Décision-cadre du 28 janvier 2025 – l’alerte de la Défenseure des droits sur la protection de l’enfance

La notion de protection de l’enfance est définie à l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles, qui dispose que « la protection de l’enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa  sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits ».  

En complément de la législation française, le droit international protège également ce qui a trait à l’enfance avec l’adoption en 1989 de la Convention internationale des droits de l’enfant – dite Convention de New York (ratifiée par la France en 1990). En outre, le Conseil d’État et la Cour de cassation opèrent une distinction parmi les droits reconnus au sein de cette Convention. En effet, un rapport du Défenseur des droits au Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies de juillet 2020 affirme que : « Sur les 54 articles de la Convention, dont la force réside dans l’invocabilité directe par les particuliers, seuls 6 font l’objet d’un consensus du Conseil d’État et de la Cour de cassation quant à leur effet direct ». En d’autres termes, cela signifie que tous les articles de la Convention de New York ne sont pas applicables directement par les justiciables. En effet, les plus hautes juridictions françaises, d’un commun accord, ne reconnaissent l’invocabilité directe que de six articles. Ces deux juridictions justifient leur distinction par le fait que certains articles sont trop généraux ou ne confèrent pas de droits individuels. Ainsi, elles estiment qu’il n’est pas primordial que ces articles bénéficient de l’effet direct. À titre d’exemple, l’article 28 de la Convention de New York qui reconnaît un droit à l’éducation n’est pas d’effet direct, tout comme l’article 19 relatif à la protection contre les violences et les mauvais traitements. 

Malgré une portée relativement souple du droit international, le droit national vient, quant à lui, pallier cette lacune. 

Ainsi, comme évoqué ci-dessus, un des principaux outils juridiques nationaux de la protection de l’enfance est le code de l’action sociale et des familles. Ce code met notamment en avant les compétences détenues par différentes entités (confer l’article L. 312-1 du code suscité) en matière de protection de l’enfance. D’un point de vue organisationnel, les collectivités territoriales jouent un rôle fondamental. En effet, l’article L. 112-5 du code précité dispose qu’un « protocole est établi dans chaque département par le président du conseil départemental avec les différents responsables institutionnels et associatifs amenés à mettre en place des actions de prévention en direction de l’enfant et de sa famille, notamment avec les caisses d’allocations familiales, les services de l’Etat et les communes ».  

La protection de l’enfance est également assurée par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) depuis 1956. Ce service, anciennement confié à l’État, est transféré aux départements avec la loi de décentralisation de 1983, afin d’envisager une protection de l’enfance plus effective et plus proche des citoyens. L’ASE est donc un service du département placé sous l’autorité du président du conseil départemental, dont la mission essentielle est de venir en aide aux enfants et à leur famille par le biais d’actions de prévention individuelle ou collective, de protection et de lutte contre la maltraitance (confer l’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles). Ainsi, une compétence accrue est conférée, en matière de protection de l’enfance et d’aide à la famille, aux départements.

Dans sa décision-cadre du 28 janvier 2025 (complétée par 7 décisions territoriales – à consulter en annexe), la Défenseure des droits rappelle que près de 400 000 enfants en France bénéficient aujourd’hui d’une mesure d’aide sociale à l’enfance. Selon les données de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), la délivrance des mesures d’aide sociale à l’enfance connaît une hausse continue, comme l’illustre son graphique.

Pour étayer son propos, Madame Claire Hédon, Défenseure des droits, met en avant plusieurs éléments :

  • La nécessité de garantir le respect des droits de l’enfant grâce à un engagement conjoint de l’État et des départements ;
  • L’importance de répondre aux besoins fondamentaux des enfants en redéfinissant les interventions socio-éducatives autour du respect de leurs droits.

Il conviendra d’étudier les deux points susvisés dans deux parties distinctes, étant précisé que seuls les éléments jugés les plus importants y sont inclus.

