Les incidences des modalités de paiement de la prestation compensatoire sur son traitement fiscal

Le régime fiscal afférent à la prestation compensatoire diffère selon que son versement s’effectue sous la forme d’un capital ou d’une rente. 

Une prestation compensatoire versée sous forme de rente est soumise à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des pensions et rentes viagères, entre les mains du créancier, après application d’un abattement de 10% (article 80 du CGI). Corrélativement, elle est déductible du revenu brut global de son débiteur (article 156, II, 2° du CGI). Les prestations compensatoires en capital versées sur une période supérieure à douze mois, à compter de la date du jugement de divorce passé en force de chose jugée, bénéficient du même traitement fiscal (article 156, II, 2° du CGI). 

A l’inverse, la prestation compensatoire en capital versée sur une période inférieure à douze mois est soumise au paiement d’un droit fixe de 125 euros dû normalement par le créancier (article 1133 ter du CGI). Corrélativement, le débiteur bénéficie d’une réduction d’impôt égale à 25% du montant du capital dans la limite d’un plafond de 30.500 euros (article 199 octodecies, I du CGI). 

Au vu des règles de droit énoncées, se posent deux questions.  Premièrement, celle du traitement fiscal des prestations compensatoires dont les modalités de paiement fixées par le juge n’ont pas été respectées par le débiteur (I). En second, la question des prestations compensatoires mixtes c’est-à-dire celles versées pour partie sous forme de capital et pour partie sous forme de rente (II). 

I. La déductibilité de la prestation compensatoire conditionnée à un versement conforme aux modalités de paiement fixées par le juge : arrêt Conseil d’Etat du 14 octobre 2020.

Il peut arriver que, volontairement ou non,  le débiteur ne respecte pas le calendrier fixé par le juge, pour le paiement de la prestation compensatoire. La décision rendue par le Conseil d’Etat, le 14 octobre 2020 (10ème et 9èmechambres, n° 421028), nous enseigne que les incidents rencontrés à l’occasion du recouvrement de la prestation sont sans incidence sur son traitement fiscal. 

En l’espèce, un époux a été condamné au paiement d’une prestation compensatoire, sans autorisation de procéder à un paiement fractionné. Or, il s’est acquitté de la somme en trois versements échelonnés sur une période supérieure à douze mois. Au titre de l’article 156, II, 2° du CGI, il a déduit de son revenu brut global la somme correspondant aux deux premiers de ces versements. L’administration fiscale a remis en cause ces déductions.  

Le Conseil d’Etat a jugé que « les versements de la prestation compensatoire effectués sur une durée supérieure à douze mois, au sens de l’article 156 du code général des impôts, et déductibles à ce titre du revenu imposable, ne peuvent s’entendre que de ceux qui l’ont été conformément aux modalités de paiement fixées par le juge ».  Il fonde sa décision sur les articles 274 et 275-1 du Code civil aux termes desquels le juge fixe le montant de la prestation compensatoire en capital, les modalités selon lesquelles elle s’exécutera (versement d’une somme d’argent ou attribution de bien) et en cas d’impossibilité pour le débiteur de verser directement ce capital, le juge peut échelonner son paiement dans la limite de huit années, sous forme de versements mensuels ou annuels.  

L’article 156, II, 2° du CGI dispose, seulement, que les versements déductibles du revenu brut global de leur débiteur sont ceux effectués sur une période supérieure à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce est passé en force de chose jugée. Pris à la lettre, cet article ne précise aucunement que les versements doivent être effectués conformément au jugement de divorce pour être déductibles. Cependant, afin d’empêcher le débiteur de la prestation compensatoire de choisir le régime fiscal qu’il préfère, la doctrine administrative1 et une grande partie des décisions2 ont fait prévaloir la durée théorique des versements pour la détermination de leur traitement fiscal. 

Le 14 octobre 2020, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de statuer sur la question et a  expressément conditionné la déductibilité de la prestation compensatoire à un versement conforme aux modalités de paiement fixées par le juge.  

II. Le traitement fiscal des prestations compensatoires mixtes : décision du Conseil Constitutionnel du 31 janvier 2020 et amendement du projet de loi de finances 2021.

Une prestation compensatoire versée pour partie sous forme de capital libéré dans les douze mois du jugement de divorce passé en force de chose jugée, n’est ni éligible à une réduction d’impôt dès lors qu’elle s’accompagne d’une rente (article 199 octodecies, II du CGI), ni déductible du revenu brut global de son débiteur (article 156, II, 2° du CGI). 

Identifiant une rupture d’égalité devant les charges publiques, le 31 janvier 2020, le Conseil Constitutionnel (n°2019/824 QPC) décide que la partie en capital d’une prestation compensatoire mixte versée sur une période inférieure à douze mois doit ouvrir droit à réduction d’impôt. Le juge constitutionnel censure mais n’abroge pas le paragraphe II de l’article 199 octodecies. Effectivement, la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice a modifié le paragraphe I de l’article 199 octodecies auquel renvoie le paragraphe II. Ainsi, les dispositions appréciées ont été considérées comme n’étant plus en vigueur à la date à laquelle la décision a été rendue par le Conseil. Pour autant, leur sens n’a pas été substantiellement modifié. 

Afin de tenir compte de cette décision, le 20 octobre 2020, en première lecture du projet de loi de finances 2021, l’Assemblée nationale a adopté un amendement (n°I-1118) lequel propose d’abroger les dispositions équivalentes en vigueur.  

Note 1 : BOFIP-160-10-20120912, § 150. 

Note 2 : CAA Bordeaux, 3ème ch., 14 mai 2013, n°11BX01831 / CAA Lyon, 5ème ch., 26 janvier 2012, n°11LY00932). 

Sources : 

• Site internet de l’assemblée nationale : 

[http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/3360A/AN/1118]

• Droit de la famille n° 1, Janvier 2015, étude n°3, Frédéric Douet, Le point sur la fiscalité de la prestation compensatoire. 

CAN Ezgi. 

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