 2015 et le 28 février 2019, plusieurs ont ciblé des monuments historiques. Début avril 2015, la ville antique de Baraqish, qui abrite la forteresse médiévale d’al-Qahira, est rasée. En mai, le musée de Dhamar, l’un des plus grands et des plus importants musées régionaux du Yémen, la mosquée Hadi de Saada, le plus ancien sanctuaire chiite de la région et le fort ottoman de Taiz sont détruits. Le 31 mai 2015, le barrage de Marib édifié au VIIIe siècle avant notre ère, est bombardé par la coalition. Cette destruction contribue à effacer une mémoire collective.
Des actions importantes sont à mener, comme la campagne lancée sur les réseaux sociaux « Unite4heritage » visant à sensibiliser les jeunes générations à la protection du patrimoine. En décembre 2016, une conférence internationale à Abu Dhabi réunit plus de 40 pays pour la sauvegarde du patrimoine en danger. La résolution 2347 de l’Organisation des Nations-Unies de mars 2017 crée un fonds international et un réseau de refuges pour les biens culturels menacés. Le Comité français du Bouclier bleu soutient la Convention de La Haye de 1954, et se consacre à la prévention et à la sauvegarde du patrimoine en danger, en formant des professionnels et en rédigeant des plans d’urgence. La coopération internationale est essentielle pour lutter contre le trafic illicite de biens culturels, qui alimente des réseaux criminels et finance des activités illégales, et assurer leur restitution.
La protection des biens culturels en période de conflit armé est donc devenue une priorité internationale pour l’avenir de l’humanité. La recrudescence des attaques portées à l’encontre de sites culturels a entraîné une prise de conscience majeure.
Julie LE BRIS – étudiante en Master 2 Droit du patrimoine et des activités culturelles
Bibliographie :
- Avis sur la protection des biens culturels en période de conflit armé – Légifrance
- Benoît Collombat, « Yémen : la stratégie de la faim », France Inter, 15 avril 2019. Cette estimation résulte des analyses de l’ONG Disclose et de la cellule d’investigation de Radio France.
- Jeannette Bougrab, « Un silence de mort : la sale guerre oubliée du Yémen », Les éditions du Cerf, 2020.
- La Culture en Péril : Protéger notre Héritage Mondial face aux Défis du 21e Siècle – Infos Juridiques
- Le patrimoine culturel et conflits armés : La Convention de La Haye de 1954 et ses Protocoles, UNESCO : https://www.youtube.com/watch?v=KvuRasQVvlQ
- Les enjeux de la protection du patrimoine mondial – Observatoire Patrimoine d’Orient
- Protéger le patrimoine culturel | Bulletin des bibliothèques de France