I. La garantie du respect des droits de l’enfant : engagement conjoint de l’État et des départements  

  • Moyens insuffisants  

La Défenseure des droits constate d’abord que les moyens dont bénéficient les départements sont insuffisants. Une protection efficace ne peut être mise en œuvre si l’État ne consacre pas davantage de ressources financières aux départements, permettant, in fine, de garantir une meilleure application de la Convention internationale des droits de l’enfant sur l’ensemble de son territoire.  

  • Un objectif de coordination des acteurs  

En outre, la Défenseure des droits souligne l’importance de moderniser la coordination entre les différents acteurs. À ce titre, Madame Hédon insiste sur sa volonté de rétablir le dialogue entre les acteurs de la protection de l’enfance, d’intégrer les familles au sein du débat et, enfin, de limiter le recours systématique à l’intérim. Elle cherche en effet à instaurer une stabilité parmi les membres œuvrant pour la protection de l’enfance. Une meilleure cohésion favoriserait les dialogues constructifs entre les départements, le secteur associatif et les professionnels de terrain, permettant de mettre en œuvre des projets plus innovants et performants.  

Concrètement, la Défenseure des droits émet de véritables recommandations quant à cet engagement conjoint de l’État et des départements face à la protection de l’enfance. À titre d’exemples, Madame Hédon préconise : 

  • à l’État, via le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, de revaloriser le métier d’assistant social en milieu scolaire afin d’intensifier le recrutement primordial de ces professionnels ; 
  • à l’État, d’augmenter significativement son budget quant à la partie allouée aux solidarités (à noter que les dépenses de l’ASE en 2023 s’élèvent à 9,7 milliards d’euros, un chiffre en constante progression depuis 2021) ;
  • une meilleure information entre les différents acteurs œuvrant pour la protection de l’enfance. Pour ce faire, elle propose de mettre en œuvre des « actions innovantes » qui peuvent prendre la forme de conférences familiales, de médiation familiale ou encore de parrainage.

II. La garantie des besoins fondamentaux des enfants : redéfinition des interventions socio-éducatives autour du respect de leurs droits  

  • Prioriser les situations critiques  

La Défenseure des droits met l’accent sur l’importance de la qualité et de la cohérence des interventions auprès des enfants et de leurs familles. Pour ce faire, les informations les plus préoccupantes doivent bénéficier d’une priorité absolue. En d’autres termes, les affaires relevant d’un caractère d’urgence doivent être traitées avec rapidité et efficacité. De plus, les actions éducatives à domicile doivent mieux s’adapter aux besoins de l’enfant, de sorte que celles-ci doivent être plus nombreuses et diversifiées. La Défenseure reconnaît aussi que pour pérenniser cette qualité d’intervention, il est primordial de veiller à ce que les enfants bénéficiant d’une mesure de protection soient placés dans des lieux acceptables et sains, c’est-à-dire, qu’ils ne soient pas confrontés à la violence et que leur accueil se fasse dans un environnement de qualité (par exemple, il est interdit d’accueillir un enfant dans un appartement de location en ligne). 

  • L’enjeu de la scolarité et de l’autonomie  

Dans la continuité du précédent argument, il est nécessaire de considérer la scolarité et la santé comme de véritables enjeux. L’objectif étant de motiver ces adultes de demain, afin qu’ils puissent poursuivre des projets ambitieux. Le but est d’accompagner ces jeunes vers une autonomie et une insertion maximale dans la société. À ce titre, la Défenseure porte une attention particulière au passage à la majorité des jeunes en situation de handicap et des mineurs non accompagnés. 

Plus concrètement, dans cette seconde partie, la Défenseure des droits met en lumière certaines démarches à suivre. À titre d’exemples, elle recommande :  

  • la mise en place de maraudes de repérage des mineurs en « situation de rue », la multiplication des lieux d’accueil, ainsi que celle des centres sécurisés et sécurisants en faveur de ces enfants. Ces différentes actions permettront de renforcer la formation des professionnels sur le repérage des mineurs qui se livrent à la prostitution et plus largement des mineurs victimes de la traite des êtres humains ;
  • l’organisation de contrôles inopinés au sein des centres d’accueil, afin d’éviter la survenue « d’événements indésirables graves » par la suite ;  
  • la mise en place d’une communication adéquate auprès des jeunes majeurs sur les possibilités de saisine du juge administratif lorsqu’ils se heurtent à un refus d’accompagnement.

Ainsi, par cette décision-cadre et sept autres décisions territoriales (voir en annexe), la Défenseure des droits met l’accent sur une protection parfois négligée et inadéquate des enfants. En effet, son rapport, présenté ci-dessus, s’inscrit dans la continuité de plusieurs alertes lancées par différents professionnels du droit. Certains de ces professionnels ont saisi l’institution du Défenseur des droits du fait de la constatation de nombreuses mesures éducatives incompatibles avec les besoins de l’enfant, de placements inexécutés ou encore de l’accueil d’enfants dans des lieux non autorisés, tels que des hôtels ou des gîtes. Ayant été alertée de cette gravité, la Défenseure des droits, au sein de son rapport, « salue l’investissement de l’ensemble des professionnels qui, chacun à leur niveau, consacrent leur énergie à la protection des enfants et à l’accompagnement des familles. Elle invite en revanche à interroger la considération que notre société accorde aux politiques de lutte contre la pauvreté, au soutien à la parentalité et à la protection de l’enfance ». 

Enfin, il convient de noter que cette décision n’a pas de force contraignante. Elle consiste uniquement à émettre des recommandations visant à améliorer la protection de l’enfance. Toutefois, ces recommandations peuvent exercer une véritable influence sur les pratiques administratives et inciter les autorités compétentes à apporter des modifications pour mieux protéger les enfants. Ainsi, il serait intéressant d’encourager la réflexion sur la qualification et la force juridique des décisions des Défenseurs des droits (lien doctrine juridique). 

La protection de l’enfance s’opère par divers leviers, notamment à travers la régulation de l’espace numérique. À ce titre, il convient de consulter la veille juridique de Monsieur Masaya KOYANAGI. En effet, cela permettra de comprendre que la protection de l’enfance passe aussi par la régulation de l’espace numérique afin d’éviter la surexposition des enfants à des contenus inappropriés (voir le lien en annexe). 

Marine GOURWITZ – étudiante en Master 1 Droit public, Métiers des Contentieux Publics et du Droit Public Général

Annexes :  

La décision-cadre du 28 janvier 2025 :  

https://juridique.defenseurdesdroits.fr/index.php?lvl=notice_display&id=53536

Les septs autres décisions territoriales qui témoignent du constat de la Défenseure des droits :  

https://juridique.defenseurdesdroits.fr/index.php?lvl=notice_display&id=53503

https://juridique.defenseurdesdroits.fr/index.php?lvl=notice_display&id=53538

https://juridique.defenseurdesdroits.fr/index.php?lvl=notice_display&id=53537

https://juridique.defenseurdesdroits.fr/index.php?lvl=notice_display&id=53541

https://juridique.defenseurdesdroits.fr/index.php?lvl=notice_display&id=53504

https://juridique.defenseurdesdroits.fr/index.php?lvl=notice_display&id=53544

La veille de Monsieur KOYANAGI Masaya : 

Sources :  

Légifrance  

Site de l’Action Enfance  

Site France Info 

Site Vie publique https://www.vie-publique.fr/en-bref/297115-protection-enfance-defenseure-des-droits-alerte-situation-degradee

Site de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) – https://www.cada.fr/administration/aide-sociale-lenfance-ase

Site Diplomatie.Gouv – https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/adopter-a-l-etranger/faq-glossaire-textes-de-reference/le-glossaire-de-l-adoption/article/aide-sociale-a-l-enfance-ase

Site de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse/les-dossiers-de-la-drees/240723_DD_aide-sociale_Enfance_2024

Site Dalloz – https://actu.dalloz-etudiant.fr/a-la-une/article/la-convention-internationale-des-droits-de-lenfant/h/7eca4a9cc9199beaa3c39a8f510e5436.html

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